Mizu

6 1 0
                                    

Je suis née. Seule et pourtant tant entourée. Unique et pourtant si commune. Je n'ai rien de spécial. On me demande depuis le début de grandir, comme une mer ou un océan. Je suis si petite, si insignifiante. Je n'ai aucune influence sur le monde qui m'entoure. Ce monde si rapide et si grand. Ce monde dont on ne connaît vraiment que notre environnement direct. Je n'ai pas encore conscience de moi. Pourtant, je grandis. Au milieu de mes semblables, de mes proches, qui me donnent chacun une part d'eux pour que je puisse évoluer. Un monde froid. Glacial. Je suis née de ce froid intense. Le temps s'écoula et je rejoignis mes proches. Je grandis encore au milieu d'eux. Je ne suis en rien différente, mais je continue toujours de grandir, prenant une petite partie de tout mes semblables que je rencontre. Je suis devenue trop grande.

Je me sens obligé de suivre un courant, un courant que tant d'autres suivent déjà et qui les conduit à l'autre bout du monde à travers vents et marées. Ce courant m'arrache de mes proches, ceux qui m'ont vu grandir, pourtant il est chaleureux, encourageant, rassurant. Je le suis parmi tant d'autre.

Tant de nouveaux paysages, le Pacifique, les côtes Atlantique, l'océan Indien. Je me sens bien, heureuse, apaisée. Pourtant je ne comprend pas. On me demande de participer à un monde, une société. Une société faite de milliards d'individus, mais tous se ressemblent. Un monde uniforme, sans âme. Je suis comme les autres. Je ne suis pas unique, je suis identique aux autres, je n'ai rien de spécial. On se ressemble tous, suivant tous le même courant. Je ne comprends pas notre société. J'ai arrêté de grandir.

Soudain je me sens légère. Si légère que je m'imagine voler. Je monte, encore et encore, j'atteins les nuages. Je sens la chaleur du Soleil qui me réchauffe et m'aide à m'enfuir de cette société oppressante. Je vois quelqu'une de mes camarades qui me suivent. Si peu. Les autres nous regardent, envieux, jaloux ou moqueurs. Nous voilà pourtant dans les nuages, comme un rêves. Nous nous déplaçons comme nous le voulons en toute liberté.

Mais je me réveille. Je tombe. De très haut et trop rapidement. Les nuages ne veulent plus de moi. J'ai trop grandis. Je tombe encore et encore, de plus en plus vite, mais je ne suis pas seule. D'autres tombent avec moi. Je vois le sol, ou plutôt la montagne. Je m'écrase dans un bruit terriblement insignifiant. Je suis là. Allongée avec tant d'autres de mes semblables, de mes amis, de mes proches. Sur le sol, étendue, je regarde vers le ciel gris et nuageux. Je ne peux plus bouger. Je suis paralysée.

Maintenant je me sens aspirée. Absorbée par quelque chose dans mon dos. Quelque chose qui me veut, qui à besoin de moi. Je perds des forces, je me sens faible, vulnérable. Je ne plus bouger. Je suis sous terre. Enfermée parmi tant d'autre. Ils semblent heureux. Ils sont ensemble sous terre, là, dans cette chaleur agréable si opposée du monde d'où je viens. Il fait noir. J'ai peur, mais je me sens bien, je sais que c'est la fin, mais je sais aussi que je participe à un autre monde. Je sers à quelque chose. Les plantes, le sol, la montagne ont besoin de moi. Alors je reste, allongée, calme, heureuse. Je ressemble à tout les autres, mais mon parcours a été différent.

C'est fini. J'ai suffisamment grandis. J'étais une petite goutte d'eau née d'un iceberg, j'ai parcouru les océans et les mers, j'ai caressé le ciel et les nuages, emportée par l'encourageante chaleur du Soleil, mais je suis tombée. Dans ma chute, je me suis perdue, mais j'ai trouvé un nouveau but.

Je suis une goutte d'un océan de gouttes d'eau.

MizuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant