Il y a des jours comme ça où je me réveille de mauvaise humeur. C'est nul je sais, mais c'est plus fort que moi. Je n'aime pas les matins, je n'aime pas la sonnerie stridente du réveil ni les rituels matinaux tels que le passage aux toilettes, à la douche, le petit déj etc. Non, je ne supporte vraiment pas ça et encore moins depuis que je suis retournée vivre chez mon père.
Ma mère est décédée il y a deux mois d'un cancer du pancréas. Laide maladie, très laide. En décembre nous avions appris. Les médecins ne donnent pas de date approximative, de délai, de laps de temps « du reste de ta vie ». Non, ça ce n'est que dans les films. Et je le regrette amèrement. Si j'avais su que seulement deux mois après l'annonce de son cancer ma mère partirait, j'en aurais plus profité. Je lui aurais consacré tout mon temps, l'aurais couverte d'amour comme elle l'avait toujours fait avec moi. Seulement je ne l'ai pas fait. Elle est partie vers l'au-delà alors que je venais de me disputer avec elle. J'avais été fâchée parce qu'elle voulait que je vienne vivre ici. Chez lui.
Lui ? C'est mon père. Ou géniteur je préfère. Père absent depuis ma plus tendre enfance.
La seule chose qui me confirmait qu'il était en vie durant toutes ces années avait été une carte qu'il m'envoyait chaque année lors de mon anniversaire. Bien évidement il notait que le strict minimum. « Bon anniversaire Laure. Bisous. Papa. ».
Réjouissant.
Cela fait donc deux mois que je vis avec lui, sa femme Nicole et leur fils de cinq ans Sacha.
Pour être clair dès le début, je ne les aime pas. Ils m'insupportent eux et leur petite famille modèle parfaite. Quand je suis arrivée dans leur joyeuse maisonnée, mon père avait râlé. Ben oui ! Quoi de plus emmerdant que de devoir déménager son bureau riquiqui pour me laisser de la place ? Nicole elle, me souriait sans cesse, m'avait souhaité vingt mille fois la bienvenue mais dès que j'avais eu le dos tourné, elle avait pleuré auprès de son mari que je venais bouleverser leur quotidien, leur vie chérie. Et oh mon dieu, j'allais perturber l'équilibre de Sacha.
Enfin soit, je m'en fous. Je suis là parce que je n'ai pas le choix. J'ai dix-sept ans et dans une année je pars d'ici. Je m'en réjouis d'avance. Finit les repas longs et chiants, les engueulades de mon père, les jérémiades de Nicole et les affreuses crises du morveux. Adieu famille imposée pourave, bonjour la liberté.
-Laure ! Si jamais tu rates ton bus, j'te jure que t'y vas à pattes.
Je soupire en me levant.
-Ouai !
Bordel il me fait chier ce mec. Je sais qu'il s'agit de mon père mais je ne l'aime pas, je ne l'aime plus et ne l'aimerais plus jamais. Je m'en suis faite la promesse il y a de ça dix ans et je la maintiendrai quoiqu'il advienne.
Après m'être lavée, brosser les dents, je descends et retrouve Nicole affairée dans la cuisine. Elle est en train de préparer le sac de son fils et celui de mon père pour leur temps de midi. Quant à moi, je me débrouille seule, c'est mieux ainsi. Je n'ai pas envie qu'elle me materne et encore moins qu'elle essaye de prendre un rôle dans ma vie qui ne lui appartient pas.
-Sacha ? Tu as mis tes chaussures mon chat ?
Je lève les yeux au ciel alors que le gamin beugle un « oui » de l'autre côté de la maison. J'ouvre le frigo et y chope le paquet de knacki que je m'empresse d'enfoncer dans mon sac. J'adore ces trucs même si je ne sais pas exactement ce qu'ils foutent là-dedans. Je suppose que c'est quand même des bons trucs vu le prix auquel on les paye. Quoique...
-A seize heures trente, n'oublie pas de récupérer ton frère à l'école Laure.
Je frissonne en entendant Nicole appeler Sacha « mon frère ». Je ne savais même pas qu'il existait il y a peine deux mois alors il est hors de question que ce gamin pourri gâté devienne mon frère.
-Je sais, dis-je en soupirant. On est jeudi.
Nicole acquiesce en pinçant les lèvres. Tous les jeudis, Nicole va à son cours de couture. Elle en rentre fière et souriante avec dans les mains d'affreuses choses cousues aux tissus douteux. Je ne sais vraiment pas pourquoi elle aime tant les motifs fleuris, ça me dépasse. Les coussins du canapé sont recouverts de fleurs, les tentures de la maison aussi. C'est moche mais après tout, ce n'est pas ma baraque.
Je mets mon sac dans mon dos avant de sortir en vitesse de la maison. Pourquoi en vitesse ? Parce que je l'évite. Je n'ai pas envie de croiser mon père ce matin (Comme chaque matin à vrai dire) parce qu'hier soir, il a reçu une ribambelle de cartes d'absence. Je sais qu'il attendait ce matin avec impatience pour me tomber dessus, raison de plus pour me grouiller.
L'air frais me fouette les joues dès que je sors. Il fait froid et je grelotte directement. J'ai oublié ma veste mais je n'ai pas envie de retourner chez moi pour la prendre. De toute façon le temps va vite se réchauffer. Alors j'avance à l'arrêt du bus en frictionnant mes bras. Il est plein de monde, je baisse les yeux au sol. Je ne connais personne. Tout ce que je sais, c'est deux trois prénoms appris par hasard. Ici les gens ne te parlent pas s'ils ne te connaissent pas. Etant nouvelle et arrivée en cours d'année, je n'ai pas attiré la sympathie des autres. Est-ce parce que les groupes d'amis sont déjà formés ? Il n'y a qu'Alex, l'intello de la classe qui me cause de temps à autre. Après tout, ce n'est pas grave. Je préfère passer mes temps de pause à lire de la romance, de belles histoires émouvantes qui me font rêver d'un monde meilleur, d'une vie mieux que celle que j'ai pour l'instant. Le hic ? Je ne crois pas que les princes charmant existent. Même pas ceux aux airs de bad boy. C'est peut-être un tort de ne pas croire en l'amour... Moi, tout ce que j'y vois c'est une façon de me protéger, de garder les pieds sur terre.
Quand le bus arrive, je laisse le flot d'étudiants y monter et y grimpe la dernière. Je me retrouve oppresser entre un garçon de deux fois ma taille et la porte. Je respire à peine quand il appuie son bras par-dessus ma tête. Même si je sens son regard posé sur moi, je n'ose lever les yeux. Je me sens mal à l'aise, je n'aime pas qu'on me fixe avec insistance.
-Salut.
Mon cœur s'emballe mais je ne réponds pas. Il soupire fortement et retourne à sa discussion, comprenant que je ne lui parlerai pas. Quand le bus arrive devant l'école, je sors et marche à grande vitesse sur le trottoir. J'espère ne plus jamais revoir ce gars. Ne me demandez pas pourquoi hein, parce que je ne sais pas. Je me suis toujours considérée comme antipathique, solitaire. Je n'aime pas avoir des amies parce que les amitiés finissent toujours en eau de boudin. Je fuis les conflits, je fuis les emmerdes. J'aime ma tranquillité, j'aime mes livres, j'aime être seule. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et monte le son. La voix de Tyler et la batterie de Josh explosent dans mes tympans. Je ferme les yeux un court instant, tente de calmer mes angoisses.
Je traverse la route, un crissement de pneus bien plus fort que la musique me fait sursauter. J'ai juste le temps de voir la voiture qui fonce droit sur moi et me percute de plein fouet.
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Interdiction d'aimer
RomanceLaure, dix-sept ans vit chez son père depuis le décès de sa mère. Elle qui déteste sa nouvelle famille va avoir un accident qui lui donnera envie de profiter le plus possible de la vie. Qui de mieux pour l'accompagner dans sa folie qu'un jeune ét...