La rencontre

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Je suis Noémie, une figure éclatante dans l'obscurité, toujours vêtue de manière audacieuse, que ce soit un jeu de séduction ou un décolleté qui défie toute logique. Mes courbes sinueuses captivent ces hommes de la haute société, prêts à déployer des sommes considérables pour goûter à une parcelle de ce souffle envoûtant entre mes jambes. Pour eux, je ne suis qu'un trophée, un objet de désir, dénué de la reconnaissance de la femme que je suis réellement. Ai-je voix au chapitre ? Non ! La seule réalité à laquelle je puisse m'agripper, c'est la nécessité d'arrondir mes fins de mois. En vrai, dès ma venue au monde, la vie avait déjà choisi mon rôle. Abandonnée dans le seul lieu décent pour un nouveau-né, suite à un incendie mortel, et sauvée par l'achat des oréos à l'âge de 11 ans, j'ai dû dormir dans la rue. Malheureusement, ou heureusement pour moi, j'ai été considérée comme morte par les enquêteurs à cause de mon pendentif portant mon prénom donné à une camarade. J'ai dû voler pour survivre. Ma vie de chienne n'étant déjà pas assez pénible, j'ai été kidnappée et vendue à une maison close, avant même de signaler aux autorités que j'étais en vie. En fait, je veux dire que ma vie est digne d'une série télé, alors pourquoi me plaindrais-je ? Hé oui ! 22 ans sur terre, 22 ans de merde. Cette barre en métal est la seule chose qui me tient à la vie, alors je l'honore comme je peux. Ah oui, sans bien sûr oublier mon paquet d'oréos qui m'a sauvé de justesse de l'incendie. Maintenant que j'y pense, si cette après-midi-là, je n'étais pas allée chez l'épicier pour acheter des oréos, je serais à l'heure actuelle morte. Non, mais la gravité ou la bêtise de mon destin me dépasse. J'ose croire qu'un jour, je serai... Non, Noémie, c'est mieux que tu n'attendes rien de la vie.

- Noémie ?

- Tiens, nous y voilà. À peine ai-je le temps de fumer mon cigare que je suis déjà demandée. Je ne peux pas avoir une discussion tranquille avec mon subconscient, sans qu'une personne dont l'existence m'est complètement indifférente ne m'importune !

- Tu es toujours aussi aigrie et détestable ! (Kellya, ma collègue de rue)

- Oui, et ?

- C'est fou, mais t'as vu, c'est mort aujourd'hui, je ne peux pas travailler, t'as vu.

- Tu me dis ça pour que je fasse quoi du coup ?

- Ne sois pas si méchante, pff, c'est bon, je me casse, je ne me sens pas bien.

- Oui, épargne-moi les détails, je m'en fiche, salut.

D'un air dégoûté, Kellya tourna les talons. Son air de sainte-nitouche à la pute du New Jersey ne me touche aucunement. Oh là là, elle est tellement fatigante. Et oui, j'oublie, je suis belle, aigrie, et toujours aussi pauvre malgré mon travail acharné, et je n'aime pas les gens. La vie m'a appris que quand je m'attache, cela finit mal.

Il est 00:45 et toujours pas de clients en vue. Je crois qu'il est temps pour moi de m'éclipser, d'autant plus qu'il fait super froid. Au loin, j'aperçois une voiture. Cette dernière fonce droit sur moi.

- Oh mon Dieu, éteignez vos phares, je ne vois rien, purée ! (disais-je en essayant d'éviter la lumière de cette voiture garée devant moi)

Le conducteur m'entend, s'exécute aussitôt, et fait descendre sa vitre. D'un air dégoûté, je jette un coup d'œil pour voir à qui j'avais affaire, et là, mon cœur, je pense qu'il va exploser. Il y a des créatures sur terre qui nécessitent beaucoup d'attention. Cet homme est juste magnifique, ses yeux fins noisettes, son regard de braise, sa mâchoire contractée. Mon Dieu, je... Oh là là, pfff, il vient de tout gâcher en me dévisageant comme si j'étais de la merde. Mignon, mais je n'aime pas ce côté effrayant qu'il dégage. Je tourne les talons quand monsieur regard de braise m'interrompt avec le son de sa voix.

La prostituée  : en réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant