Noel

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Nous sommes non loin des fêtes de Noël, je suis installée sur mon canapé, emmitouflée dans mon plaid blanc, doux comme une peluche, à mes pieds les chaussettes grenouille, moelleuses à souhait, où chaque orteil a une place, que m'a offertes ma mère à Noël dernier. Elle a toujours un petit cadeau rigolo en plus chaque année, d'ailleurs celui de l'année précédente est posé sur ma table basse : c'est un mug rouge, il a deux yeux ronds et une bouche dans laquelle on peut glisser des cookies ou autres biscuits ; ça donne l'illusion que le mug les mange ! Il est rempli d'un chocolat chaud fumant où baignent trois chamalow, oui je sais ce n'est pas bon pour ma ligne, mais bon ! C'est les fêtes on verra pour le régime et le sport dès le début janvier, promis ! Je suis donc bien installée un livre à la main, un thriller vraiment prenant, le suspense est à son comble quand le téléphone sonne et me fait sursauter. Je réponds ? Je ne réponds pas ? Je veux connaître la suite ! À la troisième sonnerie, agacée, je me décide et décroche : c'est ma mère, elle veut que j'aille lui chercher sa commande de thé rare du Tibet, ses gâteaux, cupcakes, macarons et autres douceurs au salon de thé sur Park avenue, car elle ne rentre que ce soir tard et elle en a besoin pour son dîner de pré-Noël qu'elle fait chaque année avec ses amis. Je me motive et me lève, je continuerai mon roman plus tard, mon manteau sur le dos, mon écharpe bien mise, mon bonnet hibou sur la tête, je regarde par le judas de ma porte si la voisine est sur le palier, car elle est gentille mais n'en finit pas de papoter, et avec elle ma mère aura sa commande pour Noël prochain. Personne ! Allez vite !

Arrivée au bas des escaliers, je vois au travers de la porte vitrée de mon immeuble la neige blanche, des enfants ont fait un bonhomme de neige sur le bord du trottoir pile face à ma porte. Je sens à travers celle-ci l'euphorie de Noël, les gens sont nombreux, il est vrai qu'à New York, c'est rarement vide, il y a toujours énormément de monde, mais pour les fêtes il y a une effervescence en plus, la joie, la tristesse, l'angoisse, le bonheur, la frénésie des fêtes, les gens sont affolés, pressés, agités, ils courent en tous sens pour leurs achats. Je me lance dans la foule et me dirige vers Park avenue, il fait froid, les rues sont magnifiques, entre le blanc immaculé de la neige et les couleurs des décors de Noël qui sont partout, ça brille, ça clignote, peu importe où l'on pose les yeux, il y a de la couleur, ça rend les rues joyeuses.

J'arrive à hauteur du salon de thé, et regarde par la vitrine : va-t-il falloir que j'attende longtemps ? Il n'y a que quatre tables de prises et une dizaine de personnes qui font la queue, ça va je m'attendais à pire avec l'engouement des fêtes. Je promène mon regard avant d'entrer, à une des tables est assis un homme encravaté, qui boit son café et lit son journal. À une autre plus loin, un jeune couple qui se tient la main et a l'air heureux et très amoureux ; à la façon dont ils se regardent, je ne peux dire ce qu'ils boivent, le dos de l'homme me cache les tasses. Ici chaque type de boisson a sa tasse. À côté, un homme d'une quarantaine d'années surfe sur son ordinateur et a l'air très fâché, il boit un chocolat, c'est amusant, il n'a pas le style à boire du chocolat chaud on l'imagine plus avec un café fort, un thé ou un verre de whisky pur malt. Face à moi, se tient une dame âgée qui boit un thé : à la couleur de la tasse je devine que c'est un thé noir. Elle est vêtue de noir comme l'étaient avant les vielles italiennes, elle a un chapeau rond style boîte de camembert, avec une voilette fixée par des fleurs noires, elle est parée d'une robe et de chaussures noires. Même son sac est noir. Elle est assise seule et pourtant elle discute comme si une personne était là, face à elle. Ses mains sont jointes, crispées, noueuses, ridées, parsemées de taches de vieillesse, fripées par le temps qui est passé, ses doigts ont presque l'air crochus. À côté de sa tasse est posée un magnifique cupcake qui doit être au chocolat si j'en crois sa couleur brune, surmonté d'une crème bleu layette et parsemé de petits vermicelles de sucre coloré. Son visage est très ridé. Elle a un nez aquilin, ses yeux sont marron, perdus dans de petites rides, ses lèvres sont encore belles malgré les sillons qui l'entourent. Elle ne sourit pas, elle a un air grave, comme si on l'avait contrariée ou si elle devait annoncer une mauvaise nouvelle. Je ne vois pas si elle a des dents, elle parle dans le vide à une personne imaginaire qui se trouve face à elle. Qui cela pourrait-il bien être ? Son fils, sa fille, son mari, peut-être avait-elle une compagne ? Son air grave et en colère s'adoucit ; elle sourit et, surprise ! Elle a toutes ses dents, bien blanches de surcroît, et non ce n'est pas un dentier, la voir parler à cet être invisible est amusant et intriguant, cela attise ma curiosité : oserais-je aller le lui demander ? Je reste là encore quelques minutes à l'observer, imaginant mille et une histoires sur la vie de cette vieille inconnue. Et enfin je me décide à entrer pour récupérer la commande de ma mère : je ne saurai jamais à qui elle s'adressait, mais cela aura fait marcher mon imagination – cette femme inconnue restera à jamais dans mes souvenirs.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 17, 2016 ⏰

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