«Pourtant, en écoutant attentivement, j'eus l'impression d'entendre des loups hurler dans la vallée. Les yeux de mon hôte brillèrent, et il me dit :
– Écoutez-les ! Les enfants de la nuit... En font-ils une musique !»
Dracula, Bram Stoker
Tu Le vois pour la première fois lors d'une soirée. Enfin, ce ne doit pas être la première fois, car Son visage te paraît vaguement familier:peut-être prend-Il les mêmes classes que toi et L'as-tu déjà remarqué sans vraiment y prendre garde. C'est peu probable:tu as passé la plus grande partie d de ton existence à observer et analyser, tu n'aurais pas oublié quelqu'un comme Lui. Mais, décidément, ce n'est que maintenant que quelque chose dans Sa physionomie attire ton œil expert, mais, bizarrement, tu n'arrives pas à savoir ce que c'est:Il est debout, nonchalamment appuyé contre le bar. Il fume une cigarette (bien que ce ne soit pas autorisé à l'intérieur), encerclé par deux garçons et une fille:un des garçons parle tandis que l'autre s'esclaffe en se tenant à Son épaule comme si la blague était assez drôle pour le faire tomber et que la fille minaude en battant des cils, semblant choisir dans quel lit elle couchera cette nuit. Ils sont beaux tous les quatre, respirant le pedigree d'excellence plein nez, mais Lui l'est encore plus, mais seul lui a la grâce et l'arrogance de ceux qui se savent supérieurs à la plupart des mortels. D'ailleurs, Il est le seul à avoir l'air de s'ennuyer ferme.
Pendant un instant infime, Il se tourne vers toi et vos regards se croisent. Ses pupilles deviennent toutes petites dans ses iris grises mais, l'instant suivant, la fumée de Sa cigarette le masque complètement. Quand elle se dissipe, Il les a de nouveau tournés avec flegme vers ses compagnons.
Quel connard d'aristocrate.
Après avoir décide que tu ne l'aimes pas, tu cesses de réfléchir à son sujet et te tournes vers d'autres occupations plus intéressantes, comme par exemple fixer avec ennui le fond de ton verre de bière:tu n'aimes pas grand monde, et tu trouves que réfléchir à ce que l'on n'aime pas ne mène qu'à le détester, ce qui est contre-productif et gâche beaucoup trop de temps.
Cela ne te prends que quelques minutes plus pour décider de quitter le bar:tu t'ennuies et tu regrettes d'être venu, pas car tu ne connais personne, mais car tu n'as envie de connaître personne. Il est est peut-être arrogant, mais Il n'a pas tort sur au moins un point:le commun des mortels est terriblement ennuyeux et, comme son nom l'indique, commun.
Penser à l'uniformité de la majeure partie de l'humanité et au fait que tu ressembles un tant soit peu à ce sale gosse de riche te met de mauvaise humeur et, quand tu sors, ta mauvais humeur est pire que jamais. Alors, comme à chaque fois dans une situation de ce genre, tu vas chez Anthony. Il est tard, mais tu ne le réveilles pas:il était en train de lire. Vous partagez un thé et il te demande comment s'est passée ta soirée. Tu mens en disant que tu t'y est beaucoup amusé. Bien sûr, il sait pertinemment que ce n'est pas vrai, mais il a le savoir-vivre de ne pas le relever. Ensuite, vous couchez ensemble. Le sexe te fait du bien et parvient presque à obscurcir le souvenir de ton effroyable soirée:rien de mieux que des endorphines et une personne un tant soit peu douée des ses mains -ou de sa bouche- pour effacer vos chagrins, comme on dit. Satisfait, tu décides de rester exceptionnellement pour la nuit.
Le lendemain, quand tu rentres à ta chambre après t'être esquivé sans ménagement ni petit mot, une soudaine inspiration te prend et tu te ressens le besoin impérieux de prendre ton carnet et ton fusain. Tu te retrouves à dessiner Le garçon d'hier soir, les yeux grands ouverts et fixés sur toi à travers la page, la fumée sortant par Sa bouche le faisant vaguement ressembler à un dragon. Sur ton dessin, Ses yeux ne sont pas morts et éteints mais Ses pupilles semblent s'être transformées en des charbons ardents, profondément enfoncés dans des orbites de brouillard.
Tu regardes le croquis pendant quelques minutes, perplexe. Tu le trouves plutôt réussi mais quelque chose dans ton trait te dérange et te frappe comme étant inhabituel, au point que tu songes même à le froisser et à le jeter. Mais, à la place, tu te contentes de refermer ton carnet et d'aller te préparer un véritable petit-déjeuner:tu meurs de faim.
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Because we were born claws
General FictionTout le monde a une bête en soi, se mouvant sous notre peau avec une discrétion féline, réclamant sa nourriture -aussi abjecte soit-elle- les soirs de pleine lune et prête à nous dévorer si on la laisse libre trop longtemps. Mais ça, c'est pour la p...