Armel - 3.

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Pétards mouillés,
Minuscules sifflements.

Je ne vois qu'elle, ses jolies mains accrochées au bouquin de Zweig, ses yeux ternes et sa bouche amoureuse. Un mètre de vide nous sépare, et Jeanne, ma belle insolente, s'enrobe de nuit. La vie s'éclipse et j'ai un goût de soleil sur la langue. Derrière elle, les ombres sont immenses - plaines engourdies - fleuves endormis. Jeanne et ses voyages immobiles m'embrouillent, et j'ai envie de lui demander pardon.

- T'es trop une meuf qui ment toi, et tout le temps. Même quand t'écris je suis sûre que tu mens.

Au bout milieu de l'ironie de vivre, de la nuit qui se déplie et de nos sourires vieillis, à l'arrière de mon jean, j'ai la preuve que tu mens, Jeanne. Plié en quatre, ton petit papier embrase ma peau. Je te regarde dans les yeux, et moi je suis prête à t'arracher ton Zweig et te le faire bouffer, si t'oses me dire que tu te souviens plus, parce que tu l'as dit, Jeanne, tu as dit que tu m'aimais.

Certaines nuits, Simon avait son goût sur les lèvres, et il me racontait Jeanne et ses vertiges clandestins déployés sur son corps - des dessins tatoués lors de nuits soûles - des vestiges où d'autres horizons se brodent, il me peignait Jeanne et ses envies d'ailleurs - une avidité sourde qui la faisait trembler de la tête aux pieds, et désordonnait ses fragiles pensées.

- Je ne pleure plus depuis qu'il est plus là. Et c'est pas toi qui vas me faire chialer.

L'autre jour, avant que Simon s'endorme, il m'a dit, les yeux pleins de lumière "tu prendras soin d'elle, n'est-ce pas ? Tu l'aimeras aussi fort que moi ?" et j'ai su qu'il savait qu'on s'occuperait l'une de l'autre, et maintenant, je suis sûre qu'il a demandé la même chose à Jeanne. Parce qu'il était comme ça Simon, il parlait pas beaucoup, ou beaucoup trop, mais il était bienveillant les jours de pluie. C'est juste qu'il ne savait pas quoi faire de lui. Il aimait les cheveux trempés et les lunes rondes, mais n'aimait pas faire griller son pain le matin, ou remplir les formulaires d'inscription. Ça l'aurait tué, Simon, de revenir à Biarritz. Je ne lui en veux pas, d'être resté pour toujours, à l'autre bout du monde.

Je regarde Jeanne. Douceur bestiale - douleur pastelle. Bobo abyssal et poussière froide. Simon savait.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 12, 2016 ⏰

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