Phase I Départ

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       L'être humain est complexe. Toujours en quête de lui, il passe son existence à errer au gré d'expériences et de rencontres. Qu'elles soient belles, qu'elles le soient moins, il continue à errer en quête de lui-même.

Parfois, une chance inouïe se présente et il rencontre une personne, la personne. Celle-là même qui changera le cours de son existence, celle qui le fera se sentir vivant, celle qui deviendra un moteur, celle qui marquera à jamais et qui restera et sera présente par son absence.

Lui, on ne le présente plus, il est issu d'une longue lignée ancestrale. Une personne particulière et simple à la fois, un être, humain, volontaire, charismatique, profond, investit de prodigieuses valeurs. Un homme bon, qui a passé son existence entière à se sacrifier pour d'autres.

Elle, vous commencez à la cerner un peu mieux aussi, petite européenne sans mystère particulier. Quelqu'un de sensible et d'authentique, curieuse, joyeuse, plaisante et valeureuse. Toujours prête à agir et à croquer la vie à pleines dents. Amoureuse de la vie et des êtres qui l'habite.

Pour ces deux-là, pratiquement aucune chance de ne jamais se rencontrer. Et pourtant...

Parti d'une banale rencontre, quelque chose est né, une connexion s'est rétablie. Depuis combien de temps ces deux-là étaient-ils destinés à se retrouver?

Cette après-midi-là, une après-midi de juillet comme toutes les autres, alors qu'une chaleur pesante gonflait l'atmosphère, qu'une moiteur prégnante laissait présager un orage prochain, elle traversa la place inondée de gens pour se diriger vers son destin.

Le soleil dardait de ses rayons lumineux et brûlait sur les peaux déjà dorées.

Elle se rapprocha de ce kiosque où il l'attendait appuyé légèrement, posé sur le rebord, un livre à la main.

Elle le vit, de profil, émanant tel un fantôme dans cette lumière si vive. Il se tourna légèrement sur sa droite et la vit. Il se déplaça, s'avança vers elle et la pris dans ses bras.

Il ne la connaissait pratiquement pas, encore que, à travers tous ces échanges virtuels, tous ces partages, toutes ses connexions, il la savait par cœur. Il l'étreignit comme il le fera à chaque fois par la suite. Comme un besoin irrépressible d'un contact subtil et vital, comme une réminiscence d'un lointain passé commun.

Il lui tendit le livre en cadeau et lui proposa de marcher un peu. Dans le livre, il avait glissé ce rameau d'olivier, celui dont j'ai déjà parlé et qui représente un des symboles les plus forts et les plus importants pour lui. Il l'avait placé là, pour elle, sachant, au plus profond de son cœur, qu'elle en comprendrait le sens et l'accueillerait comme le présent le plus important et le plus magique de son existence. Un présent qui représentait le partage ultime de l'essence même de ce qu'il était. Il ne s'était évidemment pas trompé le marabout, il avait ressentît, cette petite sorcière, avec une telle acuité. Je pense qu'il l'avait matérialisée bien avant même de savoir qu'elle existait. Il l'avait pressentie et reconnue et savait ce qu'il faisait cette après-midi-là lorsqu'il lui offrit ce cadeau.

Le bonheur qu'ils dégageaient aurait pu se ressentir à des kilomètres à la ronde pour quiconque aurait été attentif, mais noyé dans cette foule ils n'étaient que deux âmes de plus à fouler ce sol qui en avait vu tant d'autres passer avant eux.

La promenade se poursuivit durant plusieurs heures sans qu'aucun des deux ne le réalise si ce n'est par l'arrivée de gros nuages noirs menaçant le ciel et amenant l'orage pressentit plutôt. Le ciel était sombre, le tonnerre grondait mais rien ne semblait assombrir leur horizon à ces deux-là, pas même la pluie battante qui s'en suivi. On aurait pu croire que le monde avait disparu et qu'il n'existait plus qu'eux.

Ils s'étaient abrités sous les arbres mais la pluie continuait de plus belle. Serrer l'un contre l'autre, ils finirent par unir leurs corps et fondre dans cette intimité que l'on ne vit peut-être qu'une fois dans sa vie, une étreinte telle, qu'elle ne peut-être que spirituelle.

Ils finirent finalement par retrouver un semblant de civilisation quand, après avoir quitté le parc où ils se promenaient depuis un long moment, ils arrivèrent en ville.

Transit de froid, complètement trempé, ils entrèrent dans un bar et prirent un verre, tous les deux blottis sous un plaid aimablement offert par la serveuse, ils tentèrent de se réchauffer et de sécher.

Ils étaient tellement trempés qu'il est évident que la serveuse avait eu un peu pitié d'eux. Elle avait les cheveux aussi emmêlés que lorsque l'on sort de la douche ou de la piscine, leurs vêtements étaient complètement mouillés et cela pris des heures à sécher. En effet, l'orage était tellement fort, la pluie tombait si dru qu'il aurait été impossible de sortir plus de quelques secondes sans être complètement trempé.

Le temps passait et passait et passait encore... Ce temps qui leur fit tant défaut et qui leur ferait toujours défaut. La pluie ne cessait de tomber et la faim commençait à tirailler leurs estomacs. Il fallait manger, il fallait trouver le moyen et ce moyen était de sortir à nouveau, de se tremper à nouveau et de courir et courir pour rejoindre ce restaurant népalais qu'ils convoitaient tous les deux.

C'est avec bonheur et joie qu'ils se mirent en mouvement. Et courant comme des adolescents, ils finirent par arriver. Il était si tard, pas loin de 23h, quand ils entrèrent et demandèrent s'ils pouvaient encore se faire servir un repas chaud.

Le restaurateur, un népalais, installé chez nous depuis peu d'années, avec toute la gentillesse que l'on associe à ces gens-là, leur montra une table et leur proposa de s'installer. A nouveau complètement trempés, ils s'installèrent, choisirent un plat et commandèrent du vin.

C'est peu de temps après qu'ils purent goûter à ces plats si parfumés et épicés et qui, directement, leur réchauffa le corps et l'âme.

Tout, autour d'eux était calme, ils ne restaient plus qu'eux dans ce restaurant et un pauvre bougre s'endormant sur son siège, derrière son bar, épuisé par une si longue journée de travail.

Après s'être rassasiés, ils quittèrent le lieu, heureux et ravis de ces retrouvailles si particulières.

Pensant que la soirée s'arrêterait là, ils se dirigèrent vers le parking où ils avaient, respectivement, laissé leurs voitures.

La force de leur rencontre était telle qu'ils finirent par se suivre et rentrer ensemble. Il leur était impossible de se séparer. Cette première si belle rencontre se termina au bout de la nuit, dans l'étreinte tant attendue et si fusionnelle qu'elle en était devenue vitale. Une relation intense et protectrice venait de naître et personne ne savait encore ce que cela entraînerait.

Une chose est certaine, cela a et cela changera le cours de leur vie à jamais.


La sorcière et le maraboutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant