Mansion

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C'est là que tout a commencé. Dans ce manoir de Deauville.
Ma folie. Les questionnements. Je ne suis plus moi depuis ces évènements.
Ai-je rêvé?
Ma raison me dirait oui mais...
Laissez-moi donc vous racontez, vous jugerez mieux par vous-même.
J'étais donc invité par des amis dans leur manoir de Deauville pour le week-end.
Nous y arrivâmes le soir, à cette heure où le soleil rougeoyant éclaire encore à l'ouest tandis qu'à l'est, le ciel est d'un noir d'encre que n'éclaire que quelques étoiles.
Je ne pus donc pas vraiment voir à quoi ressemblait le manoir mais il me sembla que c'était une grande batisse en pierre grise, surmontée d'une tour et posée au milieu d'un grand parc où se trouvaient quelques arbres.
Fatigués de notre long voyage depuis Reims, nous mangeâmes rapidement et nous montâmes vite nous coucher. Je pris une chambre au hasard et m'apprêtai à y entrer lorsque mon ami m'arrêta.
"Si j'étais toi", me dit-il, "je ne choisirai pas cette chambre."
"Pourquoi pas?", demandai-je.
"C'est une chambre maudite. La légende raconte qu'un enfant y est mort dans d'étranges circonstances."
Je me tournai vers lui, intéressé par son histoire, comme par toutes les histoires de fantômes qu'on pouvait me raconter.
"Je pense que ceci pourrait faire l'objet d'une très intéressante histoire d'après dîner, avant d'aller dormir."
Nos autres amis (nous étions quatre en tout) acquiescèrent à cette idée mais celui qui avait pris la parole le premier secoua la tête.
"Je ne connais pas l'histoire exacte", nous dit-il, "Je sais simplement ce que raconte les habitants du village à côté. Ils disent que le manoir, et plus particulièrement la chambre Bleue, est maudit depuis la mort de l'héritier, un garçonnet, dans d'étranges circonstances. Mais, malgré mon insistance, personne n'a jamais voulu me raconter l'histoire complète. Toutefois, ils ont bien voulu me dire que, depuis ces évènements, tous ceux qui ont dormi dans cette chambre en sont ressortis fous... Quand ils en sont ressortis..."
Je ris et me tournai de nouveau vers la chambre, en fou ignorant que j'étais.
"Eh bien", dis-je, "S'il y a un fantôme ici, je veux bien le rencontrer."
Et malgré les avertissements et les suppliques de mes amis, j'allai m'installer dans la chambre Bleue pour la nuit.
C'était une pièce meublée très simplement d'un lit et d'une commode en bois, poncée et vernie. Les murs était peint en bleu marine et, malgré l'usure due au temps, je pouvais voir que la moquette au sol avait également été d'une couleur bleue, autrefois. Je devinai grâce à mon intelligence supérieure que c'était probablement à cause de cela qu'on appelait cette chambre la chambre Bleue.
Fier de ma déduction et trop épuisé pour faire autre chose, je m'effondrai sur le lit aux draps bleus.
J'étais extrêmement fatigué pourtant le sommeil fut long à venir et je passai un long moment à me tourner et me retourner dans mon lit.
Lorsque j'étais entré, j'avais trouvé qu'il faisait froid et je m'étais enroulé dans les couvertures mais au bout de quelques minutes j'eus trop chaud et je repoussais les couvertures. Quelques minutes plus tard, j'eus à nouveau froid et je me reglissai sous les couvertures. Ce manège dura encore un moment avant que je ne décide de rester sous les couvertures quoi qu'il advienne.
Ce fut une bonne décision car, soudainement, un grand froid tomba sur la chambre, m'obligeant à me recroqueviller sous les couvertures en frissonnant.
Je me tournai vers la gauche, pour être plus à l'aise et ce fut là que je la vis. Une apparition. Il n'y a pas d'autre mot.
C'était un garçonnet de six ou sept ans. Il avait les yeux d'un bleu magnifique, si profond que j'eus l'impression de me noyer dans un océan et qui reflétaient une telle tristesse que je sentis des larmes perler à mes yeux sans même savoir pourquoi. Il était vêtu d'un pantalon noir en toile et d'un grand manteau, bleu également, mais d'un bleu plus clair que celui de ses yeux, brodé d'étoiles argentées et fermé par une série de petits boutons d'or, gravés de couronne. Ses cheveux étaient blond dorés et légèrement bouclés.
L'apparition toute entière était comme illuminée par une lumière venue de nulle part, qui me rappela le caractère étrange de cet enfant apparu dans ma chambre et venu de nulle part. Pourtant, je n'avais pas encore vraiment peur, je ressentai simplement un profond malaise.
Puis je la vis. Je sentis alors de la sueur couler dans mon dos et je portai une main à ma bouche.
Dans la gorge de l'enfant était plantée... Mes mains tremblent à ce souvenir... Une aiguille, une longue aiguille à deux pointes et du sang s'échappait sans arrêt de sa blessure.
Mon cœur se mit à battre un peu trop vite tandis que je le fixai.
Ce fut à ce moment qu'il commença à s'avancer vers moi, me regardant d'un air suppliant.
Sans savoir comment, je savais exactement ce qu'il attendait de moi et, lorsqu'il arriva à côté de mon lit, malgré ma peur, j'avançai une main tremblante vers lui et posai deux doigts sur l'aiguille.
Puis, je tirai d'un coup sec dessus et elle sortit avec un léger bruit de succion de la gorge de l'apparition.
Sans le faire exprès, je tranchai au passage l'un de ses boutons de manteau, qui tomba au sol.
L'enfant regarda avec dans les yeux un air de remerciement qui me remplit d'une joie presque malsaine puis il tendit la main pour me prendre l'aiguille et...
Au contact de ses doigts froids, je m'éveillai brusquement, me redressant dans mon lit, le cœur battant à tout rompre et le front emperlé de sueur.
Tandis que mon cœur se calmait, je réfléchis à mon aventure nocturne et conclut que, l'esprit encore plein des avertissements de mon ami, j'avais fait ce rêve à propos d'un jeune garçon mort dans d'étranges circonstances.
Je m'apprêtais à me rendormir lorsque, en changeant de position, je remarquai un reflet que je n'avait pas vu avant. Intrigué, je sortis du lit et me baissai pour voir de quoi il s'agissait.
Et je sentis une terreur pure m'envahir tandis que je contemplai ce qui se trouvait au creux de ma main.
C'était un petit bouton d'or, gravé d'une couronne.

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