Emilie: Comme dans un rêve

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Jour J. Je suis dans une loge. Ma loge. Ça y est ! Je suis assise sur une chaise en plastique devant un miroir. Il y a des feuilles éparses sur la tablette devant moi. Des chansons à nous et des reprises aussi. Nous avons répété mais je ne me sens pas prête.

La porte s'ouvre en grinçant légèrement. Je lève les yeux et sursaute brusquement. On dirait une folle. Elle, d'ordinaire si apprêtée, est complètement décoiffée. Son visage affiche une expression hagarde.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

Luna, car c'est elle, avance dans la pièce et semble de plus en plus menaçante. Mais qu'est-ce qui lui arrive ? Aucun mot ne sort de sa bouche quand elle vient se positionner derrière mon siège. J'avale péniblement ma salive. Une scène macabre de Black Swan me revient en mémoire.

Elle pose ses mains sur mes épaules et ses doigts trouvent leur chemin jusqu'à mon cou. Bon sang ! Elle me maintient fermement sur mon siège.

-Neil est à moi. Je sais qu'il s'est excusé au téléphone mais il est juste poli. Tu n'es rien pour lu i! Tu es sa bonne action du moment.

Et derrière elle, toutes ces voix ! D'où sortent-elles ? Je veux me boucher les oreilles car elles hurlent toutes en même temps.

« Tu es moche Emilie! Ta mère est trop malade pour te laver tes robes ? Mais tu ne pourras pas chanter comme ça ! »

Je hurle, je leur demande d'arrêter mais elles n'arrêtent pas alors je hurle encore sans pouvoir me calmer.

-Mais tu es folle, Emilie ! Crie Luna.

Elle me balance contre la vitre qui cède dans un affreux grincement.

-Emilie ! ÉMILIE !

Je me relève brutalement. Devant moi le miroir et les garçons qui me regardent, inquièts. Le miroir est entier. Pas de Luna à l'horizon. J'étouffe un bâillement. Ils viennent de me réveiller, en fait. Je laisse échapper un long soupir. Ce genre de cauchemar vous laisse un goût amer dans la bouche et celui-ci n'y fait pas exception.

-Emilie, ça va ? Demande Gabe, inquiet.

J'essaie de produire un sourire rassurant.

-Oui, j'ai fait un drôle de rêve. Sûrement le stress pré-concert ! Ça va aller !

Il fronce les sourcils et veut dire quelque chose quand Darren nous interrompt.

-Elle a raison ! Ce n'est pas parce que la folle l'a agressée, qu'elle est traumatisée ! Venez, ils commencent les balances !

Sauvée. Nous partons vers la salle. En arrivant, je m'arrête net. Neil est occupé à sortir quelques sons de sa guitare et j'ai la chair de poule. Ses cheveux noirs sont en bataille, ses longs doigts parcourent sa guitare d'un geste sûr et parfaitement rythmé. Avec ses dents, il a pris son piercing en bouche, il a tout d'un ange déchu du rock.

Je suis la petite voiture rouge devant son idole des circuits dans Cars ! Reprends-toi Emi, il s'agit juste du fameux fantasme du chanteur.

-Il ne peut pas s'empêcher de faire craquer les filles !

Une petite noirette a surgi à côté de moi et me regarde gentiment. Je reconnais la sœur de Monsieur Ours.

-Evidemment ! Ceci dit vu la copine qu'il se paie, j'aime autant me la jouer discrète, tu comprends ?

Je lui fais un clin d'œil. Elle se met à rire et me tend la main. Elle est très jolie. Quelle famille ! Elle partage avec son frère la finesse de ses traits mais, au contraire de lui, elle a de magnifiques yeux bleus bordés de longs cils soyeux. Et puis elle a l'air plus abordable aussi ! Plus joyeuse quoi qu'un peu réservée.

-Meghan Sanders !

-Emilie Vanderbeek.

-Je te remets maintenan t! Dommage que tu ne lui en aies pas rendue sa gifle au restaurant!

Nous nous mettons à rire. Cela fait du bien de rire de mon humiliation. Mais tout à coup, elle s'arrête et me prend la main.

-Tu sais, elle se trompe. Neil nous parle avec beaucoup de respect de toi.

Je détourne brièvement la tête pour ne pas trahir l'émotion qui m'envahit à l'écoute de ses mots.

-Salut beauté !

Darren, la discrétion personnifiée, vient vers nous un sourire séducteur aux lèvres. Je ris, sacré Darren !

-Darren MacYntre !

Il serre la main de Meghan . Je la présente à Darren en n'omettant pas de préciser le lien de famille qui l'unit à Neil.

Darren s'assombrit et Meghan rougit. Euh, pourquoi ? Il n'est pas mal mais c'est Darren, quoi !

Nous nous installons sur les gradins et écoutons les P.O.Y. Ils répètent quelques chansons en se lançant quelques blagues. C'est un vrai plaisir de les côtoyer. Jim, responsable et posé, est une vraie mine de conseils. Il nous a bien soutenus ces dernières semaines.

Alors que depuis son coup de fil, Neil est redevenu taciturne, Lorenzo et Jim ont essayé de beaucoup nous entourer. Ils nous ont notamment guidés dans le boulot d'un groupe en tournée. Oui, il y a les répétitions et les concerts mais pas que cela ! C'est terriblement excitant !

Après eux, c'est à nous de faire quelques essais. J'ai envie de vomir...

-Emilie, souri s! Me crie Jim d'en bas. Lorenzo fait des grimaces pour essayer de me dérider. Mais peine perdue. Je regarde mes gars et je vois que ce n'est pas la gloire non plus. Ethan parle encore moins, Gabe est vert et Darren se trompe sans arrêt. Ouille !

La suite de la journée se déroule dans un flou total. Je ne suis plus accessible, là.

L'heure H approche. Nous entendons les gens entrer dans la salle. Un brouhaha se fait rapidement entendre. Quelques exclamations d'excitation mais très raisonnables.

Jim et Lorenzo nous ont rejoint dans la loge ainsi que leur agent. Il y a un monde fou dans les coulisses. Tout est parfaitement orchestré, chacun connait son rôle.

Meghan est parti rejoindre son siège en carré d'or après nous avoir envoyé plein de pouces.

C'est le moment.

Les garçons montent sur scène.

Je ferme très fort les paupières et puis m'élance.

La lumière m'aveugle, à mes pieds un océan de visages. Qui ont d'abord râlés en se rendant compte qu'il y avait une première partie. Chouette, ça commence bien.

-Bonsoir à vous! Nous sommes les Fireflies et nous avons la mission de vous échauffer avant la venue des P.O.Y.

S'ensuit un pugilat. Nous ne sommes pas bons mais alors pas bons du tout. Et le public ne réagit même pas. Ni en bien ni en mal. Je me sens seule face au micro, face aux gens.

Même notre reprise de Muse "Assassin" rencontre un applaudissement poli. Elle est importante pour nous car c'est "notre" chanson. Apparemment, cela ne les inspire pas.

En fait, moi non plus, je ne me sens pas inspirée. Je suis une coquille vide.

Fini. Re-applaudissements polis.

Une voix off annonce l'arrivée de P.O.Y.,dans une demi-heure, le temps de changer les instruments.

Nous sortons de scène avec des pieds de plomb.

Neil est là. Je veux passer devant lui mais il m'attrape par le poignet.

-Où est passée Pimprenelle? Là sur scène, je ne l'ai pas vue !

Nous nous affrontons du regard.

Le sien est ardent, sa poigne laisse une trace sur ma peau. Je me détache de lui.

Les garçons m'attendent.

-On s'en va sans eux, ils comprendront !

Nous montons dans la voiture de Gabe pour aller s'enfiler des shots!

Un foutu cauchemar !

C


Dans les yeux d'Emilie( en réecriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant