Sur le chemin du retour j'ai pensé aux choses qu'il me restait à faire avant de me mettre au lit. Il fallait que je finisse mon devoir d'histoire géographie et que je commence un livre que ma professeur de philosophie m'avait conseillé : le banquet de Platon. En me proposant d'ajouter ce petit livre à ma liste de lecture elle m'a dit que, me connaissant, je l'apprécierai à coups sûrs.
Ma montre affichait 19h quand j'ai stationné ma voiture dans le garage de la maison familiale. Quand mes parents ont divorcé, mon père a laissé la maison à ma mère, sur un accord commun entre eux deux. Il a dit que c'était mieux pour moi que je puisse continuer d'évoluer dans un environnement qui m'était familier - or avec un père qui ne répond plus à l'appel chez soi et un frère décédé, on ne peut plus dire que mon environnement soit familier.
Je suis sortie de ma voiture. Ma mère a été alerté par le son que j'ai produit en claquant la portière et m'a rejoint dans le garage. Elle m'a dit :
- ça va chérie ? Tu m'as l'air fatigué ce soir.
- Pourquoi tout le monde pense que je suis fatiguée ? Louis m'a fait la même remarque aujourd'hui. Je vais bien.Elle a semblait être satisfaite de ma réponse puisqu'elle s'est détournée de moi et est partie dans l'escalier qui rejoignait le hall d'entrée de la maison.
Je lui ai emboité le pas et me suis assise dans la cuisine où elle avait commencé à faire le dîner.
Cette cuisine qui me rappelait les batailles que j'avais pu faire avec Tyler quand maman organisait une journée gâteau. Petits, on courait autour de l'ilot central pour essayer de s'attraper mutuellement, je me rappelle de ma mère qui nous interdisait de le faire, de peur que l'on glisse sur le carrelage. Ses nombreux avertissements ne nous ont jamais arrêté d'ailleurs. Même si une fois, dans notre course folle, je me suis cognée l'arcade dans le coin du meuble. Mes parents avaient dû nous amener d'urgence à l'hôpital pour qu'on me fasse quelques points. Je me souviens de ma mère pleurant d'angoisse dans la voiture en répétant à quel point elle nous avait mis en garde. Cette petite intervention ne nous avait, malheureusement pour elle, jamais servi de leçon puisque quelques semaines plus tard, nous recommencions notre jeu dangereux. Sur la table, je remarque trois couverts, ce qui me sort directement de mes pensées. Je demande :- Tu attends quelqu'un en particulier ce soir ?
- Ton père vient manger avec nous, tu ne lui as pas donné signe de vie depuis ton anniversaire, il y a deux mois. Il s'inquiète pour toi.J'ai senti que je commençais à m'énerver. C'est vrai que depuis le divorce je suis distante avec mon père. Si bien que quant il m'a offert la voiture pour mon anniversaire je l'ai refusé en disant que je ne comprennais pas ce geste. Je trouvais ce cadeau beaucoup trop démesuré, même pour fêter ma majorité. De plus je n'en avais jamais vraiment eut besoin, Louis était toujours là pour me déposer ou je le souhaitais. Cela ne fait que depuis quelques semaines que je me suis mise à l'utiliser. Je commencais à en avoir marre d'être dépendante des autres. Je crois aussi que c'est parce que je voulais mettre un peu de distance entre Louis et moi. J'ai essayé de me contrôler en disant calmement :
- Maman, je n'ai pas le temps pour un repas de famille. J'avais l'intention de rentrer, prendre quelque chose vite fait, bien fait à manger, me doucher et travailler sur ma composition d'histoire géographie et, si le temps me l'avait permis, j'aurais commencé un nouveau livre.
Elle me regardait avec des yeux perplexes, comprenant que j'essayais de fuir les retrouvailles. J'ai ajouté :
- Tu ne veux pas reporter à ce week-end ? On pourrait même peut-être inviter Louis, aussi ?
Ma demande l'a fait sourire. A chaque fois que j'évoquais mon petit ami, elle se détendait. Malgré son fâcheux passé, ma mère adore Louis. Je crois qu'il lui rappelle mon frère mais elle ne l'a jamais dit ouvertement. Je sais qu'elle est très attachée à lui. Il est arrivé quelque temps après que mon frère nous ait quitté. Parfois leur complicité me laisse perplexe et presque jalouse.
- C'est d'accord, on dit après demain, vendredi soir alors. Et cette fois très chère, tu ne pourras plus y échapper, m'a-t-elle fait, avant de trouver son téléphone portable pour avertir mon père.
Satisfaite, j'ai attrapé un bout de fromage et une pomme et suis partie vers ma chambre pour aller prendre ma douche.
En montant les escaliers qui menaient à ma chambre et la salle de bain je me suis arrêtée, comme je le fais tous les jours devant tous les cadres que ma mère expose fièrement. Ces cadres qui me rappellent à quel point notre famille était unie avant l'apparition des problèmes. Je me suis mise à penser à tous ces joyeux souvenirs qui aujourd'hui font partis d'un passé qui me semble très lointain, trop lointain.
Après la douche, j'ai noué mes cheveux et me suis dirigée dans ma chambre pour achever ma composition. En réalité il ne me restait plus que quelques lignes à écrire, le plus gros ayant déjà été fait le week-end précédent. Tous les moyens sont bons pour retrouver une solitude amplement méritée...
Très vite, je me suis installée sur mon lit et j'ai commencé mon livre.
Plus les pages défilées, plus je me suis dit que finalement, mes proches n'avaient pas vraiment tort en disant que je semblais fatiguée. Après à peine 20 minutes, j'ai été obligé d'abandonner ma passionnante lecture pour laisser place à mes rêves.
VOUS LISEZ
L'histoire De Leur Vie
RomanceLa théorie de Platon disait que les êtres d'autrefois étaient dotés de 4 jambes et 4 bras, heureux, indépendants et puissants. Trop puissants pour Zeus qui les aurait coupé en deux, les eparpillants ainsi au 4 coins du monde, les forçant ainsi à rec...