Chapitre 3

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Un bruit sourd me tira d'un sommeil profond. Blottie sous ma couverture, je crus d'abord que j'avais rêvé. Puis le même bruit se répéta plusieurs fois, et je retrouvai peu à peu mes esprits. Je sortis le nez de sous les draps et me frottai les yeux. Dans l'obscurité épaisse de ma chambre, je ne pouvais distinguer que le cadran lumineux de mon réveil. Il indiquait plus de deux heures du matin.

Il y eut un son plus fort que les autres, une espèce de coup sec qui me fit sursauter. Encore embrouillée par le sommeil, j'essayai de recoller les morceaux. La veille au soir, j'avais vu mes deux sœurs, ma mère, Pierrick et Grégory aller se coucher. Aussi tard que j'étais restée éveillée, je n'avais entendu aucun d'eux sortir de l'appartement. Or les bruits qui venaient de retentir semblaient provenir de l'entrée.

Après quelques secondes de silence, je crus discerner de légers frottements, comme des pas dans le couloir. J'avais le sentiment qu'il s'agissait de plusieurs personnes, sans trop savoir pourquoi. J'essayai de me convaincre que ça ne pouvait être que des membres de ma famille. Peut-être Pierrick était-il sorti peu après que je me sois endormie, et il rentrait à présent. Mais d'où pouvait provenir le grand bruit que j'avais entendu ?

Mon sang se glaça quand ma raison fut forcée d'admettre ce que je ne voulais pas comprendre. J'aurais reconnu les pas de mon frère, de mes sœurs ou de ma mère. J'aurais entendu la porte d'entrée grincer lentement comme elle le faisait d'habitude. J'étais terrifiée à l'idée de savoir qui ces gens pouvaient être.

J'aurais voulu être courageuse, attraper une brosse à cheveux ou n'importe quel objet absolument pas adapté au combat, sortir dans le couloir et faire fuir les intrus tout en faisant du bruit pour réveiller le reste de ma famille. Sauf que j'étais extrêmement peureuse, et que ma terreur m'empêchait de bouger d'un cil.

Je m'enfonçai sous ma couette, roulée en boule, tétanisée. J'imaginais des hommes pénétrant chez moi, ouvrant toutes les portes une à une jusqu'à trouver celle qu'ils cherchaient. Ce n'était pas possible, je devais rêver, ou bien mon imagination me jouait des tours, et les bruits que j'avais entendus étaient parfaitement banals.

Des éclats de voix retentirent, étouffés par la couverture qui me cachait le visage. Je tressaillis. Il y en avait que je ne connaissais pas. On dit que ceux à qui il manque un sens développent particulièrement les quatre autres. C'est le genre de choses auxquelles je n'aurais jamais cru, si je ne l'avais pas constaté sur moi-même. Pour compenser mon mutisme, j'avais toujours été une fine observatrice. Pas le moindre détail ne m'échappait, je scrutais tout constamment. A cet instant, c'était uniquement mon ouïe qui me servait. Même si je ne comprenais pas ce qui se disait, je parvins à distinguer plusieurs intonations différentes. Il y avait un ton sec, directif. Je décelai dans une autre voix de la peur, ou de la colère. Enfin, elle se mua en supplication.

Des bruits rapides et rapprochés me parvinrent, comme ceux d'une lutte. Mon cœur battait si fort que je n'entendais plus que lui, et j'avais l'impression qu'il allait me déchirer la poitrine. Des cris furent poussés, terribles, puis le silence revint.

Après quelques minutes paralysée par la peur et l'effroi, je repoussai précautionneusement ma couverture. Je m'assis en tremblant, posai mes pieds nus sur le sol froid. Il me fallut user de toutes mes forces pour me relever et marcher jusqu'à la porte de ma chambre, que je pouvais retrouver dans le noir sans même avoir besoin de tâtonner. Je poussai la poignée et jetai un regard terrifié dans le couloir.

— Eris !

Ma mère se précipita vers moi avant que j'aie pu faire un pas hors de ma chambre. Elle me serra dans ses bras à m'en étouffer. Je dus l'écarter pour pouvoir parler.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant