Chapitre 1

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Chapitre 1

- Vous ai-je déjà dit que les anglais en général mangent à ... vous n'allez pas le croire... 17 HEURES PÉTANTES ! Le repas du soir ?!, soufflais-je en français.
- Oui ma chérie, tu nous l'as déjà dit et re-dit.
- Une bonne vingtaine de fois même, réplique mon petit-frère sur l'appel vidéo. Mais parle nous plutôt de ce que tu vas faire ! Tu vas voir des étoiles ? Tu vas aller dans l'espace ? Non mieux ! Tu vas pouvoir aller sur la Lune ?

Ma mère ébouriffe les cheveux de mon petit-frère âge de 7 ans à travers l'écran, les yeux rieurs tandis que l'homme de la famille semble émerveillé par le fait que je puisse un jour aller dans l'espace. Sans oxygène, sans eau, sans nourriture, sans combinaison. Mon frère veut ma mort, c'est officiel. Je lui lance cependant un clin d'œil joueur, croisant les bras en reculant un peu ma chaise.

- Peut-être bien que j'y suis déjà allée, Sam. Qui sait ? Seulement moi, maman, et certainement pas toi.

Mon petit frère ouvre en grand ses mirettes en regardant avec effarement l'écran sur lequel je suis diffusée, avant de crier en se tournant vers ma mère.

- MAMAN ! RAPHAËLLE, ELLE, ELLE EST ALLÉE SUR LA LUNE ! ET MÊME PAS TOI !

Me retrouvant un semblant d'intérêt, il s'approche de l'écran et chuchote quelques mots, ses mains autour de sa bouche.

- Dis, grande sœur. Tu veux bien me rapporter un bébé extraterrestre de la lune ? Pour jouer avec lui !!! S'il te plaaaaaaaaaaaait !!!

Je le regarde faire, amusée, avant de lui assurer que je ferai mon possible pour lui envoyer un extraterrestre d'Ecosse. Il me regarde avec des yeux encore plus écarquillés avant de sauter un peu partout. De ce que je peux en voir, ma mère a toujours autant de mal à canaliser l'énergie de cet enfant, mais cette scène me fait chaud au cœur. J'aurais tellement aimée être là, pour chatouiller mon petit Sam sur le canapé tandis que ma mère m'aurait grondée gentiment pour le laisser tranquille. Un pincement au cœur me fait frissonner, je souris sans rien laisser transparaître. Ma mère me lance un regard désolée avant de venir s'asseoir face à l'écran, un sourire flottant sur ses lèvres. Ses yeux semblent s'imprégner de chaque centimètre que la caméra laisse voir de ma chambre.

- Profite bien, ma chérie, de ton séjour. Profite de chaque instant, tu en as tellement rêvé ! La famille de Katie est gentille avec toi ? Tu manges à ta faim ? Le temps n'est pas atroce ? Tu t'es fait des amis ? Sam, ne joue pas avec ce vase !

Je ris face à l'inquiétude de ma génitrice, lui assurant de ma bonne santé, qu'elle soit physique ou mentale. Ma mère essaye tant bien que mal de parler un peu plus avec moi, mais son fils semble faire des siennes en criant dans tout l'appartement. Je lève alors une main, jetant un regard vers la pendule à ma droite.

- Je vais te laisser maman, il va falloir que j'aille bosser. Tu sais, à la petite librairie que j'ai entraperçue !
- SAM ! POSE CES FLEURS TOUT DE SUITE ! Oui oui ma chérie c'est génial ! Tu me raconteras ça la prochaine fois.

Ma mère me lance un regard inquiet, souriant faiblement en me faisant ses dernières recommandations.  Mon frère saute sur le canapé en criant qu'il va voir un extraterrestre.

- Raphaëlle, fais attention à toi. Ne tarde pas à m'appeler, qu'importe l'heure ! C'est bien compris ? Au diable cette heure de différence, et ne suis pas les vieux messieurs dans les ruelles.

J'éclate de rire en comprenant que, malgré mon âge, je resterai toujours la petite fille réservée aux yeux de ma mère. Posant ma main sur mon cœur solennellement, je le jure en tâchant de retenir mon fou rire.

- Je jure de ne pas suivre Jean-Claude II dans une ruelle sombre d'Édimbourg ! Au revoir, passe bien le bonjour à toute la famille.
- Je t'aime ma fille, fais bien attention.

J'acquiesce en quittant la conversation, émue. En vérité, mon travail ne débute que dans quelques heures, mais je vois bien que Sam est déchaîné, à la limite de l'incontrôlable. Levant mon regard vers les poutres de ma chambre pour m'empêcher de pleurer, je souris en pensant à ce que doit faire ma famille, à Paris. Sam court dans l'appartement, maman le coursant pour le calmer. Les éclats de rire résonnants, la bonne odeur du poulet mijotant dans la marmite sur le feu, les couverts clinquants déposés sur la table pour le repas. Le calme m'enveloppe, je serre le doux pull beige que je porte autour de mon buste. La pluie gicle contre la fenêtre de ma chambre, qui me laisse apercevoir une belle vue du château emblématique de la ville. Je souris en regardant le ciel : ce n'est décidément pas aujourd'hui que je vais apercevoir les étoiles du ciel écossais.

Orgueil et préjugésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant