D'un battement de cils je retiens les larmes qui menacent de couler sur mes joues. Je me retourne une dernière fois et adresse un dernier signe à ma famille puis je monte dans ce train qui me mènera loin de mon monde, loin de tous mes repères, loin de ma famille...
J'ai toujours aimé l'aventure, l'inconnu, c'est ce qui me pousse à ne pas hurler et descendre de ce train en courant. J'avais déjà pensé à cette issue, partir, mais de tout façon les gardes me rattraperaient et me remettraient dans le train aussitôt, je ne ferais pas trois mètres. Je suis l'aîné et il faut que je l'assume, mes parents m'ont préparé à ce moment depuis mes premiers mots, ils ne m'ont jamais rien caché. Je leur suis d'ailleurs reconnaissante de m'avoir évité cette incompréhension et cette peur que je lis sur les visages de certains de mes compagnons de wagon. Une fille s'assoit sur le siège d'à côté, ses yeux bouffis montrent qu'elle a beaucoup pleuré. Sa robe grise est trouée et déchirée. Elle regarde les Alphas et leurs magnifiques costumes monter dans les premiers wagons. Pour ma part je porte une robe d'un bleu passé, elle appartenait à ma mère. Je suis une Béta, c'est-à-dire que j'appartient à la classe moyenne, ni riche ni complètement pauvre. Les Gamma, eux, sont entassés dans les derniers wagons je crois même qu'il n'y a pas assez de place pour tous. Je ne me plains pas d'être une Béta, mais j'avoue avoir enviés les Alphas plus d'une fois lorsque je passais devant leur université quand j'allais travailler au supermarché d'en face. Pour l'instant, ma classe dépend de mes parents mais après la formation elle me sera attribuée selon mes résultats et toute ma famille passera avec moi. Je doute réussir à passer en Alpha mais si je pouvais ne pas déshonorer mes parents en descendant en Gamma je serais fière de moi.
La fille à mes côtés a séché ses larmes. Heureusement d'ailleurs car je n'aurais pas supporté ses pleurs tout le trajet. Je jette un coup d'œil discret à son badge. Célestine. Quel drôle de nom. Elle me dévisage et m'adresse un sourire que je rend timidement.
-Salut.
Elle m'a parlé ? Dois-je répondre ? Je décide de lui répondre en un mouvement de tête pour ne pas paraître complètement idiote ou malpolie. Je n'ai jamais été sociable ou agréable sauf avec ma petite sœur et mon père. Je repense aux photos d'eux deux cachées dans mon décolleté. Nous n'avons le droit à aucun effet personnel mais je ne pouvais me résoudre à les abandonner. Je tourne rapidement la tête avant qu'elle ne m'accapare avec des questions débiles aux quelles je ne saurais pas répondre. Le paysage qui défile derrière la fenêtre, le léger bourdonnement des roues et les tressautements du train me bercent lentement avant de m'emporter dans les bras de Morphée.
Une pression sur le genou droit me réveille en sursaut. Quand j'ouvre les yeux un visage masculin se trouve à quelques centimètres du mien. Sans même m'en rendre compte, ma main atterrît sur sa joue et je le gifle avec une puissance dont je ne m'aurais jamais capable. Un instant je vois une lueur de colère traverser son regard puis ses yeux se mettent à pétiller d'amusement et un sourire moqueur se dessine aux coins de ses lèvres.
-Qu'est-ce qui te fait rire ?
-T'es pas une tendre toi, hein ?
-Désolée, je n'ai pas contrôlé c'est parti tout seul.
-J'ai vu ça !
-T'avais pas qu'à me réveiller !
-Désolée Mademoiselle. Je ne voulais pas vous réveiller de la sorte mais juste vous prévenir que nous sommes à quelques minutes d'arriver.
Il sourit de toutes ses dents très fier d'avoir imité les Alpha à la perfection. Un petit rire incontrôlable sort de ma bouche. Il se rassoit en face de moi et me regarde profondément. Je détourne aussitôt le regard pour me concentrer sur les arbres qui s'étendent à perte de vue derrière la petite fenêtre à ma gauche.
-Moi c'est Nathan, dit-il en me tendant la main.
Je lui répond sans même un regard.
-Contente de le savoir.
-Ok...
Il se tourne vers ma voisine puis reprend.
-Tu penses que c'est possible de la rendre aimable ?
-Tu peux toujours essayer.
Ils commencent vraiment à me taper sur les nerfs ces deux là d'un regard je leur rappelle que je suis là.
-Au lieu de faire ta mauvaise tête tu pourrais faire connaissance, ça t'éviterait de passer un an complet sans aucun contact social ! Je te rappelle qu'on est tous dans la même merde alors on pourrait essayer de se serrer les coudes et de faire passer le temps tu ne crois pas ?!
Je le regarde dans les yeux pendant un long moment puis je lui tends la main :
-Moi c'est Jen, ravi de te connaître Nathan.