Chapitre 2 (corrigé)

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Je me dirige vers le fond du bus pour Philadelphie, bien à l'abri des regards. Je balance mes affaires sur le siège d'à côté et me laisse tomber bruyamment. Putain, j'ai eu chaud aux fesses ce soir. Un peu plus et je me retrouvais dans un merdier pas possible. Maintenant, je peux relâcher la pression. Les lycaons et le chasseur sont trop loin d'ici pour me retrouver avant que je ne mette les voiles. J'appuie négligemment ma tête contre le siège et laisse mon regard dériver vers l'extérieur. Dans le ciel, la lune pointe son profil arrondi. D'ici quelques jours, elle sera pleine. Il faut vite que je trouve une planque.

Je hais les pleines lunes. Dire que les humains trouvent ça romantiques ! Ça n'a rien de romantique quand tu te transformes en une bête sauvage, prête à réduire tout être vivant en charpie. Quand je me transforme, j'ai du mal à garder le contrôle. La soif de sang est tellement forte qu'elle obscurcit tout. Ces moments-là sont couverts d'un voile d'amnésie dont je n'arrive pas à me défaire. Il faut croire que je n'étais pas restée assez longtemps avec ma meute pour apprendre à me maîtriser correctement. Alors, pour limiter les dégâts, je choisis toujours des villes près desquelles il y a une réserve naturelle, ou un endroit où je peux m'enfermer le temps que ça passe.

Je sors mes écouteurs et les enfonce dans mes oreilles. La voix harmonieuse du chanteur de Radiohead chasse rapidement les mauvaises ondes qui commencent à prendre le dessus dans mon esprit. Heureusement, à cette heure de la nuit, il n'y a quasiment personne. Seuls quelques pauvres âmes comme moi attendent le signal du départ. Je ferme les yeux et tente d'effacer ce monde absurde. En fait, plus je me tiens loin des gens, mieux je me porte. Je sais, c'est un peu asocial comme comportement. Mais difficile de faire autrement quand on est une lycaon en fuite. Je ne peux pas aborder les gens en disant : « Salut moi c'est Ivy. Au fait, je suis un loup-garou et je vais sûrement te bouffer d'ici la prochaine pleine lune. Tu veux être mon ami ? » Vous voyez le topo ! Alors je préfère rester seule.

Alors que je commence à somnoler, mon instinct me hurle à l'oreille d'ouvrir les yeux. Comme si j'émergeais d'un cauchemar, je scrute nerveusement autour de moi. Et là c'est le choc ! Putain, mais comment a-t-il fait pour me retrouver aussi vite ? Le chasseur se tient à quelques mètres de moi. J'attrape mes affaires, prête à décamper. Sauf que je suis coincée, impossible de filer en douce. Il se trouve en travers du couloir, à l'intérieur du bus. Je laisse échapper un grognement de frustration. Fais chier ! Pas d'autre solution, je vais devoir me rendre. En tout cas, feindre de le faire et à la moindre occasion, me tailler vite fait. Il a les yeux fixés sur moi pendant qu'il remonte l'allée. Je souffle un bon coup pour me calmer. Il ne faut pas que je fasse de geste brusque, il pourrait le prendre pour une mauvaise initiative de ma part. Par contre, je ne me prive pas de lui laisser un regard noir. Ça va se jouer serré !

- Tu as été plus difficile à repérer que prévu, dit-il imperturbable.

Appuyé nonchalamment sur un des sièges, le chasseur affiche un sourire satisfait. Je hausse les sourcils. Il m'a retrouvé en moins de deux heures et il a trouvé ça difficile. D'ailleurs, j'aimerais bien savoir comment il a fait, histoire de ne pas me faire avoir deux fois. Les secondes défilent et il reste là à m'observer. Ma patience commence à s'étioler. Il attend quoi là ? que je lui saute dans les bras ?

- Tu as perdu ta langue ? demande-t-il, avec un sourire en coin.

- Je n'ai juste pas envie de gaspiller ma salive, répond-je, du tac au tac.

Ses yeux s'agrandissent avant qu'il éclate de rire. Je sursaute, déroutée par sa réaction. Il se fout de moi en fait. Il prend plaisir à me savoir acculée.

- Tous les lycaons naissent-ils avec ce côté tête de nœud ? se moque-t-il.

- Les autres, je ne sais pas, réplique-je. Mais pour moi, c'est venu par nécessité.

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant