Je me laissais tomber à terre, vidée. Comment ? C'était l'anniversaire de Victoire et elle était morte. Lara était si jolie, et si gentille, et elle jouait à la belle au bois dormant. Il n'y avait que moi, la seule survivante. Je ne comprenais d'ailleurs toujours pas pourquoi on m'avait renvoyé ici... Bande d'imbécile ! Ils auraient dû rendre la vie à Victoire plutôt... J'étais consciente que je criais, en proie avec moi-même. Je ne savais que penser. La vie est vraiment mal foutue... Un jour elle te câline, et l'autre jour elle te poignarde.
Lorsque je fus enfin calmée, les yeux rougis et exclus de toutes larmes, j'attrapai l'objet de mon malheur et de mon salut. Ce maudit collier. Tout à l'heure, il s'était passé quelque chose d'étrange... Je le contemplais, recherchant la moindre petite différence. Le sable n'était plus doré. Il était noir cendre. Je me demande si ce n'est pas de mauvais augure... Ou pour m'annoncer une terrible chose ?
Je tentais de formuler à nouveau un vœu. Voyons voir... Qu'est-ce que je désirais par-dessus-tout ? La réponse me vint presque immédiatement. Que mes amies soient là avec moi, et qu'on rigole toutes les trois de cette mauvaise blague qu'on nous avait faite. Car la plus belle des magies, ne serait-ce pas le pouvoir de l'amitié ? Ce sentiment qui vous prend inconsciemment à n'importe quel moment, n'importe quel endroit. L'important, c'est les rencontres que vous faites. Et pour moi l'amitié devait se résumer en quelques mots : honnêteté, générosité, tolérance et confiance.
Je tentais de me remémorer. Comment avais-je utilisé le sablier ? Quels mots avais-je prononcé ? Je me grattais la tête, cherchant les réponses indistinctes dans ma mémoire. Ah oui ça y est, je me rappelle... « Je voudrais... » Je commençais donc ainsi mon vœu. Je chuchotais, de peur que les gens ne me croient plus folle que je ne l'étais. Une jeune femme qui parlait seule dans sa chambre ? C'était du vu et revu. Une jeune femme morte pendant 3 jours et qui parlait à un collier, seule dans sa chambre ? On aurait dit une émission de téléréalité un peu minable. Je riais de ma bêtise. J'avais toujours détesté ce genre d'émission. Lorsque je fus de nouveau calmée, je renouvelais mon vœu : « Je voudrais que mes amies Lara et Victoire soient vivantes et ici avec moi. »
J'eus beau attendre plus de deux heures, assise sur le sol glacé, rien ne se passa. Aucune étincelle ne se ralluma dans mon cœur et le sable du collier resta désespérément noir comme la mort. J'étais assez intelligente pour comprendre que le collier ne marchait pas. Mais je refusais de le croire. Je le balançais dans tous les sens et lui hurlais d'une voix teintée de désespoir :
- Mais tu vas marcher oui !? Tu es censé exaucer mes vœux, alors rend moi... Rend moi mes amies.
Je me recroquevillais, les bras autour de mes genoux, ignorant la douleur mentale et physique qui se propageait dans mon corps. Et je me mis à sangloter. Je n'en pouvais plus de devoir affronter tous ses sentiments. D'abord l'espoir, la peur, la colère... Et même un soupçon de joie. J'eus honte. Pourquoi étais-je joyeuse ? Être en vie et avoir revu ma famille peut-être... Mais une de mes amies était morte et l'autre ne se réveillait pas ! Je me méprisais en ce moment même.
Je tâtais mes bras couvert de cicatrices. J'arrachais un cri de douleur étouffé lorsque je tentais d'enlever les fils qui retenaient mes plaies entre elles. J'avais envie de me faire du mal. Pourquoi ? Parce que je suis bête, voilà tout. N'est-ce pas cette raison qui pousse à se mutiler ? Je me le demandais. Après un instant de réflexion je conclus que non. Non, je n'avais pas le droit. Car même si ma vie devenait aussi brisée qu'un miroir en mille morceaux, j'avais toujours ma famille. Et une chance inouïe.
Je voulus voir mon visage. Mon visage que j'avais toujours trouvé trop ovale, trop aplati, trop quelque chose... Mes yeux trop en amande, dont la couleur singulière changeait en fonction du temps... Je ne me rendais compte que maintenant que je devais être contente de ce que j'avais. Pourquoi toujours pleurer sur son sort, quand d'autres ont pire ? Pourquoi tenter de me faire mal alors que d'autres vivent bien plus difficile ? Pourquoi ne pas voir mes qualités plutôt que mes défauts ? Pourquoi être aussi stupide... « Soyez vous-même, tous les autres sont déjà pris » comme disait Oscar Wilde...
J'eus un pressentiment. Je rangeais le pendentif dans le sac que ma sœur m'avait donné et m'endormis, assise sur le sol, en serrant contre moi le sac à main de ma sœur. Les yeux secs et rougis et la tête lourde et embrumée.

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Un voeu, un sourire.
ParanormalUne bande d'amis qui s'amusent. Des adolescents un peu éméchés, mais quelle importance ? Les secondes qui défilent. Le temps qui se suspend. Et une, deux, trois victimes. Et un collier qui réalise tous les voeux les plus fous. En échange ? Juste un...