Départ

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« - Natsu, c'est l'heure.

- Encore un peu... Juste un peu...

- Quinze minutes, pas une de plus. »

Mécontent mais compréhensif, Ignir prit place dans la voiture. Quelque part, il me comprenait, ayant vécu la même chose à quelques différences près. Seul et abandonné. Appuyé contre ce mur fait de pierres devant la voiture de mon père, je t'attendais. Oui je t'attendais, toi, celle qui avait changé ma vie à jamais. Tu avais disparu et une nouvelle fois, je me sentais abandonné. Moi qui pensais avoir dit adieu à la solitude qui m'avait toujours bercé pendant mon enfance, la revoilà, me tendant de nouveau sa main. Mon regard se perdait dans l'horizon de la route, j'espérais te voir ou même seulement t'apercevoir une dernière fois. Tes yeux, tes cheveux, ton sourire, tes lèvres... Oh que je les avais désirées, tes lèvres, et que j'avais savouré ce moment où elles s'étaient scellées aux miennes dans un baiser des plus doux. Ce baiser, ce feux d'artifices de sensation, tu étais la première avec qui je ressentais ça. Mais désormais, que ressentais-je au plus profond de moi ? Rien. Le néant abritait mon cœur, lui qui autrefois était rempli d'amour. Cet amour si fort et si sincère qu'il causa lui-même sa perte. Si je t'avais un jour dit cela, que m'aurais-tu répondu ? Le saurais-je un jour ?

Tu étais la seule à détenir la réponse, moi, je posais juste les questions. Un peu comme lors de nos révisions. Sauf que dans ce cas là, je pouvais toujours trouver la réponse en me creusant un peu la tête chose - à laquelle je n'étais que très peu habitué. Mais là, devant cette voiture, je ne peux qu'espérer. « Il y a toujours une solution Natsu, il ne faut pas perdre espoir » me rappelais-tu à chaque fois que je baissais les bras. Et toi, à ma place, aurais-tu baissé les bras ? Non, tu as toujours été plus forte que moi. Je n'aurais jamais eu le cran de faire la morale au moi d'autrefois comme toi tu l'as fait. Qui aurait cru qu'un jour, j'aurais aimé revivre ce moment. Celui où tout a commencé. Celui où j'ai compris que tu étais différente.

Ton amie, Levy, m'avait sans faire exprès bousculé devant les casiers et par la même occasion elle était tombée sur le sol. Je me souviens de son visage, de la peur dans ses yeux. Elle venait de pousser celui qui ne fallait pas pousser. Un son inaudible sortit de sa bouche, cela devait être un « désolée » déformé par la peur. Je tendis ma main pour l'aider à se relever mais tu t'interposas entre elle et moi. Avec les rumeurs qui couraient sur mon compte au lycée, tu as sans doute cru que j'allais lui faire regretter son erreur. J'étais insolant avec les professeurs, les renvois de cours débordaient de mon cahier de correspondance et ma moyenne était toujours très proche du quatre sur vingt. Cependant, en aucun cas, je ne m'en prenais aux autres élèves, même si mes camarades prétendaient le contraire. La vérité n'était jamais sortie au grand jour, jusqu'à ma dernière journée dans ce lycée on m'avait pris pour la terreur du bahut. Dans les couloirs, les élèves ne m'approchaient pas, ils restaient au moins à deux mètres de moi mais pas toi. Tu étais là, devant moi, me défiant du regard, pleine de courage. Comme une mère défendant son petit. Je lançai un regard à Grey et nous rigolions comme jamais auparavant. Avant que je ne puisse expliquer que je ne comptais pas faire de mal à Levy, tu me pris de court. Je n'eus le temps de dire un mot que tu me passais un savon. Tu étais si en colère que mes rires et ceux de Grey s'arrêtèrent net. Cela dura une bonne quinzaine de minutes, j'étais impressionné, tu n'étais même pas essoufflée après avoir prononcé - ou plutôt crié - autant de mot. Levy s'était relevée toute seule pendant ton monologue. Et ensuite tu lui as pris la main et vous êtes parties, me laissant seul avec Grey. Quelques jours après, je t'ai aperçue au fond du couloir et t'ai pris à part sur le toit. Tu n'étais pas rassurée, je n'aimais pas ça ; ma présence te terrifiait même si tu te montrais forte. Je le voyais, dans tes yeux. Je t'ai fais mon plus beau sourire et je t'ai expliqué qu'il y avait eu un malentendu. Ta tête se décomposait au fur et à mesure de mes paroles. J'ai ris et c'est ainsi qu'on a commencé à se parler, à se mettre à côté dans les cours (même si en étant à côté de moi, écouter le cours était pour toi impossible). Un jour l'idée de m'aider t'a prise et les cours particuliers ont commencés.

J'étais tombé fou amoureux de toi sans m'en rendre compte jusqu'au jour où j'ai ressenti l'envie de sceller mes lèvres aux tiennes. Ou bien quand je me suis surpris à ne penser qu'à toi.

« - Natsu, il faut y aller sinon on n'arrivera jamais à Crocus, me dit mon père avec peine.

- Mais...

- Je sais Natsu, me coupa-t-il, je sais que c'est dur, j'aurais aimé qu'on puisse rester une journée de plus mais, tu sais bien que si j'arrive en retard à mon nouveau job... (Mes yeux s'humidifièrent) Enfin tu connais la suite. Je t'attends dans la voiture, rajouta-t-il avant de joindre le geste à ses paroles. »

J'essuyais les larmes naissantes aux coins de mes yeux d'un revers de ma main. Après tout, Ignir devait me comprendre. Maman nous avait abandonné, elle aussi. Aucun autre mot ne pouvait définir ce qu'elle nous avait fait. C'était une lâche, je la détestais ! Mon père faisait semblant d'être passé à autre chose depuis le jour de son départ. Sans doute pour éviter que je cède sous le poids du désespoir. Il s'était montré fort. Mais je n'étais pas dupe, lui aussi la haïssait. Pas autant que moi puisqu'il en était amoureux. Partie du jour au lendemain, sans explication. Plus aucune nouvelle. Pas une lettre. Pas un mot. Pas un signe. Rien. Juste une absence qui, de jour en jour, creusait une fissure plus profonde dans mon cœur.

Toi, je te reverrais une dernière fois n'est-ce pas ? Tu ne disparaîtras pas de ma vie ainsi ? Je pleurais, les larmes s'étant échappées de mes fines paupières. Celles-ci n'avaient pu les retenir, elles n'étaient que trop nombreuses. Pleurer était humain, n'est-ce pas ? Mais ne vaut mieux t-il pas sourire dans ces moments ? Comme tu me l'avais appris, j'allais essayé d'esquisser un maigre sourire sur mon visage. Si je le voulais, j'y arriverai pour toi mais... je ne le voulais pas. Je voulais que toute la tristesse, tout ces sentiments d'abandon qui envahissaient mon corps le quitte à jamais. Je ne souhaitais qu'une seule et unique chose : te revoir. Tout ce que je faisais le long de mes journées ne servait qu'à me rapprocher de toi. Lire et être cultivé pour pouvoir plus côtoyer ton milieu social, si différent du mien. Si je ne t'avais pas connue, je n'aurais rien fait de tout cela. Comme je n'aurais pas fracturé le nez de ce mec-là. Ma jalousie l'a emportée sur ma personnalité. La jalousie est une preuve d'amour, oui, mais quand elle est trop forte elle devient dangereuse. Je m'en rendais compte à ce moment-là et, à peine une semaine après, je regrettais. La première fois, il ne faisait que de te relooker son sourire pervers aux lèvres. La deuxième fois, il te draguait. La troisième fois, il t'a approchée de trop près, de beaucoup trop près. Il l'a regretté, mais au final ce n'était pas le seul à regretter mon geste. Je t'avais promis, je t'avais juré que je ne ferais de mal à personne. Je n'ai pas tenu ma promesse, ma colère étant trop grande.

Le moteur de la voiture se mit en marche. J'essuyais de nouveau mes larmes. Je ne pouvais pas rester plus longtemps, j'avais repoussé l'heure fatidique aussi loin que j'avais pu. Tu n'étais toujours pas là. J'entamai le pas vers la voiture au ralenti, espérant entendre ta voix me criant au loin d'attendre. Je ne l'entendis pas. Alors voilà, ça allait être comme ça, mon départ de Magnolia allait se dérouler. Je n'allais plus jamais te revoir et pourtant tu ne disparaîtras pas de mes pensées. Et moi, étais-je déjà parti de tes pensées ? M'avais-tu oublié ? Encore une fois, tu étais la seule à détenir la réponse. Je ne pouvais répondre qu'à une seule question. «Natsu, serais-je toujours au cœur de tes pensées ?» Oui car je suis fou de toi.

Je pris difficilement place dans la voiture.

« - Natsu, je sais que c'est difficile mais tu ne devrais plus penser à elle, l'oublier comme je l'ai fait avec ta mère, me dit Ignir, peiné.

- Si je ne dois plus penser à elle, tu devras m'enseigner à ne plus penser, citais-je, sans aucune émotion.

- Roméo et Juliette non ? Je ne savais pas que tu lisais du Shakespeare.

- Ce sont des classiques, c'est normal que je les lise.

- Hum, ce n'est pas plutôt pour elle que tu as lu ces ouvrages ? me demanda Ignir, le regard attristé. »

Une larme roula sur ma joue gauche. Je voulais me montrer fort, aussi fort que mon paternel, comme il le faisait chaque jour mais je ne pus retenir les compagnons de cette larme. J'éclatai en sanglots.

A ce moment-là, Ignir retira le frein à main et appuya sur l'accélérateur. Il était temps de quitter Magnolia. Et ainsi oublier cette ville où deux vies avaient été abandonné par la personne qui comptait le plus à leurs yeux. Celle de Natsu et de son père. Ce qu'ignoraient Ignir et son fils à ce moment là, c'était que, alors que la voiture quittait la rue, une silhouette essayant de rattraper leur voiture en courant se reflétait sur le rétroviseur droit. Une silhouette avec de magnifique cheveux d'or.

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