Chapitre 4

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                                 4.
J'étais face à un haut bâtiment, tout gris, recouvert de ciment. Quelques fenêtres trouaient de temps en temps cette énorme façade. Pas une fleur ou une affiche publicitaire pour égailler l'endroit, tout était morne, le temps compris : gris, triste, maussade. Aucune joie de vivre.

Je m'avançais fébrilement vers la porte automatique qui s'ouvrit à mon approche. Je me dirigeais vers ce qui semblait être la réception. Un comptoir en pierre bleue et une réceptionniste avec de larges lunettes qui lui donnait des yeux globuleux comme une mouche, fixant son écran de PC, se trouvait là. J'entendais parfois le petit clic de la souris de la dame ou les touches de clavier lorsqu'elle écrivait mais rien de plus. Un silence oppressant régnait en maître.

- Bonjour, claironnai-je, trouant du même coup ce silence.
- Bonjour, me répondit la voix peu engageante de la réceptionniste.
Je ne me laissai toutefois pas démonter et repensai au parole de Maya, "l'opportunité de ta vie". Ça m'étonnerait fortement mais qui ne tente rien n'a rien comme le dit si bien le dicton.
- Pourriez-vous me dire où se trouve le bureau B ? fis-je tout sourire.
La bonne femme ne leva même pas les yeux sur moi et cracha :
- Carte d'identité !
- Je ne l'ai pas.
Effectivement, ma carte devrait être prête pour ce week-end. Je ne l'avait donc pas encore.
- Nom et prénom alors.
Son ton devenait de plus en plus acerbe et brusque. Je commençais sérieusement à m'inquiéter sur l'endroit où j'étais tombée et à penser à rentrer au plus vite.
- Kila Rayn.
- Le bureau se situe au premier au fond du couloir de gauche, dit-elle presque gentiment, je cru même discerné un sourire.
Je la regardai avec surprise. Je ne comprenais pas pourquoi d'un coup elle m'avait indiqué le bureau B or qu'elle n'avait pas l'air de vouloir me le dire il y a 10 secondes. D'autant plus que sa voix s'était immédiatement radoucie. Elle avait même levé les yeux vers moi l'espace d'une mili-seconde, enfin il me semble. Peu m'importais, j'avais passé le "contrôle".
J'empruntai donc les escaliers et arrivai à l'étage. Une petit salon avec un fauteuil en cuir brun et une plante verte me faisait face. Je tournai à gauche comme elle me l'avait dit. Il n'y avait que deux porte dans le long couloir Une au début et une à la fin. Les salles devaient être immenses. Ici et là un cadre pendait avec des photos d'endroits qui m'étaient inconnus. Un arbre, une fleur, le ciel, juste de la nature accroché sous forme de photos aux murs. Ceux-ci étaient toutefois toujours gris, sans éclat.
En tout cas il n'y avait pas âme qui vive et le silence était revenu. Pas même le clic d'une souris ne venait le rompre cette fois-ci.
Je marchais sur la moquette bordeaux qui absorbait mes bruits de pas. Je frappai à la porte indiquée par la réceptionniste.
- Entrez !
Je sursautai. Je me demandai bien pourquoi d'ailleurs, je n'allais tout de même pas m'interviewer toute seule !
Je fis un timide pas à l'intérieur et découvrit la dame qui m'avait invitée ici affalée sur une de ses chaise à roulettes. À nouveau, la sensation de la voir déjà vu me reprit. Peut-être l'avais-je juste vu à la télé, après tout elle est journaliste.
- Viens, n'ai pas peur, je ne vais pas te manger, plaisanta-t-elle.
J'entrai en prenant soin de bien laisser la porte ouverte en cas de besoins, je n'étais pas du tout rassurée. Un frisson me parcourut l'échine lorsque je remarquai que le bureau où nous nous trouvions n'était absolument pas aussi grand que semblait le laisser supposer la taille du couloir et surtout, il n'y avait pas de micro ou quoi que ce soit.
- Où est tout le matériel pour m'interviewer ? demandais-je suspicieuse.
Le calme qui régnait n'était pas pour me rassurer en plus.
- Nous irons dans la salle adéquate après. Je voulais d'abord te parler de choses extrêmement importantes.
Son ton était mystérieux mais chaleureux. Elle avait réussi à piquer ma curiosité.
- Importantes comment ?
- Ton avenir Kila, ton avenir.
Je ne comprenais absolument rien et ...
- Vous connaissez mon nom !
En y regardant de plus près j'avais l'impression qu'elle me connaissait, que mes petites expressions ou mimiques lui étaient comme familières. Or moi je ne la connaissait pas.
La dame baissa les yeux vers son bureau. Je suivis son regard et là, j'émis un petit cri. Ma carte ! Ma carte d'identité était là, juste devant moi. Après le moment de stupeur passé, je pus parler et demandai en écarquillant les yeux :
- Que... Comment les avez-vous eu ?
- Par moi.
- Par ... Par vous ? C'est vous ?! C'est vous qui vous êtes introduite chez moi ?! C'est vous que j'ai croisé quand j'ai couru ?!
Tout s'expliquait alors, cette sensation de déjà-vu, le fait qu'elle semblait déjà bien me connaître... Elle m'a sûrement espionnée !
- Oui.
Je me précipitai alors vers la porte mais au moment où je l'atteignis, elle se referma dans un claquement sec. Je crus voir remuer un petite bestiole près du sol mais je n'y fit guère attention, faisant volte face pour regarder la jeune femme.
- Que ... ?
- Assieds-toi et écoute-moi maintenant !
Je me fis violence pour ne rien tenter et m'assoir comme elle me l'ordonnait.
- Maintenant écoute-moi et, s'il te plaît, ne m'interromps pas.
Je ne voyais pas pourquoi je devrais lui obéir. Pour ne pas créer un esclandre je répondais par l'affirmative même si je l'interromprai sans aucun doute.
- Tu es une Sortcallie.
- Une quoi ?
- Une Sortcallie, surarticula-t-elle comme si elle parlait à une gamine de 5 ans. Ça fait une sorcière Calligrapheuse. Tu as des pouvoirs Kila. Ils sont en toi et n'attendent que d'être extérioriser.
J'écarquillai les yeux puis me mis à rire. Un rire qui sonnait faux, nerveux. Comment cette bonne femme qui ne le connaissais que depuis une semaine pouvait savoir si j'avais des pouvoirs ? Et puis la magie n'existe pas ... Pas vrai ?
- Ce, ce n'est pas vrai ? Dites-moi que ce n'est pas vrai !
Je croisai son regard. Des yeux d'un bleu pénétrant qui était on ne peut plus sérieux. Je commençais sérieusement à hésiter.
- Bon et je suppose, Madame la Sortcallie, que vous venez d'un autre monde aussi ? dis-je ironiquement en levant les yeux au plafond.
- Mais parfaitement ! Et toi aussi d'ailleurs.
- Mais oui et maintenant vous allez me demander que je sauve votre monde !
- En quelque sorte, oui.
Je pris ma tête entre mes mains. Un rêve était devenu réalité. Mais oui, un rêve !
- Bon finit, trêves de plaisanteries je veux me réveiller !
Je me pinçai, me tapai mais rien n'y fit. Je me raccrochais à l'espoir vain que tout cela n'était qu'un mauvais rêve et que je me réveillerais en tant qu'une jeune lycéenne normale.
- Tu ne rêve pas ! fit la voix dure de mon interlocutrice.
Mes yeux étaient suppliants, je ne comprenais pas, je ne me comprenais plus. J'avais toujours rêvé de ça, d'avoir des pouvoirs, être différente et maintenant que ça me tombait dessus ... Rien. Juste une peur effrénée que cela soit vrai.
- Mais, si je ne rêve pas, pouvez-vous m'expliquer tout ça ? dis-je en écartant les bras, impuissante.
- C'est ce que j'essaye de faire depuis tantôt !
Je la regardai de haut, ma peur se transformant en colère contre cette dame qui venait casser mon quotidien avec je ne sais quelle sottise. Elle ment. C'est sur.
Je la regarde débiter son charabia, n'écoutant qu'à moitié.
- Donc, pour aller dans notre monde il suffit de prononcer un formule, enfin, de la dessiner avec ton doigt. Pour aller dans notre royaume il n'y a que les gens importants ou les Importés qui connaissent cette formule difficile. Un Importé ou les enfants des Importés sont des personnes qui ont établi une vie dans ce monde. Donc tu es une Importée.
Elle se tut un instant. J'en profitai pour demander, pour voir jusqu'où elle pouvait s'enfoncer dans son mensonge :
- Mes parents ? Pourquoi ne m'ont-ils rien dit ? Sont-ils tous les 2 Importés ?
- Tes parents ne sont pas des Importés. Aucun des deux.
Je savais que ça ne tenait pas debout ! Elle me raconte des salades comme dirait mon oncle.
- Alors, ... Comment cela se fait-il que je sois une ... Sortcallie ?
- Meïta.
- Ma grand-mère ?
Qu'est-ce que ma grand-mère venait faire là dedans ? Je commençais sérieusement à m'embrouiller. Mais je m'en fichais un peu.
- Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, ça a sauté une génération pour revenir après, sur toi.
Je demeurai un instant pensive. Donc grand-mère est comme moi, enfin, soi-disant. Je réfléchis un instant et décidai qu'à la seconde où je quitterai ce bâtiment, je l'appellerai pour mettre tout ça au clair. Mais en attendant, je devais encore éclaircir quelques points.
- Elle ne pouvait rien dire ?
- Non, si elle révèle ces pouvoirs au humains normaux elle risque beaucoup. Elle a déjà fait beaucoup de choses, mieux vaut qu'elle s'arrête là, répondit-elle, dégoûtée.
Je n'aimais absolument pas son terme "humains normaux", comme si le fait d'avoir ces soi-disants pouvoirs faisaient de nous des êtres supérieurs ! Et en plus avec son ton qui n'était absolument pas sympathique, une boule de colère monta en moi. Toutefois ma curiosité l'emporta.
- Qu'a fait ma grand-mère ?
- Elle est la première Importée. C'était totalement interdit avant. On ne pouvait se mélanger avec de simples humains. Au risque de tous perdre ! Avec leur soif de pouvoir ils auraient tout fait pour savoir les secrets de notre civilisation, répondit-elle d'un ton fort hargneux.
J'étais fière de ma grand-mère mais comme je ne connaissais pas encore toutes les circonstances je demandai :
- Et comment a-t-elle fait pour venir ici ? La formule existait déjà ?
- Non. Meïta était très puissante et a réussi à créer la formule de toute pièce. Personne n'était d'accord mais elle assurait faire de simples excursions. Un jour elle est partie pour ne plus jamais revenir. Elle avait confié la formule à sa gouvernante qui l'a ensuite répété au Scribe et on a pu aller dans ce monde facilement. On a, par ailleurs, appris qu'elle était tombée amoureuse et était même déjà enceinte ! La loi a donc autorisé ce genre de chose mais il faut alors renoncer à une partie de ces pouvoirs.
Sa grimace me répugnait. Je ne voyais absolument pas ou se trouvait le problème de ce soi-disant mélange. J'étais un peu surprise que Meïma, comme je l'appelais souvent, puisse faire ça, je ne l'imaginais pas comme un rebelle. Mais malgré notre "soif de pouvoir" -je me considérais toujours comme "simple humaine"- elle avait bravé l'autorité en allant jusqu'à se marier avec un humain. Elle m'impressionnait considérablement, j'étais vraiment impatiente de la revoir pour qu'elle m'explique.
- Et qu'attendez-vous de moi exactement ? demandai-je relevant la tête et me redressant bien droite en essayant de l'impressionner.
- Tout d'abord tu vas apprendre à maîtriser un minimum tes pouvoirs puis tu apprendras la formule pour te rendre dans notre monde ou une mission de la plus haute importance t'attends.
Un sourie s'afficha sur son visage, un sourire qui ne me présageait rien de bon.
Je m'affaissai aussi vite que je m'étais redressée. Qu'est-ce qui allait encore me tomber dessus ? Elle ne jugeait pas déjà largement suffisant tout ce qu'elle venait de m'apprendre en 5 minutes à peine ? Je me rappelai que ce n'était peut-être pas vrai, que c'était peut-être un mensonge. Un mensonge bien fait certes, mais un mensonge tout de même.
- Quel genre de mission ? demandais-je, et pourquoi moi ?
- Toi ? Car tu es extrêmement puissante Kila ! Ça a sauté une génération, tu possèdes donc les pouvoirs de 2 personnes en toi. C'est un cas très rare, répondit-elle sur le ton de l'évidence même. Tu devras garder le Graphonne . Le Graphonne recèle toutes nos racines, notre histoire et surtout la plus grandes parties des formules que nous connaissons tous. Nous dépendons de ce livre ! Si Ils décident de le brûler ou même de le prendre, beaucoup de souvenirs enfoui dans notre mémoire se supprimeront, dit-elle en insistant bien sur le ils.
On aurait pu croire qu'à cette dernière phrase elle devrait être effrayé mais elle semblait plus ... avide.
- Ils ? m'inquietai-je.
- Un peuple voisin qui ne nous apprécient guère et ne nous portent pas dans leur cœur. Pour une raison qu'on ignore, ils nous veulent la guerre et voler le Graphonne pour nous priver de tous ce que nous possédons et que, justement, eux n'ont pas.
Elle prit un air apeuré peu convaincant mais je n'y prêtai pas attention. Je ne répondis rien, trop abasourdie par ce que je venais d'entendre. Elle avait vraiment l'air de croire que j'allais tous les sauver ! Aussi me contentais-je d'hocher la tête.
Une question, un peu mal placée mais fort importante fit place dans mon esprit, m'empêchant de me concentrer sur autre chose.
- Je peux en parler avec mes amis ?
- Non !
Son ton était net et cassant et me fit sursauter. Je voulais bien me plier à ces petits ordres où je devais me taire et l'écouter mais si elle voulait vraiment que je sauve son monde il va falloir qu'elle apprenne que c'est moi qui dirige. J'allais en parler, peu importe ce qu'elle en penserait.
- Tant pis !
- Tant pis pour qui, s'inquiéta-t-elle.
J'étais quelque peu étonnée, son inquiétude paraissait sincère. Mais je m'en fichais royalement.
- Pour vous !
Je pris mon sac, ma carte d'identité et partis sans autre mot.
Je sortis mon téléphone et pianotai le numéro de Maya que je connaissais par cœur, reléguant l'appel à ma grand-mère pour plus tard.
- Maya ! Vient tout de suite ! hurlais-je presque au téléphone.
- Qu'est-ce qui se passe ?! C'est à cause de ton rendez-vous ? Elle t'a fait du mal c'est ça ? Évidemment que c'est ça ! Oh Kila je suis désolée...
Mince, je n'aurais pas du crier. Je l'interrompis, tout en rentrant rapidement. Il ne manquait plus qu'elle arrive avant moi, elle ferait un infarctus si elle trouvait l'appartement vide.

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Petite annonce ~

Tout d'abord, désolée de ne pas poster très souvent. Et surtout, désolée de ne plus poster pour au moins 3 semaines. J'ai des vacances assez chargé donc je ne pourrai plus poster grand chose. J'espère faire encore un chapitre, même peut-être deux, avant la rentrée mais je ne promets rien.

Et bonne vacances à tous !

Graphonne [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant