C'est sûrement l'ironie qui est là. Ouais cette vieille femme a dû venir frapper à ma porte et j'l'ai pas entendue. Ce genre d'amie que t'as pas envie de voir mais avec qui tu restes parce que ça fait tellement longtemps que tu la connais que t'as oublié pourquoi tu la virais pas de ta vie. Cette folle était là. Devant moi.
L'ironie, j'veux dire.
Enfin, Armel, elle était là, elle aussi.
Ses yeux aquarelle et ses cheveux crayonnés.
J'ai du mal à la regarder. Peut-être parce que j'assume pas mes mots gribouillés sur cette petite feuille. J'me demande si elle l'a lue.
Puis je croise son regard et je comprend pas. Il est un peu flou et pétillant - mais il ne scintille pas parce qu'il vit, au contraire, il est mort. Un peu comme Simon.
Simon Simon Simon.Bref, j'disais au début.
L'ironie.
J'ai un Zweig dans la main que j'avais retrouvé en dessous d'une armoire hier soir. Et elle, elle arrive pile quand j'commence à le lire.
Elle est là avec son corps comme une toile symboliste où chaque agitation de son être fait échos avec les afflictions de son âme.- En fait j'avais pas vu.
J'lui dis, comme un sale mensonge. J'vois bien qu'elle a les joues bariolées et le coeur enflé mais j'veux pas me l'avouer - nous l'avouer. La gêne serait trop concrète.
- Puis t'façon ce serait pas la première fois que j't'aurais vue pleurer devant ce mur.
J'lui montre du doigt le mur. Ce mur. Le murmure muet du mort qui me regarde tous les jours me noyer dans un amour déchu. J'esquisse un sourire qui doit paraître aussi bancal que cette conversation ; j'essaie de ne pas lui parler du mot. Parce que parler du mot, serait admettre la vérité. Et la vérité, c'est que là, Armel, putain.
Putain, Armel.
J'aimerais te serrer contre moi,
T'embrasser,
Te posséder.Et l'oublier.
Sans jamais cesser,
De t'aimer.
