Texte 12

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Au loin, les arbres ployaient tant qu'ils auraient pu se briser dans l'instant.. L'air était lourd et chargé d'électricité et un vent fort et puissant soufflait en rafales cruelles.

L'orage, qui avait menacé toute la journée, éclata enfin : les imposantes gouttes d'eau tombaient drues, formant un rideau sonore qui étouffait le moindre son. L'odeur de l'herbe trempée remontée aux narines de tous les passants qui se pressaient de trouver un abri.

En plein milieu de la place, sous l'imposante statue de marbre représentant une silhouette étrangement inconnue de tous, Vlad laissait la pluie l'envelopper. Ses cheveux trempés formaient des mèches imposantes s'écrasant contre son front tandis que sa veste l'accablait de tout son poids. Autour d'elle, l'eau prenait subtilement une teinte sombre, un rouge bordeaux qui suivait les contours de son ombre. Mais personne ne semblait y prêter attention, trop occupé par les caprices du climat.

Les poings serrés, Vlad ravala du mieux qu'elle pouvait les larmes qui coulaient le long de ses joues.

Personne ne pouvait les voir évidemment.

Et personne ne pouvait entendre ses sanglots.

Au fond, elle ne savait même pas ce qui provoquait cette tristesse.

Un profond sentiment de solitude ? La sensation d'avoir été coupé du monde à tout jamais ? Un désir de malheur légitime pour tout ce qu'elle a pu commettre ?

Des pensées contradictoires se mêlaient dans sa tête et une vague nausée commença à s'emparer d'elle.

Devant elle, une petite troupe s'était rassemblé. Elle ne les avait même pas entendu sous le chaos de la pluie, mais ils dégageaient une étrange aura de sérénité. Dans leurs yeux, elle pouvait y lire une détermination qu'elle avait perdu depuis bien longtemps.

Une jeune femme aux cheveux noirs et vêtue d'une vieille veste de cuir noircie s'approcha d'elle en silence et tendit sa main, offrant un léger sourire tendre. A ses côtés, de jeunes adolescents semblaient se disputer gentiment sur un quelconque téléphone.

Vlad ne sut quoi répondre, et son attention se porta finalement sur une autre personne du groupe. C'était une jeune femme aux cheveux poivre et sel et au sourire carnassier. Toute aussi silencieuse que les autres, elle fit un pas en avant et laissa ses oreilles se délecter du bruit délicat de l'eau coulant sur le sol.

En cet instant, Vlad eut l'impression de voir la plus belle personne du monde. Quelqu'un en harmonie avec l'univers, quelqu'un ayant trouvé sa place dans le cosmos.

Ce ne fut qu'un instant, mais en cet instant, elle comprit qu'elle suivrait cette personne jusqu'au bout du monde, quoi qu'il lui en coûterait.

Alors quand, finalement, trois ans plus tard, elle se retrouva à pointer du bout d'un revolver cette même personne, elle chercha à se remémorer quel triste jeu le Destin avait bien pu jouer pour provoquer une telle tragédie.

Et il n'y eut qu'une seule personne pour pouvoir entendre ses sanglots.

[Apocryphe] (Improctobre 2016)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant