Six ans de Contes de Fées

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L'ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTE. CE N'EST PAS MOI QUI LE DIT, C'EST MA MAMAN. :)

 Dans les contes de fées, l’amour du prince et de la princesse est toujours mis à l’épreuve par la présence d’une horrible sorcière, d’un démon démoniaque, où d’un quelconque ennemi manichéen faisant ressortir que les gentils sont vraiment très gentils et les méchants inévitablement méchants. Ce genre d’histoires se termine toujours bien : la sorcière meure, les amoureux se marient et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps, bla-bla-bla…

On prête beaucoup attention à ces histoires quand on est petit, mais on a tendance à les oublier lorsqu’on grandit, car rien dans la vie n’est aussi dualiste : les soi-disant monstres de notre monde ne le sont pas par hasard et une bonne personne peut également faire des bêtises. Bref, on trouve de tout sur Terre et on vit avec. Or, de temps en temps, ces beaux contes de fées se déroulent dans notre monde pourtant fait de nuances de gris, où rien n’est vraiment noir et rien n’est vraiment blanc non plus. Et c’est exactement ce qu’il se passe dans mon université.

Je vais donc vous narrer l’histoire d’une magnifique princesse blonde aux yeux bleus du nom de Sophie et de son prince, le bel Antoine, qui, après s’être cachés leur amour pendant six ans, viennent enfin de s’embrasser devant la porte d’entrée principale en acajou verni de la faculté de Droit. Six ans, c’est indéniablement long et on ne peut qu’affirmer que leur amour est si fort qu’ils ont réussi à attendre jusque-là. Le cadre de cet accomplissement que représentait le baiser était parfait : l’édifice ancien de la Sorbonne, restauré depuis peu, flamboyant tel un palais de conte ; les oiseaux gazouillant dans un ciel sans nuage ; le soleil agréable du mois de juin ; les sujets du prince et de la princesse, sensibles aux charmes de cette merveilleuse scène qui applaudissent de toutes parts. Tout se finissait bien pour le couple princier.

Mais, puisque c’est un conte de fées, qui est donc cet être sournois qui avait entravé leur histoire, me direz-vous ?

Hé bien cette méchante sorcière, c’est moi. Enfin, c’est ce que tous les étudiants de l’université se plairont de dire. Or tout ce que je remarque pour le moment, c’est que mon petit copain de six ans embrasse une étrangère devant la porte, une jolie nénette aux cheveux longs que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam. Là, juste devant mes yeux.

Pour vous dire, le choc est terrible. Cependant, je crois que je ne réalise toujours pas ce qui se passe et les larmes ne viennent donc pas entraver ma vision. Je reste de marbre et contemple cette étrange scène devant moi, plus confuse qu’en colère.

« Esther… me fait une petite brune à côté de moi. Pourquoi Antoine a-t-il ses lèvres collées sur cette fille ? »

Apparemment, mon amie en sait autant que moi.

Je ne lui dis pas en revanche et demeure encore bouche bée devant ce triste spectacle qui annonce, bien entendu, la fin de mes six extraordinaires années avec ledit Antoine.

Finalement, après ce qui m’avait semblé paraître des heures, le nouveau couple rompt enfin son baiser fougueux et gluant. Puis, les applaudissements reprennent et je peux jurer avoir entendu des filles pleurer.

Heureux d’être la cible de tant d’émerveillements, le couple princier salue la foule comme pour les remercier d’avoir tous été présents au début de leur histoire, passant en revue la totalité des gens.

Puis le regard d’Antoine croise le mien.

Je le savais… Je le lisais dans ses petits yeux marron remplis de honte. Tout ce foutoir n’est pas ma faute et, quoi que vous racontent les ragots de ma fac, il s’agit d’un conte dans lequel je suis bien la plus innocente des protagonistes, sorcière ou pas.

Six ans de Contes de FéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant