Moi, ma famille et les dauphins.

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Anémone du fond des mers, amie des hippocampes et des dauphins. Je plongeais creux dans la mer de mon enfance, comme une enfant pas noyable disait papa. Je ne savais pas qu'à fréquenter la gente aquatique, surtout les dauphins et les hippocampes que ça m'arriverait. ÇA, ce grand don maudit. Papa lui admirait ce talent, m'encourageait à plonger toujours plus loin, toujours plus profond. Maman elle, avait peur. Peur que je ne revienne plus, ou pire que je me fasse manger par un requin. À onze ans on a peur de rien, protégé par le merveilleux et l'inconscience de la mort. Je pouvais y rester une heure! Je ne me sentais bien que privé d'air. Respirer m'oppressait et me rendait malheureuse. Je sentais tout! La peine des autres et plus encore. Des choses que je ne comprenais pas toujours. Je ne savais plus si c'était moi qui avait de la peine où eux. Du coup je marchais le dos courbée du poids du malheur des autres dans ma tête, surtout de ces malheurs à elle...ma mère

L'île était entourée par la mer, la mer était entourée de l'île je ne sais plus... nous les habitants tournions en rond à longueur de jour et d'année. Le temps filait circulaire, nous polissant comme pierre et mer. Ce polissage m'avait oubliée, va savoir pourquoi! À onze ans j'étais grande comme une fillette de 6 ans.

Je plongeais du haut de la falaise Newton. Le matin au réveil, après, quand le soleil était à son zénith et plus tard quand il descendait dans la mer. C'était ma plongée la plus fantastique. Les dauphins me codaient psychiquement avec leurs ondes sonores et les hippocampes dansaient autour de moi, marquant mon âme mystérieusement. Ma sœur Rebecca me surveillait sous ordonnance.- Prends les jumelles et surveille la bien pour t'assurer qu'elle remonte à la surface- Je brisais sa vie en deux, en trois, en quatre, en milles morceaux parce que maman l'obligeait pour calmer sa peur. Je sentais la haine de Rebecca, ses yeux gris prêts à me lancer des couteaux, son sourire dévoilant ses dents d'Ivoires des pays en guerre. Rebecca a du feu dans la tête. Sa parole est un lance-flamme. Elle connaît le pouvoir assassin du verbe conjugué. Ma sœur brûle de l'intérieur. Elle veut me brûler vive, m'effacer de la surface de la planète. C'est sa force et je l'envie secrètement. Moi, je suis lisse comme le dos d'un canard. Mollusque sur terre, sirène en mer. Elle a la rage des vainqueurs, que rien ni personne ne fera plier en deux. Grande, intimidante et sûr de son bon droit. Jalouse que papa m'admire, jalouse que maman s'inquiète. J'aimais sa force qui me haissais. Autant j'étais mince, fluide, le teint clair et les yeux verts, autant Rebecca était grande, athlétique, le teint foncé et les yeux noirs.

-Putain de famille!- disait Rebecca...-tu n'es qu'une petite poupée de guenille à putasser pour te faire aimer d'eux et de tout le monde.- Eux c'était ma mère mélancolique et mystérieuse et Papa qui crachait du feu comme un dragon, ses colères vive et soudaine nous tétanisais. Je l'aimais si peu au fond. C'était elle mon amour...

La fin de l'été sonna le glas. Nous retournions à Sainte-Jeanne de Chantal. Maman dans une guerre épique avait eu le dessus sur papa. Sa conviction de croyante, à croire jusqu'au miracle, que les religieuses enseignante catholique ferait de nous des filles droites, bien éduquées avec la foi comme boussole de vie. Rebecca avait été recalée en 5 ième années. Elle abhorrait l'école et les sœurs plus encore. Du coup elle n'apprenait rien à rien, sa colère comme un nœud de vipère l'empêchait de se concentrer. Son recalage faisait en sorte que toutes les deux étions dans la même classe. Sœur Évelyne Chevalier nous étaient dédié. Sur son socle, marchant de long en large, foulant le plancher de bois dévernis par la marche de tant d'autres religieuses en souliers noirs qui avant elle avait transmis le même mystère incompris. OÙ est Dieu demandait-elle ?? Et nous petites âmes molles de répondre en chœur : Dieu est partouttttt...

- J'allais tous les jours après l'école saluer les dauphins. Il faisait trop froid pour plonger maintenant. Il me manquait terriblement. Obliger de vivre les deux pieds sur terre j'usqu'à l'été prochain.

-Tous les vendredis notre bonne sœur nous aspergeait d'eau bénite. Pour nous protéger disait-elle. Je l'aimais tendrement. Elle m'aimait tendrement. Mon âme disait-elle tel un cristal transparent, était claire comme le jour. Quand à l'âme de Rebecca elle est noire et brûlante comme une pierre volcanique. – Tu es pathétique et sotte me sifflait-elle entre ses dents. –Toi et tes stupides dauphins.- Ma sœur, toujours elle et son fusil chargé de bêtise... Les dauphins que j'appelais mentalement venaient à la surface de l'eau entre deux vaguelettes. Le codage de ma destinée devait se poursuivre au prochain été me disait-il. –Mais quel sera donc ma destinée leur demandais-je implorante et curieuse. –Tu es des nôtres, et comme nous, le même pouvoir te sera accordé. Celui de lire les pensées des autres. Tu es prête à le faire maintenant, voici comment : fixe la personne dans les yeux, ainsi tu capteras tout son univers psychique en une seconde ¾. La deuxième phase débutera le 1 juin. Tu seras codé de la capacité d'influencer les pensées des autres. Nous t'avons choisie pour la pureté de ton âme. Ce don précieux est dangereux. Il ne doit pas servir à faire le mal. Si cela s'avérait tel un boomerang le mal te percuterait de plein front. . Nous avons confiance en toi. En raison du processus biochimique que cela induit, tu ne grandiras plus... –Je quittais mes amis. Une petite tornade d'émotions contradictoires aspirait ma conscience. Flattée par leur confiance, fascinée de ce don à venir, réjouie à l'idée de ce pouvoir de transformation sur les autres, surtout pour sauver Rebecca de sa noirceur, surtout pour sauver ma mère de sa mélancolie et calmer mon père de sa fureur. Curieusement l'envie de les contrôler par la pensée et de les détruire tous m'habitait simultanément...va savoir pourquoi! Mais la prédication des dauphins sur le mal...

-Automne de corde à linge, vêtements qui gigote. Hiver en rafales de neige, bonhomme de neige. Les pieds comme du bacon dans nos bottes de fourrures synthétique. Printemps au parfum éparpillé dans nos narines, caresse saline. Varech qui odore tout ce qui bouge. C'est la fin des classes. Enfin!

Je ne peux pas vous raconter tout ce qui s'est passé avant le 1 juin. De grandes et de petites choses...par exemple : Rebecca qui failli tuer sœur Evelyne dans la cour d'école. Le sang coulait de son front, sortait de ses yeux. Elle fut bannie de l'école. Les parents pensait à la mettre en famille d'accueil, mais hésitait encore, parce que je les avais suppliée de ne pas faire ça. J'attendais mon don... ce grand don maudit.

-1Juin

Je me réveillais ce matin là, excité comme une puce. – Maman était tourmenté, fébrile et nerveuse. Rebecca était fermée comme une roche depuis des mois, papa l'engueulait à tout bout de champ en la menaçant d'exil dans une famille inconnue qui lui mettrait du plomb dans la tête. Je quittais la maison où flottait cette odeur de soufre des mauvais jours. La falaise Newton m'attendait, les dauphins m'appelaient joyeusement. Je plongeais le corps arc bouté, légère, dans un délicieux frisson de délivrance. Le vent soufflait fort ce matin là. Une forte rafale me fit dévier de ma trajectoire, ma tête percuta un rocher. Mon corps désarticulé tomba en fracassant une vague. Je coulais doucement, tandis qu'un dauphin venant à mon secours, me prit sur son dos et m'amena au fond de la mer. Mon sang se mélangeait au bleu tranquille du silence enivrant. Les dauphins savaient ma mort proche et le plan initial n'aurait pas lieu. JE remarquai qu'un aileron poussait sur mon dos. Je compris que les dauphins à défaut de me coder me transformaient en l'une des leurs...en dauphin. La transmutation terminé, délivré de la vie sur terre j'appris à me mouvoir dans une fluidité extraordinaire, délivré de la gravité terrestre! Je partis avec eux au large, libre et heureuse entouré de ma nouvelle famille où l'harmonie et la joie régnait. Je ne revis jamais les miens, mais un jour rôdant près de la falaise Newton, il me semble avoir vu, levant la tête vers la terre ferme, une femme en larme qui ressemblait à Rebecca...

Jacynte


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⏰ Dernière mise à jour : Aug 05, 2016 ⏰

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