Jour 0
La voiture noire qui dépose chaque année les sacrifiés devant le train qui les amènera définitivement vers la mort s'arrête devant la gare. J'ouvre la porte et descend gracieusement de l'habitacle. Les flashs des journalistes et les innombrables voix criant mon nom me donne le tournis. Je lâche un sourire faible et place ma main en visière pour protéger mes yeux. J'ai du mal à distinguer toutes les questions qui fusent. C'est un brouhaha indomptable. Je lance un regard au Maître du jeu.
- Puis-je répondre à certaines questions ?
L'idée de remporter quelques avis favorables en répondant aux interrogations du peuple pourrait me sauver la vie. Heureusement, Monsieur Nerw hoche la tête. Je m'approche des barrières accompagné d'un homme d'une grande stature, un garde du corps ? Pendant ce temps je remarque que Nerw s'efface dans la voiture et que celle-ci démarre. Va-t-il chercher un autre candidat ? Un journaliste en costume bleu électrique tend un micro vers moi. Un immense sourire aux dents parfaitement blanches est fixé sur son visage tandis qu'une goutte de sueur coule de sa tempe à sa bouche. Des auréoles trempent sa veste. Je réprime un frisson. Malgré la brise fraîche de ce matin la nuée de médias dégage une chaleur étouffante. Je regarde plus attentivement les hommes et femmes de cette cohue. Beaucoup transpirent tandis que d'autres perdent leur maquillage qui coulent grassement sur leur peau. La plupart ont leurs vêtements froissés, j'aperçois un autre avec sa chemise déchirée qui se débat pour m'atteindre. Je suis tétanisée par cette folle marée humaine. J'avais déjà vu des images de cette effervescence médiatique dans les précédentes éditions du Loup-garou et je savais que ça ressemblerait à cette situation mais j'ai bien du mal à y faire face. Mes oreilles bourdonnent. Le journaliste qui avait avancé son micro m'appelle. Je me retourne vers lui esquissant un sourire crispé sur mon visage. Une lueur brille dans ses yeux quand je porte mon intérêt vers lui. Le bruit diminue quand il prend la parole.
- Bonjour Mademoiselle, vous êtes Robine n'est-ce pas ? La jeune fille venant du District Yeow ? Un district majoritairement pauvre. Dites-moi êtes-vous prête à vous immerger dans ce jeu si complexe ?
Je saisis doucement son micro pour répondre à sa question. Il me le laisse les yeux écarquillés par la joie. Le micro est dégoulinant. Le silence se fait brusquement quand j'ouvre la bouche. Des journalistes sortent des calepins pour noter ma future réponse. Ils se penchent tous en avant pour l'entendre. Je reste muette quelques secondes avant de me reprendre.
- Je...Oui c'est bien moi. Bonjour à tous. Je suis Robine Epott. Pour répondre à votre question très intéressante (je regarde l'assemblée) oui je me sens parfaitement prête pour le Loup-garou. J'ai hâte de rencontrer les autres sélectionnés !
J'ai à peine fini ma réponse qu'une deuxième question fuse : Avez-vous une quelconque stratégie pour plaire au public ou éliminer facilement vos adversaires ? Les caméras se tournent vers une femme extrêmement fine sans maquillage. Je bifurque vers elle, agrandis mon sourire et aspire une légère goulée d'air.
- Non pas particulièrement. Je dois vous avouer que je ne suis pas vraiment ce genre de fille mais il me tarde d'apprendre à connaître mes partenaires dans ce jeu ! Peut-être que la stratégie viendra plus tard.
Je mens pour donner une meilleure impression. Je réponds à leurs questions par pure stratégie. Je veux revoir Iu, je veux survivre, gagner. Quelques minutes plus tard je m'éclipse en voyant la voiture revenir. Je sais que beaucoup de candidats prennent l'avion ou le TGV. Je suppose qu'on vient les chercher à la gare TGV ou à l'aéroport. J'ai la chance d'habiter dans le district où se trouve l'ancienne gare. Elle est devenue le symbole du lancement du Loup-garou. Je descends les marches qui m'amène au guichet bien entendu fermé depuis longtemps. Puis passe à l'extérieur. Le train à vapeur apparaît face à moi. Grande bête noire de métal et de fumée. Mon garde du corps m'indique le wagon numéro 3. Je monte dans la structure et découvre des siège en cuir. Je m'assois près de la fenêtre, seule. Je suis la première candidate dans le train apparemment. Je soulève ma valise sur un filet accroché au-dessus des banquettes et sors de mon sac mon portable et mes écouteurs. Je lance ma playlist favorite : Almeida Joksly. Le titre qui résonne dans mes oreilles m'apaise. J'appose ma tête sur le coin de la fenêtre et ferme les yeux. Je laisse mes pensées vagabonder. Je repense à ma famille qui doit travailler à l'usine. Ariisa, ma petite sœur est sûrement à l'école de couture que nous avons pu lui payer et Iu... Iu doit pleurer toutes les larmes de son corps. Il doit ressentir comme moi une tristesse infinie en pensant à ma probable mort. Mon cœur se serre progressivement. Je revois tous nos souvenirs communs. J'applique mes paumes de mains sur mes yeux et appuie fortement. Je tente d'empêcher les larmes de couler sur mes joues mais elles tombent une à une sans que je puisse les arrêter. Je sanglote bruyamment quand j'entends une voix étouffée.
- Wagon 3 mademoiselle.
- Merci monsieur
Je sèche rapidement mes larmes et m'observe grâce à la vitre. Mes yeux sont gonflés et mes pommettes rougies. Le maquillage qu'on m'avait appliqué et légèrement parti. J'espère que la personne qui arrive ne verra rien. Je hoquète encore une ou deux fois et je m'intime le silence. Une jeune fille apparaît dans l'encadrement de notre compartiment. Je lui souris pour dissimuler ma gêne. Elle fronce les sourcils et se décide à avancer. Je me lève pour lui tendre la main.
- Bonjour, je m'appelle Robine.
Méfiante, elle me sert furtivement la main.
- Bonjour, je suis Aude Reçi.
Je me rassoie et la regarde déposer sa valise, énorme près de la mienne. Après avoir fini sa tâche elle se laisse tomber lourdement sur la banquette et lâche un gros soupir. Nous sommes restées ainsi un peu moins d'une demi-heure avant que nous entendions d'autres bruits dehors. Une voix masculine se distingue. Le jeune homme ne nous rejoint pas. Il va apparemment dans un autre wagon. Deux heures plus tard, toutes les personnes attendues semblent être arrivées et notre groupe s'est agrandi. Un jeune homme brun qui parait être le criminel : Yui Hashimoto, deux jeunes filles et un deuxième garçon blond nous ont rejoint. L'annonce du départ retentit dans le train.
- Chers candidats ce train est à destination de votre village. Le Loup-garou commencera arrivé là-bas. Nous vous demandons de respecter les consignes suivantes : Ne vous levez pas lors du voyage, ne vous battez pas, ne sortez pas de votre compartiment. En cas de problème un petit bouton se trouve près de la porte. Quelqu'un viendra vous renseigner. Merci de votre compréhension et bon voyage dans Gunter Ferroviaire Compagnie. Le train commence son voyage avec nous à bord. Mes pensées se tournent encore vers Iu et mon avenir. J'observe le paysage qui défile en me disant que j'aimerais être dans ce train pour partir dans un village de vacances avec mon frère et non pour aller affronter la mort.
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Loup-garou (À reprendre)
RandomIls sont vingt amenés vers une mort presque certaine. Chacun usera de sa carte pour survivre ! Dans un contexte politique compliqué un jeu ultra médiatisé est instauré : Le Loup-garou. Chaque année vingt jeunes gens âgés de 17 ans sont sélectionnés...