Chapitre 1

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LEILA

Je déteste l'hiver! Tout est gris, froid et triste. Je déteste ma ville ! Enfin j'adore Paris, mais je ne connais de Paris que la banlieue. J'habite à la Courneuve, c'est un bien trop joli nom pour une ville aussi pauvre et désœuvrée, ici rien n'est neuf ni ne ressemble à une cour. Je m'appelle Leila,  j'ai 17 ans je vis avec ma mère, ma sœur Sonia, mon frère Rayan et surtout mon tortionnaire de père qui ne connait qu'un seul moyen d'expression, la violence.
    Ma famille vit dans un petit appartement HLM, vétuste. Nous avons souvent du mal à boucler les fins de mois. Bien que papa travaille depuis peu dans une usine automobile, on ne roule pas sur l'or. Je fais de mon mieux pour aider: je bosse dans les marchés le week-end, propose de faire des ménages, de donner des cours après le lycée ou de faire du babysitting. Je gagne pas grand chose mais c'est toujours ça de pris.
        Je suis parfois tentée de garder cet argent pour moi. M'acheter quelques vêtements ne serait pas du luxe, je ne l'ai encore jamais fait, à presque 18 ans c'est un comble! Les rares fringues que je possède je les ai récupérées de ma grande sœur. C'est l'inconvénient d'être la cadette de la famille, je n'ai jamais rien reçu de neuf, que du seconde main, ce dont Sonia s'est lassée ou ce qu'il ne lui va plus. C'est pour faire des économies selon mon père. Difficile dans ces conditions d'être à la dernière mode, surtout que ma soeur fait deux tailles de plus que moi, alors même si mes talents de couturière me permettent de réajuster certaines pièces, je ne peux pas toujours échapper au ridicule.
        C'est pour cette raison que je suis le souffre douleur de quelques filles branchées du lycée. Mon look, mais aussi ma timidité maladive ont fait de moi une proie idéale et ce depuis des années.
Je suis consciente de ne pas être comme les autres, à la mode ou grande gueule et si il m'arrivait de l'oublier je peux compter sur ces pimbêches pour me le rappeler en m'humiliant. Je ne comprends pas quel plaisir on peut trouver à se moquer de quelqu'un qui ne vous a rien fait et passe le plus clair de son temps à raser les murs pour ne pas être repérée. Et j'avoue que je trouve injuste que personne autour ne réagisse, ni les autres élèves, ni les professeurs ni les surveillants. Mais bon... qu'est-ce que j'y peux? Alors au lieu de m'en rendre malade , je ravale mes larmes et ma fierté et essaye tant bien que mal de tous les ignorer, je vais de toute façon bientôt passer mon bac et dire adieu à cet enfer.
– LEILA! Qu'est-ce que tu veux pour ton anniversaire?
Ma sœur entre en trombe dans ma chambre et me chasse de mes pensées. Elle saute sur mon lit et semble excitée comme une puce. Sonia c'est à la fois ma sœur et ma meilleure amie, elle a 22 ans et est comme une seconde mère pour moi.
— Je ne sais pas! Peut-être un nouveau jean ou un cartable...vu que je commence la fac en octobre.
— Non t'es folle c'est trop! Il ne s'agit que de de ton 18eme anniversaire après tout! Tu devrais recevoir un paquet de mouchoirs c'est largement suffisant, ironise- t-elle devant mon manque d'exigence avant de me balancer un coussin en pleine tête.
— Ok ! Tu penses à quoi alors?
Le sourire malicieux qui fend son visage angélique m'indique qu'elle a déjà une idée bien précise.
— On pourrait aller faire un tour sur Paris, avec les copines, faire les boutiques et peut-être même sortir en boite!
— Mais t'es dingue ou quoi ? On ne peut même pas aller au bout de la rue sans se faire engueuler par papa ou Rayan.
— T'inquiètes j'ai un plan!
— Les filles venez m'aider à préparer le diner!
La voix de maman résonne soudain depuis la cuisine, Sonia et moi soupirons en même temps mais obéissons malgré tout.
Après avoir préparé le diner, je mets la table pendant que mon frère et mon père regardent la télé, ne considérant pas nécessaire de nous filer un coup de main. Je bous à l'intérieur mais ne dis rien, je me suis pris suffisamment de coups dans ma vie pour savoir qu'une femme doit fermer sa bouche et faire son boulot de femme qui consiste à servir les hommes.
— Venez manger c'est prêt, annonce maman.
Toute la famille s'installe autour de la table en silence. Je commence à servir mon père qui me tend son assiette. Au moment de l'attraper, mes doigts tremblent et l'assiette se brise parterre. Ce dernier rentre dans une rage folle et une seconde plus tard je sens une grande douleur sur ma joue.
— Mais tu ne peux pas faire attention! Tu sais combien ça coûte? On voit bien que ce n'est pas toi qui l'as payé! hurle-t'il comme si je venais de commettre la pire des infractions.
Je garde les yeux au sol trop effrayée pour affronter son regard noir. Mes lèvres tremblent et je m'agenouille afin de ramasser les morceaux.
— Je suis dé...désolée .
J'ose à peine parler et lutte pour empêcher mes larmes de couler , je sais à quel point ça l'enrage de me voir pleurer, comme il le répète souvent je suis une  faible et ne sais faire que ça «pleurnicher». J'entends ma mère se lever de sa chaise pour m'aider.
—Non! Laisse la faire c'est de ta faute si elle est bonne à rien tu fais tout pour elle!
      Je ravale mes sanglots me relève et ramène les débris à la poubelle. Au moment de me rassoir mon père me dit:
—Tu sais maintenant que tu vas avoir 18 ans, tu devrais trouver un vrai boulot pour te rendre utile! Comme ça si tu casses quelque chose au moins tu peux le remplacer!
Je le regarde, en essayant de ne pas pleurer, et répond d'une voix mal assurée :
—Et la fac?!J'ai des bonnes notes, et je voudrais faire des études pour ...
Il m'interrompt en tapant du poing sur la table, me faisant sursauter au passage. Pourvu qu'il ne me frappe pas à nouveau.
— Je ne suis pas là pour tous vous nourrir jusque la fin des temps! Trouve un boulot pour aider ta famille au lieu d'aller à la fac! Ça ne sert à rien les études! Je ne connais aucun abruti assez bête pour embaucher une empotée comme toi même avec des diplômes?
Il quitte violemment la pièce, me laissant et le reste de la famille finir le diner dans un silence tendu.
       De retour dans ma chambre, je me glisse dans mon lit et rejoue la scène de ce soir dans ma tête. Les larmes menacent de refaire surface quand je touche ma joue et sens la douleur causée par sa brutalité. Pourquoi mon père est-t'il si violent? Pourquoi ne m'aime-t'il pas ni ne me protège comme les pères de mes camarades de classe? Maintenant il exige de moi que je trouve un travail. Je soupire désespérée...Bon il faut que je me ressaisisse! Après tout ça peut être une bonne chose, au moins je pourrais m'acheter des trucs de temps en temps, sortir de cet appartement, soigner mon look et aider maman.....

J'espère juste qu'il ne m'empêchera pas de faire mes études.

L'initiation ( Sous contrat d'édition ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant