Chapitre 7 : La patience de la Louve

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Terres Sauvages


- Je te tuerai avant qu'on ne soit arrivé.

La menace glaciale n'émut par d'avantage Legolas que toutes les précédentes.

- Tu as déjà eu ta chance. Tu l'as manqué. Ne t'en prends qu'à toi-même, rétorqua-t-il depuis l'étalon rouan qu'il chevauchait.

De quelle manière s'y était-il prit pour acquérir deux splendides montures elfiques en pleines Terres Sauvages, la Louve n'en avait pas la moindre idée. Les chevaux étaient simplement venus les trouver la veille, leurs grands yeux sombres pleins d'intelligence, comme si, d'une façon ou d'une autre, ils avaient été en mesure de deviner les nécessités de l'Elfe et s'empressaient d'y répondre.

Elle-même était montée à cru sur un alezan, les poignets liés devant-elle, et non plus dans son dos, pour lui permettre se s'accrocher à sa crinière en cas de perte d'équilibre. Toujours muselé, Arsan suivait en silence, et bien qu'il soit à peine moins haut de garrot qu'eux, les chevaux ne manifestaient pas la moindre peur à son contact.

- Foutu Elfe, maugréa-t-elle pour la énième fois.

Attends que la lune soit ronde et tu vas regretter de ne pas m'avoir tué, ajouta-t-elle en son for intérieur.

Depuis le début de son périple, Eyàn n'avait eu de cesse de réfléchir aux ultimes paroles du Sorcier. Ce qui lui était tout d'abord apparu comme une énigme fumeuse s'était avéré être une précision cruciale. Son frère et elle ne pouvaient plus changer de peau, c'était un fait. Mais un tel sort requérait une puissance que le Sorcier de Minas Thar était loin d'avoisiner, quand bien même lui aurait-t-elle été conférée par son sacrifice. Car le pouvoir des Loups découlait de la lune, et un simple mortel ne pouvait s'y opposer sans contrepartie. En se fiant à ces déductions, la jeune femme était prête à parier que les derniers mots de l'assassin de sa Meute ne pouvaient avoir qu'une seule signification : à la prochaine pleine lune, et tout le temps que celle-ci durera, son frère et elle seraient délivrés de l'entrave magique.

Ils chevauchèrent deux jours durant à une allure modérée. Lorsqu'il faisaient halte, Eyàn guettait les occasions de s'enfuir, mais Legolas l'avait assuré que la monture qu'il lui avait accordé possédait une foulée moindre que le rouan et qu'elle ne lui obéirait pas. Au surplus, il n'hésiterait pas à ficher une flèche entre les yeux d'Arsan à la moindre tentative. Affirmation qu'elle se gardait de remettre en doute. Il ne montrait jamais aucun signe de relâchement, et elle le savait prompte à réagir. La nuit, elle observait le ciel, constatant l'accroissement lent de l'astre d'argent au milieu des étoiles. Comme la prédatrice qu'elle était, elle en était réduite à patienter et à se contenir en attendant son heure.

La pluie se mit à tomber au matin du sixième jour, soit celui qui devait s'achever sur une pleine lune. D'abord fine et froide, elle devint au bout de quelques heures une véritable averse tiède. Arsan et les chevaux avaient de la boue jusqu'aux chevilles, chacun de leur pas était accompagné d'un couinement spongieux. Les deux cavaliers étaient trempés. Leurs cheveux leurs collaient au visage, les aveuglant de concert avec la pluie, et leurs vêtements alourdis d'eau ne les préservaient plus depuis longtemps. A l'Est, l'horizon était noir de nuages d'orage. Et effectivement, un éclair finit par les déchirer aux alentours de midi. La Louve compta mentalement. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. Un long roulement de tonnerre gronda.

- Huit, lâcha Legolas d'une voix basse, à peine plus qu'une brise susurrant entre les feuilles.L'orage est loin, mais il sera bientôt sur nous...

Rogue WolvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant