Chapitre 22 : Peeter

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Un étrange pressentiment m'envahit alors que nous quittons mon ancienne maison pour rejoindre celle de Faustine.

Je suis soulagé que nous n'ayons pas croisé mon père. Je ne sais pas vraiment comment j'aurais réagi s'il avait passé le pas de la porte. Mais j'avais besoin de parler avec Faustine seul à seule, dans un environnement rassurant. Évidemment, je pensais que la maison serait rangée et les placards pleins. Mais au moins, nous avons pu parler.

Maintenant que je sais que Faustine se souvient de moi et que ses sentiments sont toujours les mêmes, je peux enfin respirer. Même si je voulais partir loin d'ici, loin de ce conflit, je prends les choses autrement depuis que Faustine m'a raconté ce qu'ils lui ont fait à la Tour.

Ils méritent d'être jugés et punis.

Mais plus particulièrement, Jay Balder mérite la mort. Bien que cette punition me paraît trop douce. Et pourtant, savoir qu'il foule encore cette Terre en toute impunité, après les horreurs qu'il a osé commettre... Bon, peut-être pas en toute impunité. La Résistance doit se charger de lui tirer les vers du nez en employant probablement ses propres méthodes. Mais c'est un homme, et il a mérité son sort.

Faustine n'avait rien fait pour qu'on la torture. Quand je la revois me raconter toutes ces choses, quand j'ai vu son expression quand elle m'a annoncé qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfants... J'ai senti mon cœur exploser en mille morceaux. Comme si j'avais perdu une partie de moi-même en voyant la souffrance que l'humain est capable d'infliger à ses semblables.

Je ne devrais pas être étonné pourtant. Quand on voit ce que l'humain a fait à la planète et à tous ses êtres vivants depuis des siècles : totalement indifférents à tout ce qui ne les concernait pas directement, les Hommes ont laissé d'autres hommes mourir de faim ou de soif alors qu'ils avaient tous les moyens nécessaires pour empêcher ces drames. Ils ont laissé des milliers d'espèce s'éteindre par égoïsme, sans même se sentir coupable d'être responsable de la disparition totale et définitive d'autres êtres vivants. Ils ont rasé des forêts complètes, vidé des lacs entiers, pollué des océans et même l'air que nous respirons, et tout ça pourquoi ? Pour produire toujours plus. Pour s'assurer d'avoir le contrôle sur la population. Pour rester plus puissants et plus riches possibles que d'autres.

C'est ça, la réussite, chez les humains.

Et les autres se contentent simplement de se plaindre et de laisser faire.

Mais pas nous.

J'enrage intérieurement alors que toutes ces pensées fusent dans ma tête. Nous vivons dans des Secteurs purifiés et perfectionnés pour ne pas vraiment nous rendre compte de ce qui existait avant. Ou de ce qui existe là-bas, en dehors des Secteurs.

Les Zones Zéros sont limitrophes à nos lieux de vies, mais qu'est-ce que l'on trouverait dans ces endroits encore plus éloignés ? Le Gouvernement a-t-il réussi à purifier le reste de la planète ou s'est-il contenté de nous enfermer dans nos zones de confort ?

J'essaie de ne pas trop penser à tout ça alors que nous avons déjà suffisamment matière à réflexion ici. Mais souvent, je ne peux m'empêcher de me questionner à ce sujet.

La nuit recouvre les rues et les maisons de son manteau obscur alors que des nuages couvrent les rayons de la Lune. Seuls à marcher dans le noir et à lutter contre le froid, le mauvais pressentiment que j'avais en quittant la maison continue de grandir en moi. Comme si chaque pas que nous faisons nous rapproche inévitablement de quelque chose de mauvais.

Faustine garde sa main dans la mienne, ce qui contribue à calmer mes nerfs et à réchauffer mon cœur. Son inhabituelle proximité est la seule lueur qui chasse ma mauvaise humeur. J'espère qu'elle restera comme ça lorsque nous serons là-bas. Que Jake voit qu'elle m'appartient, bien qu'il soit officiellement ce que j'ai toujours voulu être : son Partenaire.

J'ai le sang qui boue rien que d'y penser.

J'appréhende aussi ma retrouvaille avec Miles, même si je pense qu'il a déjà suffisament à gérer avec Maggie... ce qui me rappelle que Faustine doit vraiment redouter la rencontre avec ses parents, qu'elle n'a encore jamais vu ensemble.

Je l'observe un moment, alors que nous marchons dans une ruelle à peine éclairée. Ses longs cheveux miel se balancent au rythme de ses pas et ses yeux fixent un point au loin. Sa peau pâle reflète le peu de lumière qui réussit à l'atteindre et même si elle porte sur son visage et son corps les marques des évènements des derniers jours, je la trouve magnifique. Et je n'en reviens pas de l'avoir à mes côtés.

Nous arrivons bientôt dans le quartier où elle a grandi et je la vois étudier les alentours avec attention. Des souvenirs doivent lui revenir et je me retiens d'interrompre le cours de ses pensées. Je décide plutôt de la laisser nous guider à partir de maintenant, me contentant de vérifier qu'aucune patrouille ne risque de nous surprendre.

D'elle-même, sans même se rendre compte de ce qu'elle fait, Faustine nous conduit tout droit à sa maison. Ce n'est qu'en atteignant la porte qu'elle réalise que, ça y est, nous y sommes.

Je lui envoie un sourire et serre sa main un peu plus fort.

-Tu es prête ? je demande en redoutant de voir son visage s'assombrir.

-Autant que je puisse l'être, répond-t-elle d'un ton égal, mais ses yeux répondent à mon sourire.

-Tu n'es pas obligée de dire à Miles que tu sais. Ce n'est peut-être pas la chose la plus important à aborder maintenant.

-Ne t'en fais pas. Je ne tiens pas à me retrouver au sein d'une espèce de réunion de famille malsaine. Je n'arrive toujours pas à croire que ma mère ait pu faire ça.

Elle marque une pause.

-Cela dit, elle a très bien réussi à m'abandonner.

Sans plus attendre, elle frappe à la porte et j'imagine que son cœur bat aussi fort que le mien. Et lorsque enfin, elle s'ouvre pour laisser entrer la lumière chaleureuse de la maison, nous nous retrouvons face à Maggie.




- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant