Chapitre 1

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Tandis que la pluie tambourinait contre les fenêtres teintées de la voiture, la voix de ma mère me parvenait à peine aux oreilles. J'avais les écouteurs enfoncés dans celles-ci et je regardais la température dépressive à l'extérieur. Le ciel gris dépourvu de soleil m'affectait peu; j'étais déjà de mauvaise humeur.

Du coin de l'œil, je pouvais voir la main de ma mère faire des gestes qui appuyaient ses paroles tandis que sa deuxième tenait le volant. Je ne savais même pas de quoi elle parlait et ça m'était égal; je ne voulais pas l'écouter. Elle parlait toujours, de toute façon.

Je tapai mes pieds chaussés de mes nouvelles bottes en cuir dernier cri au rythme de ma musique. En dépassant une ruelle mal nettoyée, j'y vis mon groupe d'amis dans un coin. Je ne savais pas ce qu'ils fabriquaient, mais j'avais le goût de le faire avec eux.

«Anne, arrête-toi ici.» me redressai-je dans mon siège.

«Quoi? Mais pourquoi?» ma mère se rangea sur le côté de la route.

«Je sors.»

«Tu sors? Il n'en ai pas question! Luke nous attend.»

Avant même qu'elle finisse sa phrase, je claquai la portière. Je me mis en marche en l'entendant appeler mon prénom, me fichant de la pluie qui aplatissait mes cheveux. J'eus un rictus en sachant que trop bien qu'elle fronçait les sourcils et qu'elle tapait nerveusement ses doigts contre le volant. Elle faisait toujours ces gestes quand quelque chose n'était pas à son goût. Je le savais, depuis le temps que je faisais des choses qui lui déplaisaient.

En marchant vers la ruelle où étaient mes amis, je rajustai ma petite veste d'automne et passai ma main manucurée dans mes cheveux longs et brillants malgré leur humidité.

Ma mère avait insisté pour que je sois bien vue par son copain du moment. Ils entretenaient une relation depuis quelques mois déjà et j'avais toujours refusé de le rencontrer. Si elle pensait pouvoir me faire oublier mon père aussi facilement, elle se fourrait un doigt dans l'œil.

Sans même un dernier regard pour ma mère, je m'engouffrai dans la ruelle. Immédiatement, tous les regards se portèrent sur la personne qui s'incrustait dans leur cercle, c'est-à-dire moi.

«May! On t'attendait pour commencer.» s'approcha Alissa en sautillant.

«Personne ne m'a invité.» fis-je froidement remarquer.

Pendant un instant, elle baissa ses yeux entourés de cils largement mis en valeur et ne dit rien. Juste pendant un instant, cependant.

«Tu as apporté ton lecteur de musique? Tu me le prêtes? J'aimerais savoir quel genre de musique tu écoutes.» elle joint ses mains ensembles, papillonna des yeux et plia sa jambe droite en l'air.

«Ouais, si tu veux.» lui tendis-je mon lecteur avec mes écouteurs branchés.

Elle le prit sans perdre une seconde et sautilla sur place en me remerciant. Je souris face à son enthousiasme exagéré.

Alissa était ce type de personne; toujours souriante, énergique et elle papotait sans cesse. Je l'avais rencontré il y a quelques mois déjà et nous partagions tout. Son goût pour la mode était probablement plus grand que le mien et elle ne ratait aucune occasion pour essayer mes nouveaux morceaux de linge. Bien sûr, j'aurais pu faire pareil avec ses vêtements à elle, mais je préférais rester dans ma zone de confort et ne pas les porter. Par contre, les jours d'école, c'est elle qui me maquillait. Elle insistait toujours et je ne pouvais juste pas lui refuser. J'avais beaucoup changé depuis que notre amitié était née. Ma mère qui braillait toujours disait que ce changement était en mal tandis que je le trouvais bénéfique. Alissa était une bonne amie.

The Forest: TrappedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant