Pendant le repas, les convives discutent de tout et n'importe quoi. Je reste muette, mais attentive à ce qu'il se dit. Quelques-uns parlent des services qu'ils ont accomplis. D'autres, des travaux effectués dans les champs de la Limite Est. Je ne le nierai pas : je m'ennuie. Toutefois, je ne veux pas être dérangée par des tonnes de questions sur ce qu'il m'est arrivé. Je n'en ai pas la moindre idée.
Deux femmes conversent de l'autre côté de la table. Je les écoute discrètement pour qu'elles ne le remarquent pas. La discussion est portée sur l'extérieur. Une nouvelle disparition a été rapportée aux policiers de Raven Creek. Une jeune fille de quinze ans a été arrachée de ses parents un peu plus tôt cette semaine par le Front. Ils n'ont pas de nouvelles d'elle depuis ce temps. C'est la sixième depuis le début de l'année.
—Combien de temps cela va-t-il encore durer ? demande l'une d'entre elles, n'attendant pas de réponse précise en retour.
Je suis encore atterrée des mots de l'aînée : « celle qui nous délivrera ! ». C'est insensé. Je ne peux rien faire contre les tatoués. La police et les fédéraux ont échoué. Moi, je ne suis rien qu'une victime de seize ans. Une victime qui ne réclame qu'une chose : la vengeance de ses parents.
Les femmes abordent un autre sujet. Sortir. Elles parlent d'un plan de sauvetage en quelque sorte. Traverser le Portail, courir les bois, contourner le centre-ville par les taudis, se rendre aux montagnes et descendre la vallée. Elles veulent retrouver la jeune fille et la ramener chez ses parents. Ou, s'il est trop tard, l'intégrer à la communauté.
Cette dernière phrase me laisse perplexe. Qu'est-ce qui pourrait être trop tard ? Ces souffrances dont j'entends trop les malheurs autour de moi. Dont, pour certains, les ont marqués par des balafres incorrigibles. Comment comptent-ils évoluer la science en faisant tant de mal ? Comment, en vingt-trois ans, n'ont-ils pas mis un terme à ses expériences ? Comment veulent-ils que je les délivre ?
Le buffet est fini et je rentre avec Noah à la maison. Le repas a été copieux et je suis reconnaissante envers ceux qui sont allés à un supermarché à l'extérieur pour acheter la viande, puisqu'il n'y en a vraisemblablement pas ici.
Je n'ai pas besoin de sécurité. Je n'ai encore moins besoin de repas en ma faveur. Je veux arrêter ce qu'il se passe dehors. Mais pour cela, il faut que je comprenne ce qu'il se passe exactement.
Noah refuse d'en parler. Il me souhaite bonne nuit et se dirige vers sa chambre. J'en fait de même. «La nuit porte conseil» résonne dans ma tête. Malheureusement, Morphée ne veut pas m'endormir cette nuit. Je ferme mes yeux, remue, et les rouvre.
Le soleil se lève et je n'ai toujours pas dormi. Une légère brise circule par la fenêtre. J'aurais juré l'avoir fermée hier soir. Je mets le pied en dehors du lit et me rends à la cuisine.
Noah n'est pas à la maison. Un morceau de fromage et un pain m'attendent dans une assiette. À côté, il y a un verre d'eau. Je suppose que je dois m'habituer à un petit déjeuner frugal tous les matins.
Heureusement, la douche est chaude. Je crois que c'est le seul endroit où je pourrais faire le vide de tout ce qui pèse sur mes épaules. Quelle est la prochaine étape ? Je fonce dans la vallée pour finir comme mes parents ? Ce serait inutile. Je dois être rusée, forte et prête. Je ne le suis pas
Dehors, les quelques enfants courent, les adultes vaquent à leurs occupations quotidiennes. Ils nettoient les vêtements, lavent la vaisselle et préparent ce qu'ils ont à manger. Je décide d'aller explorer la Limite Est, la seule où je ne me suis jamais rendue. Une traversée de trois quarts d'heure environ.
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Déjà-Vu Tome1: Les souvenirs du Flambeau
Ficción GeneralLe Flambeau, c'est moi, Mila, et je tiens à ce que justice soit faite. Le DNA a tué des milliers de victimes, dont mes propres parents. Du haut de mes seize ans, j'arrêterai cette organisation scientifique et meurtrière. C'est une promesse. Par amo...