Partons sans bruit

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An 1584

Ma tête pèse des kilos, j'ai les oreilles qui bourdonnent et les jambes en compote. Je sens encore les bourrasques de vents frapper mon corps de plein fouet bien qu'elles ont cessées. Emery, en bon leader, s'assure que personne n'est blessé, puis regarde autour de nous. Rien n'a changé. Il n'y a aucune trace du tremblement de terre ou encore des rafales de vent. C'est perturbant. Comme si nous avions tous halluciné le précédent phénomène. L'adrénaline conduisant mon corps plus que ma raison, j'empoigne mes amis et me dirige avec eux vers chez Viviane. Nous faisons à rebours le chemin que nous avions parcouru quelques instants plus tôt, courant à moitié, étant tous pressés de rentrer. Lorsque nous arrivons sur le terrain des Collins, je suis stupéfaite. Où est passée la demeure antique où réside Viviane ? Devant moi se dresse un château imposant et raffiné. Tout comme Emery et Viviane, je suis tout de même sûre que nous sommes au bon endroit; le vieil arbre millénaire, la petite colline, la grande plaine, tout est encore là. Sauf le manoir. Emery, ayant réussi à se remettre de sa stupeur, ouvre la bouche puis déclare:

-Nous devrions peut-être aller cogner... Nous aurons sûrement des réponses.

Je ne comprends pas comment il fait pour rester aussi calme ! Tout à changé autour de nous ou presque, je n'ai plus de signal avec mon téléphone cellulaire et on vient de se faire attaquer par un arbre, un tremblement de terre et le vent ! Je tremble de colère, je sens un tourbillon d'émotions affluer en moi, je sais ce que va arriver et pourtant...

-Oh bien sûr ! Pourquoi n'y avais-je pas pensé ? On va aller cogner à la porte du château et demander au roi pourquoi nous semblons nous être téléportés dans le passé où je-ne-sais-quoi ! Il n'y a pas de risque qu'il nous prenne pour des fous et qu'il nous enferme ! Et nous ne sommes pas des nobles ! Alors adieux les donjons ! Quelle merveille idée Emery ! Vraiment ! Allons y tout de suite !

Il me regarde estomaqué. Il ne devait vraiment pas s'attendre à ce que je pète une coche... Je le regarde avec un air désolé alors qu'il me demande très sérieusement si j'ai une meilleure idée. Viviane affirme qu'Emery possède sans doute notre meilleure solution pour le moment.

Bien que je nage encore dans une fureur profonde, non envers Emery et Viviane, mais envers la situation, je les suis tout de même. Nous marchons sur une petite route sinueuse en terre. Le château est titanesque. Ses tours de garde sont immenses et les meurtrières, parfaitement proportionnées. Le chemin de garde parcours tout l'ensemble de l'antique bâtisse. L'ensemble forme un réel chef-d'oeuvre architectural; je suis fortement impressionnée.

Arrivant sur le pont-levis, je regarde dans les douves. Pas de crocodiles, bien sûr. Nous ne sommes pas dans un conte pour enfants. Au moins, je peux rayer le monde imaginaire de la liste des lieux où nous pourrions nous trouver. Étant arrivés devant les immenses portes du château, nous nous consultons tous du regard une dernière fois, puis Emery, mon courageux Emery, frappe avec assurance. Une seconde passe. Puis deux. Puis trois. Une quatrième. Après soixante secondes environ, je décide de cogner à mon tour. Toujours pas de réponse. Viviane commence à s'impatienter également:

-Le château ne semble pas abandonné pourtant. Pourquoi personne ne vient répondre ?

Elle cogne violemment sur la porte, espérant visiblement de tout son cœur d'avoir une réponse.

J'entends des sabots marteler le sol avec puissance. Au loin, un chevalier approche avec prestance. Nous apercevant, il passe au galop.

Rendu à nos côtés, le chevalier descend de sa majestueuse monture et nous déclare:

- Je suis Sir Mykyel. Que vous amène chez mon bon roy chers gens ?

Déconcertés par son mode de parole, mes comparses et moi restons figés quelques instants, puis, je m'avance et déclare:

-Je suis Sky et voici mes compagnons Emery et Viviane. Nous nous sommes perdus et cherchions à obtenir quelques réponses sur l'endroit où nous sommes auprès de votre roy, preux chevalier.

Je n'aurais jamais cru que mes cours d'histoire du Moyen Âge ne seraient utiles à ce point.

- Peut-être pourrais-je vous aider à vous faire accorder une audience dans ce cas. Peut-être que si vous me révéliez votre rang, je pourrais vous aidez encore plus, gente dame.

Mon rang ? Je réfléchis à toute vitesse. Si je dis que nous sommes des paysans, nous serons dans la misère si nous devons obtenir de l'aide. Par contre, si je dis que nous sommes nobles, nous aurons des difficultés à expliquer pourquoi nous sommes si loin de notre royaume et surtout pourquoi ils ne connaissent pas notre seigneur... Je dis donc la première chose claire qui me vient en tête.

- Je suis dame Sky et voici le chevalier Emery ainsi que dame Viviane. Nous venons du royaume Contemporain.

Le royaume Contemporain ? Je manque vraiment d'imagination. Au moins, sir Mykyel semble accepter ma déclaration. Nous le suivons donc à l'intérieur du château.

J'entends Mykyel qui nous raconte des anecdotes qui se sont passées dans le château, mais je ne l'écoute que d'une oreille distraite, étant trop occupée à contempler les superbes toiles accrochées de part et d'autre du titanesque couloir dans lequel Mykyel  nous guide. Le mobilier est serti d'or et d'argent et les portes brillent de milles feux lorsque les rayons de soleil ardents frappent leur étincelante parure.

Nous nous arrêtons devant d'immenses portes en bois tientes en vert avec de raffinées moulures argentées. Je fige de stupeur devant une telle entrée. Je officiellement croire que nous sommes dans un autre monde, une autre époque; les portes représentent une oeuvre d'art en soi avec leurs motifs recherchés.

Sir Mykyel cogne trois petits coups sur les grandes portes, puis, les ouvre avec une élégance hors-pair. Il replace l'une de ses mèches blondes derrière son oreille et nous annonce que nous sommes arrivés dans l'aile royale.

Lorsque je passe de lui, Mykyel m'arrête d'un geste sec et me susurre à l'oreille:

-N'oubliez vos bonnes manières dame Sky. Appelez-le Monseigneur Xiam, attendez qu'il vous adresse la parole avant de ne prononcez ne serait-ce qu'un inoffensif petit son et surtout, inclinez vous devant sa grandeur et attendez que le seigneur Xiam vous exhorte de vous relever, sans quoi les conséquences pourraient être fâcheuses...

Je me raidis quelque peu, mais hoche la tête à l'écoute de ses paroles. Sir Mykyel semble bien gentil, mais maladivement protecteur envers son roi. Par contre, ces quelques rappels nous permettront de rester plus naturel dans cet univers qui n'est point le notre.

À peine n'ai-je mis un pied dans la gigantesque salle, que le luxe et la raffinerie de l'endroit me donnent des frissons. Je ne suis guère habituée à tout cela.

Ayant avancé quelque peu vers le seigneur Xiam, j'exécute une révérence, qui était fort jolie selon moi. J'ai pu observer Xiam quelques secondes et ce court laps de temps m'a suffis pour que je puisse que affirmer que Xiam est jeune, voir très jeune pour un roi. Je lui donnerais une vingtaine d'année tout au plus. Je peux également dire qu'il ressemble étrangement à Mykyel. Peut-être seraient-ils liés par le sang.

Je commence réellement à me demander si Viviane, Emery ou moi, a posé un geste offensant pour le roi, puisque celui-ci ne dit rien et ne fait rien. Puis, j'entends des bottes marteler le sol avec assurance et détermination. Du coin de l'oeil, je vois des souliers parfaitement cirés devant moi. Une voix confiante s'élève dans la salle et nous somme de nous relever, chose que mes comparses et moi nous empressons de faire.

-Élue du futur, reine des Viatortem, nous t'attendions.

Viatortem -en pause-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant