Are You The One ? ~ yoonmin [Tome 1]

Chapitre I

Je vis dans un monde différent du vôtre. Bien différent. Ici, la paix et l'amour règnent en maîtres. Nous ne connaissons pas les mots « guerres » ou « cruauté », « famine » ou encore « conflits ». Ou nous les connaissons juste parce que nous les avons appris à l'école. Ce qui permet de garder la paix est le mode de fonctionnement de notre société. Ici, tout est gratuit. Absolument tout. Mais l'état délimite en fonction du nombre des membres d'une famille et de ses revenus le nombre de produits dont nous avons besoin. Et si nous avons besoin de quelque chose en plus, nous devons faire une demande au gouvernement, qui jugera si oui ou non nous pouvons l'avoir. Nous avons également un seul président pour tous les pays, représenté par un ministre dans chaque pays du monde. Et il y a tellement d'autres choses... Mais ce n'est certainement pas le pire.

Dans notre société, quand arrive l'âge de notre majorité, nous devons participer à la Cérémonie de l'Âme soeur. Que nous soyons une fille ou un garçon, nous devons tous y passer. Qu'est-ce que c'est ? C'est la cérémonie qui nous permet de rencontrer l'amour de notre vie. Et après cette cérémonie, nous devons passer le reste de notre vie avec elle. Délirant, n'est-ce pas ? C'est comme la théorie de ce philosophe, Platon : les êtres humains, à l'origine, auraient été constitués de quatre bras, quatre jambes et d'une seule tête deux visages. Zeus, qui aurait craint leur pouvoir, les aurait coupé en deux, les condamnant à passer le reste de leur existence à rechercher la part manquante. Les dirigeants de notre société croient dur comme fer à ce truc-là. Et cette cérémonie nous permettrai de la retrouver. Bien sûr, moi, je n'ai jamais cru à ces conneries. Comment peut-on choisir notre compagnon pour nous ? Mais il n'y a jamais eu de plaintes ou de révoltes. Car tous ceux qui sont passés par la cérémonie on finit par s'aimer. Le divorce, ça n'existe pas. Donc j'ai fini par y croire, moi aussi.

Aujourd'hui, c'est le grand jour pour moi, et pour tout ceux qui sont nés la même année que moi. Et je suis anxieux. Je n'ai jamais autant stressé de toute ma vie.

- Tout va bien se passer mon chéri, je te le promet.

Ma mère me regarde avec un sourire réconfortant. Mais cela ne fait que développer mon angoisse.

- Mais si je ne lui plais pas ? S'il me dégoûte ? S'ils se trompaient de personne ?

- Ca n'est jamais arrivé, Jimin. Arrête d'inventer des choses.

Nous arrivons enfin devant l'énorme salle de concert. 80 000 places, je crois. Et tous ces gens qui vont me regarder... En plus des téléspectateurs derrière leurs écrans. Oui, la cérémonie est retransmise à la télévision. Pour que les adolescents suivants sachent comment ça se passe. Je vois des personnes de mon âge également avec leur famille, se diriger vers l'entrée. Mon futur mari ou ma future femme est là quelque part. Oui, je suis bisexuel. Le choix sera donc plus compliqué. Quelques jours avant la cérémonie, quelqu'un vient prendre l'empreinte de notre index et nous pose des questions sur nos orientations sexuelles, nos goûts physiques, musicaux, etc. On doit déballer toute notre vie à un inconnu. C'était super génial. J'en avais tellement marre que j'ai coupé court à la conversation en m'enfuyant dans ma chambre. Je n'aime pas parler de moi. Peut-être que je vais le regretter aujourd'hui.

Nous arrivons enfin à l'entrée. Et ma mère me prend dans ses bras. Je retiens doucement mes larmes. Je ne pourrais plus jamais la voir. Ou seulement le jour de mon mariage. Après, ça ne sera que vidéos Skype et appels téléphoniques. C'est ce que je déteste le plus dans cette cérémonie. L'oiseau doit quitter son nid, considéré comme un adulte. Mais j'ai toujours l'impression d'être un enfant.

- Je t'aime, mon chéri. Fais bien attention à toi.

Je sais qu'elle voudrait me dire plus, mais le temps nous rattrape. Je me détache d'elle et m'accroupit près de ma petite soeur, qui elle pleurait depuis longtemps.

- Mais c'est quoi, ces larmes de crocodiles ? lui demandais-je la gorge serrée.

- Je veux venir avec toi, Jiminou..

- Tu sais bien que ce n'est pas possible. Mais je t'enverrai des bisous tous les soirs, d'accord ?

Elle s'accroche à mon cou, et je la serre fort. Une larme glisse sur ma joue, mais j'essaie de retenir celles qui menacent de faire de même. Après quelques secondes, nous nous détachons, et je fixe un sourire sur mon visage. Je me dois de les rassurer toutes les deux. Je les vois s'éloigner vers les places réservées aux spectateurs. Je me retrouve dans l'immense salle, qui est déjà pleine à craquer. La fosse est divisée en deux. Un grand rideau rouge sépare les deux côtés. Pourquoi ? Pour ne pas qu'on découvre notre âme soeur avant. Je trouve une chaise vide et m'installe dessus. Il y a un brouhaha immense. Mes yeux regardent les autres jeunes adultes. Mon futur mari n'est pas là. Dommage, certains étaient plutôt pas mal. Une musique résonne soudainement dans l'immense pièce et tout le monde se tait. Une voix, la même que chaque année, nous explique comment va fonctionner la cérémonie. Mais je connais déjà tout. Les deux personnes appelées doivent se diriger vers la scène au centre, et le rideau du milieu se lève pour qu'ils se découvrent. C'est la partie la plus stressante. Rien que d'y penser, j'ai les mains moites. Toute ma vie, on m'a parlé de ce moment. Et enfin, j'y suis. Après cette journée, ma vie changera à jamais. Et nous avons été préparé pour ça. Durant toute notre enfance. Certains sont prêts depuis longtemps, comme mes amis par exemple. Ils ne veulent plus de papa maman sur les bras. Ils veulent vivre leur vie comme ils l'entendent. Et je les comprends. Mais moi, je suis loin d'être prêt. Avoir des responsabilités, être considéré comme adulte, tout gérer tout seul... C'est ma plus grande peur.

Des projecteurs s'allument au plafond. L'un d'eux se pose sur une jeune fille grande et blonde à cinquante mètres de moi. Elle vient d'être choisie. Dès que la lumière se pose sur vous, vous devez vous diriger vers la scène. Et c'est ce qu'elle fait. Une fois arrivée, elle pose son index sur l'écran qui se porte à sa droite. Je suppose que la personne de l'autre côté du rideau fait de même. Un son sec retentit dans la salle. Ce son confirme que les deux personnes sont faites pour être ensemble. Le long tissu rouge se lève alors. On peut voir leurs visages sur un écran géant. Le garçon devant elle est blond lui aussi, et est très joli à regarder. Ils vont très bien ensemble. Ils se prennent la main et s'éloignent sous les applaudissements de tous les spectateurs. Et ça dure comme ça pendant des heures. J'ai l'impression que je vais m'endormir sur ma chaise. Ma peur a disparu depuis longtemps, mais alors que mes yeux commencent à se fermer, une lumière m'aveugle. Je me fige aussitôt. Je vois les caméras se braquer sur moi. Je crois que c'est mon tour. Je me lève alors, et me dirige vers la scène à pas lents. Mon coeur ne cesse de battre la chamade. Mes jambes ne cessent de trembler. Ma respiration ne cesse de s'accélérer. Je gravis les marches et me pointe devant le petit écran. D'une main tremblotante, je pose mon index dessus. Tous ces yeux sur moi me donnent l'impression de défaillir. Je ne suis pas du tout à l'aise. Le petit son retentit. La personne de l'autre côté est faite pour être avec moi. Ca me rassure légèrement. Je lève la tête et vois le rideau monter. C'est le moment crucial. Je déglutis. J'ai vraiment peur qu'il ne me plaise pas. A ses chaussures, je remarque que c'est un garçon. Il n'est pas très musclé. Enfaite, il est plutôt mince. Mais son style vestimentaire est classe. Un pantalon noir, un tee-shirt blanc et un blouson en cuir. Et enfin, je découvre son visage. Et je dois dire que je m'attendais à absolument tout, sauf à ça. Il a la peau pâle, les yeux bridés, des lèvres fines, les cheveux bruns qui lui retombent sur le front. Il n'est pas laid, loin de là. Mais son physique me perturbe. Je le vois qui me dévisage aussi. Il fait un petit rictus en voyant mon expression. Je réalise que j'ai la bouche entrouverte. Je me ressaisis donc, et lui tends la main. Il la prend avec un petit sourire. Sa peau est très douce, mais surtout très froide. Nous sortons de la scène, et des gens nous dirigent vers l'extérieur de la salle. Je sais ce qui m'attend maintenant. Tout va changer.