Chapitre 2 : Les héros n'existent pas

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- Tu as fait quoi ? Demanda le vieux Cicéro en fixant le vide de ses yeux aveugles.

- C'était un accident, dit Jérôme avec une voix plaintive et saccadée. Je vous en prie, Cicéro, il faut que vous m'aidiez. Tout est dans la caravane... j'ai paniqué ! Je n'ai pas fait exprès, vous savez, avec tout ce qui se passait... ma mère n'était pas une sainte...

Le jeune homme fit semblant de verser quelques larmes.

- Ta mère était loin d'être une sainte ! Mais ton crime n'était pas une solution... dit-il à voix plus basse.

Ce qu'avait fait Jérôme le répugnait, incontestablement. Mais ce jeune homme avait une excuse, une impitoyable excuse. Il finirait par regretter ses paroles, et celle du garçon.

- Vous n'allez pas me dénoncer ? Supplia Jérôme, toujours aussi théâtrale. Je vous le jure, je regrette, j'ai peur !

- Non, je ne vais pas te dénoncer, Jérôme. Mais ce que tu as fait est impardonnable. Bon très bien...

Cicéro semblait obligé de faire ce qu'il s'apprêtait à faire. Son acte n'était pas spontané, loin de là, mais c'est une autre force qui le poussait à agir ainsi : celle du secret.

- Ce soir, lorsque tout le monde sera à l'entraînement, avant l'ouverture du cirque, nous cacherons le corps de ta mère. Et pour la hache... tu feras graver les lettres d'un gang satanique : le Hellfire Club, il sévissait il y a encore pas très longtemps dans la région... tu t'en débarrasseras dans un endroit reculé de Gotham, tu as compris ?

Jérôme hocha la tête, en balbutiant quelques mots, que Cicéro interpréta comme un « oui ».

- Sors maintenant, et viens me chercher seulement vers dix-huit heures. Va te débarrasser de la hache tout de suite.

Jérôme ne se fit pas prier, et sortit immédiatement de la caravane du vieil homme. Il avait tout gobé, l'imbécile ! C'était si facile.Tuer était facile, mourir était facile, mentir encore plus. Jérôme éprouvait une satisfaction personnelle qu'il n'aurait jamais pu croire possible. Toutes ces nuits à imaginer comment s'affranchir d'un être aussi détestable que sa mère, et enfin réaliser le fantasme d'une vie. Une courte vie, certes, mais dix-huit ans, ça se fêtait. Et comment les fêter plus dignement qu'en s'affirmant comme un homme libre !

- Me revoilà, maman ! Oups, j'oubliais...

Riant,il avança en faisant quelques élégants pas de danse. Il attrapa la hache, retira le sang dessus. Il s'en alla rapidement, la fourrant dans son manteau et prit la direction de la ville. Personne ne lui parlait, et il ne parlait à personne. La solitude a de grands avantages. Faire marquer une hache du saut des Hellfire n'était pas difficile dans une ville telle que Gotham, qui regorge de criminels.La seule chose dont il avait besoin, c'était de l'argent. Ce qu'il avait prévu - et en grande quantité. Et rien de plus simple que de trouver un endroit abandonné et délabré : le Pont d'Arkham était l'endroit parfait. Il y avait une rivière dessous, sale et nauséabonde, et bon nombre de SDF étaient habitués des lieux.

Se débarrasser d'un objet encombrant n'aurait jamais pu être aussi accessible. Jérôme regarda la hache tomber dans le vide, jusqu'à ce qu'elle s'abatte sur le sol. Il ajusta sa capuche sur sa tête, et s'en alla sans attendre plus longtemps. Un taxi le ramena jusqu'au cirque. Tout faire lui avait presque prit la totalité de l'après-midi. Mais lorsqu'on est libre, qu'importe le temps.Dix-sept heures, et déjà les chemins du cirque étaient presque vides de monde. On pouvait entendre des rires ou des exclamations provenant du chapiteau en pleine euphorie, comme chaque soir. Les clients ne tarderaient pas à arriver pour le grand spectacle. Jérôme n'avait pas de numéro ce soir, ce qui tombait bien, finalement. Tout semblait être dès lors en sa faveur. Même Cicéro ne changeait pas d'avis.

Le Temps de la Nuit (Jerome Valeska) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant