Chapitre 9

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   La boutique sentait le vieux tissu et plusieurs mannequins étaient alignés jusqu'au comptoir et exposaient des tenues de toutes sortes. Gaston fit sonner la clochette disposée sur le comptoir avant d'offrir un sourire rassurant à Blandine.

   Une jeune femme blonde aux yeux noisette et l'air doux apparut. Blandine lui trouva une forte ressemblance aux trois filles qui s'étaient moquées d'elle et préféra rester en retrait.

« Tiens donc ! s'étonna la femme. Gaston, je croyais que tu étais parti pour la ville.

— Plus besoin, répondit-il. Je te présente Blandine.

— Enchantée, salua-t-elle chaleureusement Blandine. Je suis Marion. Mais vous êtes trempés ! remarqua-t-elle enfin. Je suppose que des vêtements secs vous plairaient ?

— Tout à fait, acquiesça Gaston.

— Et cette demoiselle connait-elle sa taille ? »

   Marion comprit à l'air perdu de Blandine que la réponse était non puis lui demanda de la suivre dans l'atelier. La petite pâtissière se tourna vers Gaston avec détresse mais celui-ci lui fit comprendre d'un regard qu'elle n'avait rien à craindre.

   L'atelier était empli de machines à coudre, d'épingles et de bout de tissus de toutes les couleurs. Marion s'empara d'un mètre qu'elle enroula autour de la taille, du bassin et de la poitrine de Blandine puis qu'elle étendit de haut en bas et le long de ses bras. Blandine se laissa faire tel un pantin jusqu'à ce qu'un homme fasse son entrée.

   La petite pâtissière pensa d'abord qu'il s'agissait du compagnon de Marion mais son visage et ses mains étaient déjà bien marquées par l'âge.

« Qui est-ce ? demanda-t-il en apercevant Blandine.

— Demande à Gaston, lui répondit Marion.

— Gaston, le fils de Willy ? Il est là ?

— Oui. Et apporte-lui une tenue propre pendant que t'y es.

— Quelle fille demande à son père de faire des allers-retours ? se plaignit l'homme mais Marion ignora totalement ses paroles.

— Tu as de magnifiques cheveux, nota-t-elle, son attention plutôt concentrée sur Blandine. Tu ne voudrais pas que je te les coiffe ? »

   Blandine haussa les épaules pour le plus grand bonheur de la jeune tailleuse.

« C'est un plaisir de te voir Gaston, leur parvint la voix de l'homme depuis le comptoir. Que t'est-il arrivé pour que tu sois aussi mouillé ? J'espère que mes filles ne t'ont pas embêté.

— Non, ne vous inquiétez pas Monsieur. Ce n'est rien.

— Tu ne vas donc pas me dire qui est cette jeune fille que tu as ramené ?

— Son nom est Blandine et elle n'est rien d'autre que... mon âme-sœur.

— Rien que ça ! Elle n'est pas d'ici ? Je ne l'ai jamais vue auparavant.

— Elle vient de Bonbourg. C'est une pâtissière.

— Bien, bien. C'est une bonne chose. J'aimerais que mes filles soient aussi manuelles. Je ne parle pas de Marion, bien sûr, mais celle-là s'est entichée d'un bon à rien.

— Raymond est un gentil garçon vous savez. Il aime beaucoup Marion.

— Je sais, soupira le tailleur, mais ce garçon est aussi frêle qu'un oisillon. »

   Gaston était en train de rire à la comparaison de l'homme quand il aperçut Marion tirer Blandine hors de l'atelier. Elle l'avait vêtue d'une longue robe beige et verte en accord avec ses longs cheveux bruns, désormais tressés en deux jolies nattes. Gaston apprécia l'effort qu'avait mis Marion.

Il regarda avec émerveillement Blandine s'avancer timidement pour retourner à côté de lui. Ses petites joues rosies par la gêne était une vision terriblement charmante. Quand Gaston reporta son attention sur le tailleur et sa fille ainée, un immense sourire était collé sur son visage.

« Combien je vous dois ? demanda-t-il.

— Laisse, déclara Marion. Ça nous fait plaisir.

— Avec tous les services que tu nous as rendus, ajouta son père, on te doit bien ça. J'espère tout de même pouvoir goûter aux œuvres de ton amie.

— Avec plaisir ! s'exclama Blandine avec entrain, faisant rire l'assistance.

— Papa ! » des voies s'écrièrent en écho avant que les trois sœurs ne débarquent dans la boutique.

   Elles se figèrent immédiatement en remarquant la présence du fameux Gaston puis déglutirent en s'apercevant que la jolie brune à côté de lui n'était autre que la pâtissière cinglée. Avec des cheveux lavés et coiffés, des vêtements propres et le visage nettoyé de la farine et de la boue, elle n'était pas si moche que ça. Elle avait même de légères taches de rousseur qui lui donnait un air mignon.

« Ah, mes chères filles, saluez donc Gaston et sa compagne, Blandine.

— Com-compagne ? bégayèrent-elles. Ce n'est pas la vérité Gaston, n'est-ce pas ?

— Eh bien, je suppose que ce n'est pas encore officiel mais c'est mon désir. Et j'espère de tout cœur que c'est aussi le votre...

— Comment pourrais-je dire non, Monsieur Gaston ? » rougit Blandine.



   Gaston et Blandine rentrèrent ensemble au domicile de la jeune pâtissière chez qui il s'installa, abandonnant sa tante égocentrique. Il se sentait si heureux à la regarder cuisiner ses œuvres, à l'entendre rire quand il lui racontait des histoires, à sentir sa présence près de lui.

   Il l'aida à remettre la pâtisserie de sa mère en état et s'activa dans le village pour faire taire les rumeurs de sorcière qui suivaient Blandine.

   Quelques semaines plus tard, la pâtisserie était enfin opérative et les deux jeunes gens contemplèrent le fruit de leur travail avec satisfaction.

« Gaston, c'est parfait ! s'exclama Blandine. Tout ça c'est grâce à vous.

— Vos talents culinaires méritent d'être partagés. Je n'ai fait que leur donner un coup de pouce.

— Quel gâteau devrais-je préparer pour vous remercier ?

— J'ai eu assez de gâteaux, je pense. Mais il y a bien quelque chose que j'aimerais goûter.

— Dîtes-moi, j'essaierais de vous le préparer.

   Il sourit comme attendri par la naïveté de la jeune femme puis caressa ses fines lèvres de son doigt.

— A vrai dire, vos lèvres me paraissent être un délice si doux qu'il est bien difficile pour moi de ne pas me laisser tenter et en goûter un bout.

— Je ne comprends pas très bien, avoua une Blandine hébétée. Que voulez-vous dire ?

   Gaston soupira.

— Je meurs d'envie de vous embrasser Blandine, voilà ce que je veux dire !

— Gaston ! s'exclama-t-elle, choquée.

— Je suis navré, je m'emporte ! Mais cela est si difficile de vous résister.

— Me résister ? Mais de quoi parlez-vous enfin ? »

   Pour toute réponse, Gaston déposa un baiser sur la main de l'innocente Blandine et sourit devant son air perdu. 

Le gâteau parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant