Florence

98 6 1
                                    




-Réveille, grosse patate! On est arrivés!

J'ouvre brusquement les yeux. Mon cher frère jumeau me réveille pendant que je fais des rêves magnifiques! Je remarque plusieurs objets tombés par terre: ma boîte à maquillage, mon téléphone avec mes écouteurs emmêlés (comme toujours), puis, je sens une drôle de chose me coller les cheveux.

-Ahhh! Félix, t'es vraiment pas drôle!, lui fais-je remarquer en enlevant une substance verte qui ressemble à de la morve.

Il ricane en essayant de l'enlever de mes mains, sans succès.

-Pouvez-vous arrêtez de vous chamailler pour une seconde?, lance ma mère, lisant un livre intitulé : Les meilleures amies.

Le titre me fait penser à Cassandre, ma meilleure amie. Elle me manque tellement! Pourquoi je dois aller me battre avec des moustiques tandis qu'elle sirote sûrement une limonade rose proche de sa piscine creusée!

ARGH!!!! Le vieux camion de mon père s'arrête enfin devant un terrain. Nous sortons tous de la voiture et j'admire le paysage. Ou plutôt, je le regarde: une scène brunâtre et quelques arbres nus.

-Maman, je vais explorer le voisinage!

Je commence à marcher lorsque je reçois du poids sur les épaules qui me fait vaciller. Je virevolte pour faire face à rien d'autre que mon stupide de frère et sa face de tomate. Il se met à glousser comme un dindon. Puis, sans crier gare, il attrape mon bras et me traîne vers un terrain luxueux :un beau chalet avec une piscine extérieure et, un buffet à volonté! Rien qu'à y penser, je m'imagine boire de la boisson gazeuse et une poutine. Miam!!!!

-Alors, c'est ça que tu voulais me montrer? Du luxe en camping?

Mon attention se porte soudain sur une forêt sombre et inquiétante juste située à côté du chalet.  Mon pouls s'accélère et mon coeur bat fort comme un tambour. Je fixe Félix, comme s'il allait me raconter une histoire.

-On raconte que cette forêt est hantée par des esprits datant de 1921, révèle-t-il en prenant une voix grave et sinistre.

Un frisson me parcourt l'échine. Est-ce que mon frère est sérieux?

-Je te défie d'y aller!, s'exclame-t-il en me pointant du doigt.

QUOI? Je secoue la tête de gauche à droite comme si elle allait tomber de mon cou. Cette forêt semble sortie tout droit d'un film d'horreur. Toutefois, si je n'y vais pas, la créature dégoûtante que j'appelle mon frère va me traiter de poule mouillée jusqu'à ce qu'on soit morts. Il me connaît, j'ai peur de tout. Comme l'année passée. Nous étions au zoo, et il m'a dit qu'il y avait un trou dans la cage des serpents. Je suis restée cachée aux toilettes jusqu'au moment où il fallait partir. Alors, mieux vaut affronter ses peurs, comme ma mère le dit si bien.

-Ok! J'y vais!

Je pars en marchant d'un pas assuré vers le sentier lugubre de la forêt. Félix m'observe, abasourdi que j'aie accepté. Au bout de quelques minutes de 'randonnée' pédestre, je ne vois plus son visage moqueur et ses taches de rousseurs ridicules. Je continue à marcher environ trente minutes, avant de m'arrêter net. Je tournoie sur moi-même, entourée d'arbres effrayants. Suis-je perdue? Je n'ai même pas remarqué le soleil couchant. Le ciel est maintenant obscur. Oh non! Mes parents! Ils vont probablement s'apercevoir de mon absence et ils vont venir me chercher. Maintenant, je dois survivre pendant qu'ils doivent sûrement appeler du renfort. Et mon frère? Il doit être content de ne plus me voir.

Bon, je dois garder mon sang-froid et me mettre au travail. Je trouve plusieurs branches de bois pour allumer un feu. Quand on porte un chandail très léger et un short en denim, je crois que c'est une grosse urgence! Soudainement, j'entends une voix humaine:

-Allô? Quelqu'un est là?

Je ne sais pas ce qu'il me prend, mais j'empoigne une branche plutôt pointue et la pointe en direction du bruit. J'aperçois un visage égratigné et des cheveux sombres ébouriffés. C'est un garçon! Mon inquiétude se transforme soudain en stupéfaction puis je laisse tomber mon arme sur le sol. Il me regarde, éberlué.

-Qui es-tu?

-J-je su-suis Flo-Florence, je suis perdue. E-et toi?, lui dis-je en bégayant.

Mes mains tremblent et j'ai une grosse boule dans la gorge.

Il me répond, un peu nerveux:

-Nathan. Je vis ici depuis des années.

Il vit dans la forêt, comme Mowgli? Pauvre lui, il doit sûrement vivre dans des arbres et manger des baies tous les jours. Je continue mon travail sans lui prêter attention. Le survivant se met à construire un abri pour la nuit. Je n'ai même pas commencé le feu qu'il a déjà fini sa petite maison de bois! Il s'approche de moi et commence à frictionner des petits bâtons. En moins de deux secondes, une flamme prend vie et le feu s'éclaire petit à petit.

-Tu viens d'où?, demande Nathan en frottant ses mains devant le feu.

-D'Europe. J'ai déménagé au Québec.

Il me sourit tendrement. Peut-être que les garçons ne sont pas tous stupides. Mowgli junior me réchauffe en me donnant sa veste. Il est très gentil. J'étais habituée à voir des garçons se fouiller dans le nez ou faire des bruits de pets avec leurs aisselles à l'école. Mais lui, il semble sorti tout droit d'un film d'aventure.

-Et toi, d'où viens-tu?, dis-je, curieuse.

-Je ne sais pas, bredouille-t-il. Je crois que mes parents m'ont abandonné ici.

Je commence à avoir pitié de lui. Que fait-il à longueur de journée?

En moins d'une heure, nous sommes devenus amis. J'ai appris qu'il a presque 12 ans comme moi, qu'il n'a jamais goûté la poutine (quoi?), et que les forêts n'ont plus de secrets pour lui. Ça me soulage de survivre dans la forêt avec un professionnel! Nous nous mettons à manger et ensuite, à dormir dans la cabane.

Subitement, une sirène retentit dans mes oreilles. Une sirène de police! Je suis sauvée! Je me lève tranquillement, tandis que Nathan se lève brusquement. Il me porte dans ses bras jusqu'à l'entrée de la forêt. Mes paupières sont lourdes. Il savait comment en sortir mais il ne m'a rien dit? Était-ce pour passer plus de temps avec moi....

-Ma petite fille!, crie une douce voix familière.

Elle me câline, puis m'embrasse sur le front. C'est ma mère!

-Maman! Comment savais-tu que j'étais ici?

-Ton frère m'a tout expliqué. Il s'était inquiété quand tu étais disparue.

Celui-ci sort d'une des voitures de police, la tête basse.

-Je m'excuse. C'était très stupide de ma part.

Ma mère m'explique que, comme punition, il devra faire la vaisselle et il fera son possible pour ne pas me jouer des tours.

L'officier de police s'avance vers nous. Il nous explique que j'aurais pu avoir été attaquée par des loups. Imagine!

-Au fait, mademoiselle, si vous étiez perdue, comment vous avez fait pour retrouver l'entrée?

Nathan! Mais ils ne vont pas croire qu'il y a un Mowgli junior dans la forêt.

-Je ne sais pas. J'ai juste deviné. Vous pouvez partir. Je vais vous rejoindre, dis-je avec un sourire convaincant.

Ils partent, et je me retourne pour remercier Nathan, qui est sûrement en train de m'observer.

Mais il a disparu, retourné dans la forêt.

FIN

FlorenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant