Chapitre 30 : Chartres.

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Je reprends le chemin à travers les arbres. Je repère là où je veux aller, je trouve un chemin entre les mondes. Je tourne à gauche sur un autre sentier et je me retrouve au milieu d'une foule dans un hall de gare. Il fait chaud et le bruit si fort en comparaison du calme de ma caverne vient me heurter les oreilles. Je me dirige vers une boutique de souvenirs pour y acheter un guide touristique et un chapeau un peu ridicule. Je fais l'acquisition d'un soda bien frais et me dirige vers la sortie de la gare, vers la lumière.

La Cathédrale de Chartres se dresse devant moi. Un lieu dépourvu de tout esprit, de toute beauté tant il a été souillé de sa fonction initiale. Le soleil de plomb, au zénith, brille. Une chape de chaleur entoure la foule des touristes venus apprécier la magnificence du lieu. Un appareil photo autour du cou, je me suis mélangé à un groupe. Le groupe dans lequel je me suis greffé tarde à entrer dans la Cathédrale, prenant la suite d'un autre groupe. Eh oui, il faut attendre son tour pour rentrer dans ce lieu désormais. Le guide baragouine des banalités sur le lieu, sur les étapes de sa construction. Rien n'est dit sur ce qui se dressait ici avant que ce monument ne soit édifié.

Je sens partout autour de moi l'influence des Adraconniques. Insidieusement glissés parmi la foule des admirateurs du lieu, ils sont là, tels des sentinelles, drainant les flots de touristes, les amenant sur des parcours particuliers. Ces chemins tracent des schémas servant à les renforcer. J'essaye d'appréhender les mouvements de foule, de voir où se situent les points sensibles. Je cherche les nœuds d'importance. Et simplement, ils répètent les liens entre les Cathédrales, pour les augmenter, pour les magnifier.

Je m'approche de l'Adraconnique représentant la Cathédrale de Chartres. Je fais semblant de tomber, comme si j'étais bousculé. Je m'écroule sur l'homme et le fais tomber à terre, apposant une rune sur lui. En tombant, j'attrape la manche d'une tierce personne. Comme par ricochet, le mouvement est complètement perturbé et là où se trouvait l'homme, désormais il y a un flot ininterrompu de touristes. Le schéma des Adraconniques est désormais inefficace et inopérant. Leur force vacille lentement et mentalement, j'aiguillonne des groupes de touristes pour faire changer les mouvements de foule.

Il ne me faut pas beaucoup de temps pour me déplacer et heurter à nouveau un autre Adraconnique. Je lui appose à lui aussi une rune. Les deux runes que j'ai apposées sont des runes influençant les énergies magiques quelques qu'elles soient. Ces énergies vont transiter de l'un à l'autres indéfiniment sans qu'elles puissent être utilisées, créant une sorte de trou noir. Bien évidemment les deux hommes vont en mourir dans quelques heures. Durant ce laps de temps, une partie des énergies corrompues auront été captées par ce cercle vicieux et rendues inutilisables.

Les foules ont bougé et un autre tracé se met en place. Un tracé représentant. Je jubile. Je vois des prêtres sortir affolés de la cathédrale. Ils essayent d'endiguer les flots, de canaliser les foules. Ils utilisent leurs sons. Mais le brouhaha émanant de la multitude pressée devant la Cathédrale est trop important et couvre leurs bruits. Tout au plus quelques personnes en subissent l'influence, sous le regard perplexe des touristes qui passent à côté.

Je suis le mouvement du groupe auquel je me suis greffé jusqu'à l'intérieur de la Cathédrale. Je profite de la foule abondante pour parcourir le labyrinthe de la Cathédrale. Mes pas arpentent lentement le chemin tracé par les bâtisseurs, des siècles auparavant. Ma conscience s'ouvre un peu. Mon expérience de vie humaine me permet de mieux vivre cette expérience, de mieux appréhender ce chemin élaboré pour des humains.

Ces quelques minutes nécessaires pour arpenter ce chemin m'ont fait du bien. Je me sens plus serein, plus libre. L'ambiance est étrange dans cette cathédrale, car entre les touristes et les Adraconniques, la sérénité habituelle des lieux de prière n'est pas présente. Et pourtant, le chemin parcouru sur ces pierres m'amène à un détachement spirituel bien appréciable. Je suis reposé et réfléchi. Les évènements m'apparaissent plus sereinement. Le sentiment d'urgence qui m'étreignait s'estompe. Gwenn devient présente à mon esprit. Son image s'impose à moi.

Le réveil des Sang-dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant