Chapitre 3: Partie 2

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Bonne Lecture ~♡

- Tu as déjà pensé à te couper les cheveux ? l'interrogeai-je de but en blanc.

- Ça fait à peine deux jours qu'on se parle, tu veux déjà me couper les cheveux. Je les ai toujours eu longs pourquoi ? répondit-il tout de même en rigolant.

- Parce que je pense que ça t'irait bien de dégager ton visage, avouai-je en fixant obstinément ses cheveux à hauteur d'épaule.

- J'y penserai, rit-il en passant sa main libre dans sa masse brune.

Nous arrivons en fin de compte devant le refuge et j'ouvre la porte, doucement cette fois-ci. John est par terre, Bobby le bobtail la tête posée sur ses jambes. Il coiffe doucement ses poils sur du Pink Floyd, Another Brick in the wall. 

- J'ai ramené de la main d'oeuvre, annonçai-je en attrapant les pots dans les mains de Tobias.

- Bonjour Monsieur, Tobias Martens le larbin de Foster, ajoute-t-il en tendant une main où deux bagues en argents brillent.

- Bonjour jeune homme, bon courage, concède John en attrapant sa main de la sienne vide. Il mange avec nous? questionne-t-il en se tournant vers moi.

- Oui, affirmai-je sans demander au principal concerné, il m'a aidée deux fois dans la journée, je pense que je lui dois au moins cela, expliquai-je en pensant à quel point je détestais être redevable .

Je vis John fixer Tobias qui sourit en disant finalement "j'imagine que je n'ai pas le choix". Nous allons acheter le repas dans le petit restaurant rapide à côté et mangeons tout les trois parlant de tout et de rien. 

Plus la discussion avance, plus je dois me résoudre à la constatation assez difficile que Tobias est réellement une personne très polie et intègre, mais que pensais-je après tout ?

Qu'il était une sorte d'apatride totalement taré ? Je le regarde un instant et me demande intérieurement comment j'ai pu faire autant de mal à une personne comme lui.

Toutes les horreurs que j'ai pu dire sur lui ou approuver se trouvent être sans fondements et cette découverte ne me rend que plus détestable.

Le repas achevé, je vais un instant aux toilettes me changer pour peindre et quand je reviens, j'aperçois Tobias en train de remettre sa veste en jean.

- Ce jeune homme m'a proposé de m'aider à faire un site web, annonce John apparemment ravi. 

- Ah tiens, soufflai-je en me demandant comment Tobias avait réussi à lui mettre cette idée en tête.  C'est une super idée...

- Je ne maîtrise clairement pas ces technologies, mais si un petit jeune m'aide, ça vaut le coup de tenter l'expérience, m'explique-t-il comme pour se justifier face à mon manque visible d'enthousiasme.

- D'autant plus que ça vous permettrait vraiment d'avoir une plus grande visibilité, ajoute Tobias comme si ce fut l'argument miracle. Je pourrais revenir demain si ça vous tente.

- On pourrait toujours essayer, m'interroge John en frottant son menton de sa main, ce serait bête de dire non sans rien tenter, n'est-ce pas ?

- Oui, affirmai-je en souriant bien que l'idée de côtoyer Tobias ne m'enchantait qu'à moitié.

Il me rappelait bien trop ce que j'étais devenue au fil des années: une de ces pourritures qui trouvaien

 logique d'écraser pour s'en sortir. Je n'étais pas quelqu'un de gentil et je ne le serais certainement jamais, car il n'était pas question ici de volonté, mais bien de nature. 

J'étais née comme cela et avait été éduquée pour ne penser qu'à ma personne. Cela s'était accru quand j'avais compris les engrenages de la société et j'en arrivais aujourd'hui à cette situation ou mon image passait avant ma dignité.

C'était le principal mobile de mes tentatives, et cela rendait la fréquentation de Tobias encore plus dérangeante dans mon esprit. Je fuyais le moment tant redouté ou je devrais me questionner sur ce à quoi me menaient mes actes.

Le voir ne ferait que m'obliger à me remettre en question, à ouvrir les yeux et à constater les dégâts causés. Je ne voulais clairement pas avoir à me considérer à l'échelle humaine et constater que j'étais incapable d'affronter la vie.

Quand Tobias dut enfin partir, je ressentis un sorte de soulagement, le fait d'être confrontée à son humanisme sans bornes ne faisait qu'accroître mon mal-être et les ressentiments que je nourrissais à mon propre égard.   

L'après-midi passée à une allure folle, je décolle toute la peinture de l'entrée noyant mes réflexions dans l'effort et quand le soleil commence à descendre, je dois me résoudre à arrêter.  

C'est comme dans une grande bulle de pensées que je salue John et toute la marmaille avant de récupérer mon sac et de m'en aller. Je marche doucement et tente de distraire mes élucubrations maussades pourtant, il me semble clair que mon existence se résume à celles-ci.

J'entre à la maison et en enlevant mes chaussures, je vois de nouveaux ces baskets de sport dans l'entrée. Ma mère se tape de nouveau son prof... Je le sais, je le sais très bien, pourtant ça me fait toujours bizarre.

Je passe dans le couloir, file dans la salle de bain pour me passer un coup d'eau sur le visage et alors que je ne m'y attends absolument pas, une montagne de muscle est la, une brosse à dent dans la bouche, en sous-vêtements.

- Dite-moi que c'est un cauchemar, murmurai-je en me tournant pour aller dans ma chambre.

Mais la situation qui me semble déjà totalement déplacée et embarrassante est poussée d'autant plus loin. Face à moi ma mère avec son peignoir en soie, me regarde les yeux écarquillés.

- Scarlette, bafouille-t-elle en serrant les pans de son peignoir sur sa poitrine, ce n'est pas ce que tu...

- Commence pas, la conjurai-je en passant à côté d'elle, je sais déjà, fait ce que tu veux c'est pas comme si tu étais une sainte.

- Tu ne sais pas ce qui se passe, ajoute-t-elle comme vaine tentative.

- Ne me prends pas pour une abrutie, je t'en prie, adjurai-je en me retournant, je ne vais pas rentrer dans tes mensonges une fois de plus. Mais si tu préfères, disons que cet homme est underpants man que sa mission était de se laver les dents, et que dans un geste d'infinie bonté, tu as laissé ce super héros se laver les dents dans notre salle de bain, wow, quel altruisme, ironisai-je cynique en tapant des mains. Bref, mission accomplie, bonne nuit à tout les deux.

Pendant une demie seconde, je vois passer une drôle de lueur dans le regard de ma mère, mais son visage déconfit me donne la gerbe et je ne m'infligerais pas un instant de plus cette torture, pensai-je en filant dans ma chambre. 

Quelle famille de merde.
Non, je dirais mieux, quelle vie de merde.

DrownedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant