Chapitre 3: Partie 1

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Bonne Lecture ~♡

Cette phrase lâchée sans préambule, eut le don de me faire planter un instant. Sous la forme d'un conseill, le compliment était tout de même décelable et c'est en ironisant que je lâche un "c'est au programme".  

Puis je remarque que Tobias fait une drôle de tête, un de ses sourcils s'arque. 

- Foster, commença-t-il doucement en cherchant ses mots, désolé si cela peut paraître indiscret mais tes parents seraient-il en train de faire faillite ? interrogea-il contrit.

La question me laissa muette le temps de comprendre ce qu'il venait de dire.

- Et qu'est-ce qui te fait dire cela ? je lui retourne totalement désamorcée par sa question soudaine.

- Et bien, ta tentative de suicide, Brittany qui passe de ta meilleure amie à un tyrannosaure-Rex, ton comportement qui semble être changé du tout au tout, et pour finir ta garde robe qui passe de grandes marques pompeuses à un style bien plus soft, énumère-t-il.

- Bon résumé des derniers jours, soufflais-je tendue à l'extrême. Mais mes parents sont toujours aussi pleins aux as, il se trouve juste que mes tentatives de suicides ont changé ma vie du tout au tout... pour le meilleur et pour le pire, j'articule solennelle attrapant de nouveau les bords de la table.

Avais-je l'air pitoyable? Je n'imaginais pas quelle image je renvoyais, c'était clairement très rabaissant, mais je devais m'y faire. Après tout j'étais au point de non retour.  Maintenant il fallait juste que j'affronte les conséquences de mes actes.

- Je vois, écourte-t-il saisissant l'occasion que je lui tendais pour clore le sujet.

Nous allons jusqu'à la classe en portant le fardeau et une fois devant, je toque et ouvre la porte. Notre professeur de Mathématiques nous fixe et regarde finalement la table, je le vois froncer les sourcils.

- Bonjour, excusez-nous, j'ai eu un petit problème avec ma table qui est apparemment hantée et se balade dans la nuit dans l'enceinte de l'établissement,  j'affirme la plus sérieuse au monde.

- Rentrez, vous êtes en retard alors faites vite, avertit le professeur sans prêter attention à ma blague.

Je me tourne vers Tobias qui se retient manifestement de rire et nous ramenons tant bien que mal ma table à sa place avant qu'il aille s'asseoir et que j'en fasse de même. Je constate en grimaçant que Brittany n'est pas à sa place et qu'on me jette des drôles de regards.

Je vois sa table avec mon gribouillis dessus et bien que je sache que j'aurais tout le temps de déplorer mes actes pour cela aussi, je ne regrette pas de l'avoir profané. Pourtant je me doute que tout le monde me prends pour une aliénée et qu'ils doivent tous croire que j'ai brutalisé la "pauvre Brittany". 

N'y prêtant pas attention un instant de plus, je me concentre sur le cours. Mais malgré tous mes efforts, je sens qu'on ne me lâche pas du regard... A la fin, totalement sous tension, je range mes affaires précipitamment et  sors de la classe, je passe le portail de sortie, traverse le passage piéton, et rentre dans le refuge. 

Un souffle s'échappe d'entre mes lèvres et je lève les yeux de mes chaussures pour regarder en face de moi. John plisse les yeux, il lit son journal, toujours au comptoir un café fumant à sa place habituelle.

Je vois Guss, un berger allemand allongé sur le dos sur un bout de moquette rond aux pieds de John, et je constate à quel point les animaux sont confiants ici. Un peu comme moi, admis-je.

- Tu rentres toujours comme une voleuse, geinit-il le regard toujours plongé dans son journal.

- Désolée, m'excusai-je en pensant à quel point je me sentais à ma place ici. 

-Tu as choisi la couleur que tu voulais pour la façade ?

- Taupe et à l'intérieur olive très clair, je vais acheter la peinture dans deux minutes, prévois-je en posant mon sac près du comptoir.

Je profite un bref instant du calme régnant dans l'enceinte de l'abri et dois me résoudre à acheter la peinture.

- Tu veux quelque chose de particulier ce midi? J'interroge.

- Que tu arrêtes de rentrer comme une dératée, continue-t-il radotant comme un petit pépé. 

- Ce sera des pâtes dans ce cas là, je clame en me retournant, avec beaucoup de fromage.

Je sors et entends John marmonner « bonne idée », celui-là alors Il bougonne à n'en plus finir, mais n'est en réalité pas contrarié pour un sous. Comme si le fait de se montrer coopératif risquait de changer la phase du monde !

Je mets mon sac sur mes deux épaules et me décide à aller au magasin de bricolage à deux pâtés de maison. Je marche la tête baissée, espérant ne pas croiser qui que ce soit du lycée. Bien que je sache que les répercutions ne risquent pas de m'arriver tout de suite dans le visage, je n'arrive pas à être rationnelle.

Je repense au jour où les garçons du club de lutte ont frappé Tobias et me dit que lui qui n'a jamais répondu aux provocations s'est sacrément fait allumé, donc je n'arrive pas à m'imaginer la disproportion que va prendre la situation... 

Je passe dans les petites ruelles en me disant qu'une fois que j'aurais fait du petit havre, la parfaite bâtisse, tous les bobos qui voudront d'adorables puppies viendront dans le coin !

Je pense un instant à mon premier et dernier animal de compagnie, qui était un cochon dinde très sauvageon. Ma mère qui le trouvait absolument idiot et « boudiné » m'a un jour étrangement avoué que bouboule était parti en vacances au Costa Rica. 

Je la suspecte d'avoir juste ramené bouboule à l'animalerie parce que ce pauvre rongeur était un peu trop en chaire et pas vraiment futfut. N'empêche que bouboule restera à jamais dans mon coeur.

J'arrive finalement devant le magasin, dans les rayons, j'attrape un cadie et y mets trois pots de peinture assez costauds, puis des pinceaux et un de ces bidules pour décoller la peinture. Je me dirige à l'unique caisse du magasin, paie et chargée comme un âne, je décide de déposer mes fardeaux au refuge avant d'acheter le repas.

- Foster ?perçois-je dans le brouaha de la ville.

Je me tourne et vois de nouveau Tobias. Les cheveux toujours dans le visage.

- Qu'est-ce que tu fais ici? demandai-je étonnée de le croiser pour la deuxième fois de la journée.

- Je retourne chez moi et toi ? Qu'est-ce que c'est que tout cela? me demande-t-il à son tour en faisant signe du menton les mains dans les poches.

- J'aide à repeindre le local d'une association, lui avouai-je en pensant que c'était certainement pas lui qui allait venir semer le trouble au refuge.

- Tu veux que je t'aide à porter ? Ça a l'air un peu lourd pour une seule personne, s'inquiéta-t-il, ce qui ne fit qu'augmenter quota douceur à mes yeux.

- Tobias, fais attention tu vas finir par devenir mon larbin, rigolai-je en lui tendant un pot.

Il rit à son tour et l'attrape ainsi qu'un second dans mon autre main.

Je m'étais attelée pendant des mois à le descendre plus bas que sous terre pour m'assurer d'être entourée et aujourd'hui, ironie du sort, plus seule que jamais, l'unique personne qui se soucie de moi, c'est lui.


DrownedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant