Le défi de Shadee.

Segment 1 sans titre

Téhéran, juin 2009 - Shadee

Le gazouillement des oiseaux réveilla Shadee. Il faisait déjà chaud et elle jeta d'un coup de pied le drap qui la couvrait à peine. Elle savoura cet instant où un souffle d'air la caressait doucement. A peine réveillée, elle écoutait le chant des merles et le bruissement des rideaux contre la fenêtre.

Elle ouvrit les yeux et sourit intérieurement. Ce matin, elle est heureuse. La tristesse des jours passés s'estompait et elle se rappela ce moment d'intense bonheur où, accompagnée de son frère Keyvan, elle vit leurs deux noms sur les panneaux de l'université. Fini les révisions, les soirées interminables à bûcher dur pour obtenir ce diplôme d'ingénieur.

Pour fêter leur diplôme, elle avait passé sa journée d'hier à organiser une fête avec ses amis, tous étudiants comme elle. Fini de rêvasser, elle se leva car sa journée serait chargée. Hier soir, un ami de Keyvan avait proposé de prêter la grande maison de ses parents. Shadee était ravie car elle pourrait inviter plus de monde, danser et s'éclater.

Beaucoup de ses amis amèneraient de l'alcool et cela aurait contrarié ses parents ; ils étaient très libéraux mais elle était très respectueuse envers eux ; c'était mieux ainsi.

Elle se dépêcha de se préparer car ses deux meilleures amies n'allaient pas tarder pour l'aider à tout organiser : commander les plats, préparer les décorations. Keyvan se chargeait, quant à lui, de préparer la musique.

Il devait encore dormir ; elle s'approcha de sa chambre et cogna doucement à la porte sans obtenir de réponse.

Elle descendit pour prendre son petit déjeuner. Sa mère, déjà dans la cuisine, l'accueillit d'un sourire radieux.

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- Bonjour ma chérie, as-tu bien dormi ?

Shadee embrassa sa mère : « Comme un bébé ! J'ai hâte d'être à ce soir ».

Le visage de sa mère s'assombrit.

- Je suis inquiète, c'est dangereux, surtout en ce moment. Pourquoi n'organisez-vous pas votre soirée à la maison, je t'aiderais et vous préparerais à manger.

- Maman, c'est normal que Keyvan et moi souhaitions fêter notre diplôme. Milad a la gentillesse de nous proposer sa maison car ses parents sont partis en vacances. Ainsi nous ne vous dérangerons pas. Nous sommes jeunes, même si dans ce pays, s'amuser et écouter de la musique est risqué.

- Et si on vous dénonçait ? Les murs ont des oreilles, tu sais bien. Tu te rappelles la soirée que les fils Javir avaient organisée. La police l'a su et elle est venue arrêter tout le monde. Elle a trouvé des bouteilles d'alcool, des disques de rock et les filles étaient en robe courte !

Shadee se servit une tasse de café.

- Je te promets que nous serons très discrets. Tout le monde vient en taxi. Aucune voiture ne sera garée dans la rue. Les filles s'habillent sur place. Je n'ai pas envie de finir en cellule. Cette fête est très importante pour moi. C'est comme la fin d'une période, l'adolescence, la fin des études et d'une certaine manière de l'insouciance si ce mot a un sens dans ce pays.

Sa mère ne dit plus rien. Elle comprenait sa fille mais des manifestations avaient lieu tous les jours à Téhéran et la police était sur les dents.

Elles entendirent Keyvan descendre les escaliers. Il fit son entrée et s'assit en face de Shadee. Il ne dit rien comme à son habitude car seul un bol de café pouvait le faire parler le matin.

- Bien dormi Keyvan ?

Il émit un son que Shadee interpréta comme un oui.

Elle attrapa un bloc qui trainait sur le buffet. « Bon, j'établis la liste de tout ce que nous avons à faire d'ici ce soir ».

Au bout d'une demi-heure, elle avait fini et elle monta dans sa chambre pour se préparer.

La sonnette d'entrée annonça l'arrivée de ses deux amies.

Sa mère les entendait rire et raconter des blagues. Elle était si contente pour ses deux enfants qu'elle adorait. Ils étaient si sérieux, si gentils avec elle et elle comprenait leur envie de s'amuser, de fêter leur diplôme malgré son inquiétude.

Les filles venaient de sortir. Keyvan s'apprêta à sortir également.

- Maman, dis à Shadee que je sors une petite heure. Je vais voir des amis au café des étudiants.

- A tout à l'heure, lui répondit sa mère.