3. Négociation (fin)

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Sur ces derniers mots, les Juges disparurent. Angel et Marie se retrouvèrent catapultés quatre ans en arrière à l'instant où Marie disait : « Maman, tu veux bien t'assoir avec Jules. Je voudrais... » et où le bruit de la sonnette l'interrompait. Angel proposa d'aller voir qui c'était. Il revint quelques instants plus tard, sans avoir ouvert la porte, et dit :

— C'était deux anciennes conquêtes qui voulaient empêcher Marie de vous dire ce qu'elle a à vous annoncer.

La mère de Marie se dit en son for intérieur que son futur gendre avait parfois un drôle d'humour, mais elle tourna vite son attention vers sa fille et ce qu'elle avait à lui annoncer.

— Angel et moi attendons un enfant, dit Marie, d'une voix tremblante.

Marie était émue car elle mesurait la chance qu'elle avait de pouvoir prononcer ces mots « Angel et moi attendons un enfant ». Un cadeau du Ciel, même si cette grâce-là, elle l'avait arrachée plus qu'elle ne lui avait été donnée !

Les larmes aux yeux, la mère de Marie prit sa fille dans ses bras. Jules vint cogner son poing à celui d'Angel et le gratifia d'un « Cool ».

Ils filèrent ensuite rejoindre Sophie et Sébastien au restaurant. Ils passèrent une excellente soirée à parler, rire, de tout et de rien. Au grand soulagement de Marie et d'Angel, Sophie fut complètement insensible à la tentation qu'incarnait de nouveau Angel. Ses regards énamourés ne se portaient que vers Sébastien, contre l'épaule duquel elle posait sa tête à la moindre occasion.

C'est ainsi qu'Angel et Marie redevinrent un couple, presque normal, du moins en apparence. Célèbres, grâce à l'épisode de la falaise que ni la presse ni le grand public n'avaient oublié. Riches grâce à Nid d'amour, leur entreprise organisatrice de nuits magiques pour les amoureux, toujours aussi florissante et dont les services continuaient à être demandés dans le monde entier. Au quotidien, c'était Marie qui la gérait et recevait les clients. Angel évitait d'approcher les fiancées, de peur que sa séduction n'opère. Il se contentait, entre deux missions, de concevoir les décors de ces nuits d'amour ou de conseiller Marie, à distance, par la pensée, lorsque celle-ci avait besoin de son savoir et de sa longue expérience.

Avec leur fortune nouvelle, ils acquirent une propriété et son grand terrain sur les hauteurs de Saint-Cloud, face à Paris et sa tour Eiffel. Ils firent raser l'ancienne bâtisse et en firent construire une neuve, résolument moderne. La maison formait un bloc carré autour d'un patio intérieur, où coulait une fontaine entourée de trois palmiers. C'était leur havre de paix, leur refuge à l'abri des regards et des éventuels paparazzis. Les murs extérieurs de la demeure étaient aveugles, ils n'avaient qu'une ouverture longiligne en hauteur, qui laissait passer la lumière mais ne permettaient pas que les occupants fussent vus. En revanche, la façade tournée vers Paris était une immense baie vitrée sur deux étages que des stores pouvaient occulter si besoin. Elle bordait la pièce à vivre du rez-de-chaussée et les chambres à l'étage, dans lesquels elle faisait pénétrer une vive lumière. La façade vitrée était divisée en deux, en son milieu. Car la grande maison abritait en réalité deux maisons, autonomes, qui ne communiquaient que par le patio intérieur. L'une pour Angel et Marie, l'autre pour Jules et sa mère. C'était Marie qui avait eu l'idée de les réunir sous le même toit, tout en assurant leur indépendance, pour faciliter la mission de surveillance de son père.

Les quelques amis qui avaient été invités sur les lieux, s'étaient tous extasiés devant leur beauté, qualifiant l'endroit de « paradisiaque ». Il est vrai que la décoration, du sol au plafond, était d'un blanc immaculé, choix dont Marie ne doutait pas qu'il se fût imposé en réaction aux noirceurs infernales qu'ils avaient connues. Au petit matin, le lever du soleil sur Paris baignait les pièces de teintes roses, dorées. Midi les inondait d'une lumière zénithale qui renforçait l'impression de blanc immaculé. Et le soir, le scintillement de la Tour Eiffel et la vue sur le ciel conféraient à l'ensemble un caractère féérique. Ce surplomb de Paris donnait parfois aux visiteurs l'impression d'un envol possible. Et ce n'était pas complètement faux... Car, à trois reprises pour son anniversaire, après avoir confié leur enfant à sa grand-mère, Angel emporta Marie dans les airs pour l'un de ces vols nocturnes dont il avait le secret. Pour l'un, il choisit le thème « Capitales », pour l'autre « Chutes et gouffres », pour le dernier « déserts ». Ils firent halte dans des lieux grandioses, qu'ils fussent le fruit de la nature ou de la main de l'homme. Marie raffolait de ces envolées qui lui permettaient de faire des découvertes époustouflantes, mais surtout lui donnaient le loisir de passer quelques heures pelotonnée contre son amour, dans le cocon de leurs auras fusionnées, loin du quotidien et de ses soucis.

Car le quotidien n'était pas aussi idyllique qu'elle l'aurait voulu. Entre la gestion de leur entreprise, les soins apportés à Marc et l'intendance de leur maisonnée, l'emploi du temps de Marie était surchargé. Il arrivait que le soir, elle tombe endormie de fatigue, alors même qu'elle essayait de veiller en attendant le retour d'Angel. Parfois, elle se réveillait au beau milieu de la nuit, seule sur le canapé du salon. Angel n'était pas rentré de sa mission. Elle rejoignait le lit conjugal, véritable radeau à la dérive pour elle, plus que de nid d'amour. Elle laissait les stores ouverts, tournait son visage vers les lumières de la ville qui venaient marbrer sa peau, en espérant qu'elle verrait Angel apparaître et voler vers elle. Mais la plupart du temps, elle attendait en vain, elle se rendormait sans qu'il fût rentré.


Angel & Marie - T. 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant