Soleil d'ivoire et joues écarlates, mes petits pieds chaussés de ballerines rouges trépignent d'impatience. Comme un tendre mercredi, je valse avec la poésie affamée du vieux port. Quelques gueules fanées parmi les vivants sculptent la beauté - la vraie, la pure - à travers les yeux froissés de la réalité.
Hier matin, le facteur m'a apporté un petit papier d'où ont dégringolé des mots remplis d'elle. Jeanne a jeté son cœur dans ces quelques lignes, elle a éparpillé ses astres perdus et ses hivers absolus, avant de s'y jeter tout entière.
Au beau milieu des pubs trop colorées des supermarchés, se trouvait l'écriture pleine de courbes de Jeanne. Je me suis rappelé les petits matins et les lointaines soirées, les peaux trop jeunes tannées par le soleil et les odeurs bohémiennes, l'herbe mouillée et les gueules cassées, les rivières tristes et sereines à la fois, je me suis rappelé le sourire de Simon, ses blagues nulles et l'air irrité de Jeanne. Putain ce que je l'ai aimée, putain ce que je l'ai détestée. La nuit dernière, je me suis rappelé Jeanne et ses silences bleus, ses iris aquarelles qui, mille fois, m'ont donné envie de me jeter dans le vide, je me suis rappelé le goût de la pluie, la lampe torche sous les couvertures à trois heures du matin, et les nuits infinies, et les débris du monde, et sa peau qui sentait Simon.
Simon, je deviens folle
Simon, je deviens
Simon, je
Simon,
(...)J'ai levé les yeux sur la vitrine de sa librairie. C'est ni beau ni moche. J'ai peur de croiser son reflet, parce que je ferais demi-tour.
- C'est pas vrai, je pleurais pas. T'as mal vu.
Silhouette recroquevillée. Nuit dans le jour. Valse lente. Ça souffle tendre, à l'aube. Ombres cachées derrière les grands cils. Battements de cœur, battements de corps. Jeanne.