Les mois passent et, plus tôt que tu ne le pensais, le semestre se termine. Comme d'habitude, tu sors des tes examen porté en triomphe par la totalité de tes professeurs. Comme d'habitude, tu n'y prêtes pas attention. De toute façon, cette dernière Lui est de plus en plus dédiée.
Tu ne saurais dire d'où te viens cet engouement soudain mais, depuis votre première discussion dans la salle de bains, tu t'attendais à quelque chose. Tu ne sais pas trop quoi, mais tu attendais définitivement quelque chose:peut-être à ce qu'il vienne te parler de nouveau et, quand tu remarquas qu'Il n'avait pas l'intention de le faire, qu'Il arrête de te fixer tout le temps comme si tu étais quelque chose d'étranger à son univers. Tu ne l'es pas. Mais tu es maintenant obligé de te faire discret en classe:à chaque réponse vertigineusement exacte que tu donnais, tu ne pouvais t'empêcher de sentir Son regard sur toi et tu devais t'empêcher de tourner vers lui pour lui adresser un sourire glorieux, même si tu ne ressens aucune gloire dans ces moments là, juste une vague distraction. Maintenant, tu ne donnes une réponse que si un professeur te le demande expressément, et quand cela arrive -beaucoup trop souvent à ton goût- tu donnes juste ce qu'il faut pour que cela soit exact. Cela t'exaspère car, depuis que tu ne peux plus briller par tes réponses, tu t'ennuies en cours. D'ailleurs tu t'ennuies tout court:plus rien ne te distrait. Il est partout et rends tout étrangement fade. Si tu dessines, tu finis toujours par Le dessiner. Si tu lis, les personnages te font immanquablement penser à Lui d'une manière ou d'une autre et si tu étudies, même les plus passionnant des sujets ne parviennent pas à t'empêcher de penser à Lui. Tu n'as pas de piano sous la main alors tu ne joues plus mais tu es certain que si tu jouais -ton plaisir le plus intime, le plus suprême- tu es quasiment certain qu'Il réussirait à te gâcher une de tes seules véritables passions.
Bien sûr, tu sais bien ce à quoi Il joue, maintenant. Comme tu t'y attendais, Il est le genre d'aristocrate à croire que tout lui est acquis grâce à sa lignée irréprochable, même les gens. Surtout les gens. Il te veut, toi, sauf qu'Il sait que tu n'es pas n'importe qui et que tu ne céderas jamais aussi facilement que les autres:il est assez intelligent pour voir cela. Sauf que, à ton grand déplaisir, tu t'es vite rendu compte qu'Il est plus qu'un simple gosse de riche capricieux:ce n'est pas parce que tu ne veux pas croiser Son regard que tu ne l'as pas observé discrètement;tu es seulement plus doué que lui en la matière et tu es certain que Lui ne t'as pas remarqué. Mais tu es aussi plus lucide et tu vois ce que les autres ne voient pas, ce qui se cache sous la peau d'Occidental civilisé que portent les gens. Tu vois ce que les gens ne verraient pas même si on le leur mettait sous le nez, car les gens ne veulent pas, ils ne veulent pas voir car les gens n'aiment pas les vérités toutes moches et l'univers, tu l'as découvert si tôt, n'est fait que de cela. Alors il n'était pas difficile de percevoir la bête qui habite sous Sa peau et ronge ses entrailles, de voir le trou et de savoir qu'ils ne se nourrissent que de ce qu'il y a encore de sauvage en ce monde, la drogue, l'alcool, la violence ou le sexe.
Tu sais que tout le monde a une bête, plus ou moins féroce, et qu'il faut la nourrir -la tienne est indomptable et tu la sens chaque jour remuer. Il n'y a que l'activité frénétique, n'importe quelle activité, du moment que tu ne restes pas immobiles, qui la calme un peu, si peu, et pendant si peu de temps, que tu as des fois l'impression d'avoir passé ta vie en mouvement- mais ce que la sienne doit être vorace! Et ce qu'elle a l'air féroce! Il doit devenir fou, là-dedans, toujours à contenir ses pulsions.
Tu as vu que ce que vous ressentez tous les deux, ce n'est pas -que- de l'attraction, c'est un challenge:le premier qui ira voir l'autre aura perdu, car vous avez tous les deux senti d'une manière et d'une autre que l'autre était un adversaire de taille et il n'y a rien que vos bêtes n'aiment plus que le défi et, surtout, la victoire. Il sait tout cela aussi bien que toi -ça tu en es certain. Il est beaucoup plus intelligent que ce que ne le laissent à croire ses notes et même son attitude:la seule fois où son masque tombe est en Histoire Martiale. Et seulement là on peut apercevoir pourquoi un Don Juan aristocrate comprends aussi bien les stratégies guerrières de la dynastie Hun:lui aussi est né doté de griffes au lieu des mains et on lui a mis des gants de soie dessus. Il est né assoiffé de sang et on lui a fait boire du champagne. C'est un prédateur et on l'a habillé d'un uniforme avant de l'enfermer dans une cage dorée.
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Because we were born claws
General FictionTout le monde a une bête en soi, se mouvant sous notre peau avec une discrétion féline, réclamant sa nourriture -aussi abjecte soit-elle- les soirs de pleine lune et prête à nous dévorer si on la laisse libre trop longtemps. Mais ça, c'est pour la p...