Après l'accident
Le temps. C'est ce dont nous avons le plus besoin. Et c'est quand nous n'en avons plus que l'on se rend compte que l'on en a pas assez profité. Le temps change. Il fait grandir, vieillir et mourir. Et il fait oublier.
C'est visiblement ce qui m'arrive en ce moment même, selon les médecins. Pourtant, j'ai l'impression que tout va bien mais les personnes présentes dans la pièce ne semblent pas de cet avis.
Depuis plusieurs minutes, le médecin et les infermières me posent des questions pour savoir de quoi je me souviens. J'ai l'impression d'être un abruti. Je vais bien, mais personne ne me crois.
- Louis, quel âge avez-vous ?
- Dix-neuf ans.
- Très bien.
A chacune de mes réponses, il note quelque chose sur son calepin.
- Qu'est-ce que vous écrivez exactement ?
- Je note vos réponses.
- Pourquoi ?
- Pour suivre vos progrès au fur et à mesure de votre convalescence et pouvoir comparer avec le début.
- Je vais bien, vous savez.
- La collision vous a provoquée un traumatisme crânien et cela a entrainé une hémorragie cérébrale. Vous avez eu beaucoup de chance de vous en sortir. J'en suis moi-même sidéré, je n'avais encore jamais vu depuis le début de ma carrière. Vous êtes un miraculé, monsieur Tomlinson.
- Dois-je vous remerciez ?
- Je n'en demande pas autant, il me dit en souriant. Mais vous devez prendre conscience que vous n'allez pas bien. L'accident a provoqué des lésions qui ont altéré votre mémoire. Pour neutraliser l'hémorragie, nous avons du vous mettre dans un coma artificiel, et cela a endommagé l'hippocampe, le centre de la mémoire. Vous souffrez d'amnésie.
- D'amnésie ?
- Oui, une amnésie rétrograde dans votre cas. Cela veut dire que vous avez oublié certains souvenirs antérieur à votre accident. Et également des personnes.
- Des personnes ?
- Louis, reconnaissez-vous cette personne ?
Il me désigne une brune assise sur la chaise à côté de mon lit. Elle doit environ avoir mon âge. Elle est aussi vraiment jolie. Ses yeux marrons me scrutent, brillant de tristesse. Je m'adresse directement à elle.
- Je te connais ?
- Louis, c'est moi. Abbie.
Elle pose sa main sur la mienne mais je la retire aussitôt. Plusieurs larmes viennent perler le coin de ses yeux, et même si j'ignore qui elle est, je ressent un léger pincement au cœur.
- Je suis désolé, je m'excuse. Mais je ne sais pas qui tu es et c'est vraiment étrange que tu sois proche de moi comme ça.
- Louis, je suis ta petite amie.
Je plonge mes yeux dans les siens. Un sourire triste étire ses lèvres et je vois son menton trembler discrètement. Je me sens mal de savoir qu'elle est dans cet état à cause de moi mais pour moi, c'est comme une inconnue.
- Je suis désolé, je répète encore. Mais je ... Je n'ai aucun souvenirs de toi.
Elle s'effondre littéralement devant moi, en larmes. Je préfère détourner le regard. Je regarde le médecin, qui écrit encore sur son bloc. Il m'énerve.
- Pourquoi papa n'est pas là ?
Ma mère, dont je me souviens, est assise de l'autre côté du lit.
- Louis, elle commence la voix tremblante. Tu es resté dans le coma durant plus de cinq mois et pendant ce temps ... Ton père est ...
Elle cherche ses mots. Je regarde les autres mais tout le monde évite mon regard.
- Il est quoi ?
- Il est décédé, mon chéri.
- Qu... Quoi ?
Cette fois, toutes les personnes dans la pièce ont le regard vrillé sur moi. Mon ventre se tort, et mes yeux me piquent. J'ai froid, un frisson glacé traverse mon corps. J'ai envie d'hurler. Je veux rentrer chez moi. Même si je ne sais pas vraiment où c'est.
- Je veux sortir d'ici.
- Ce n'est pas possible, m'indique le médecin.
- Tout le monde sort alors, je veux être seul.
- Mon chéri, commence doucement ma mère en caressant mes cheveux. Je la repousse sèchement.
- J'ai dis que je voulais être seul ! Je m'emporte brusquement.
Moi-même je me surprend à réagir de la sorte mais cependant, ça fonctionne et ils sortent tous. Sauf cet emmerdeur de docteur.
- Calmez-vous, Louis.
- Je me demande ce que vous n'avez pas compris. "Je veux" ou "être seul" ?
- Je suis désolé mais je dois finir votre examen. Ensuite je partirai.
- J'ai pas envie de vous parlez. Je me réveille à l'hôpital, entouré de personnes que je ne connais, et pour une raison que j'ignore. Ensuite j'apprend qu'en fait, si, je les connais mais que je les ai seulement oublié, tout comme certaine parties de ma vie. Vous me dîtes que j'ai failli mourir et ensuite, j'apprend la mort de mon père. Je n'étais même pas là pour ma mère, vous vous rendez compte ?
- Ce n'est pas votre faute.
- Je sais, mais je m'en veux.
- Ecoutez, plus vite vous répondrez à mes questions et plus vite je partirais.
- Faites vite, je concède.
- Savez-vous dans quelle ville nous sommes ?
- Chicago ... Je crois.
- C'est exact.
Je me sens attristé d'être fière de moi. Je ne devrai pas être fière, c'est quelque chose que quelqu'un de normal aurait du savoir. C'est comme si je redécouvrais ma propre vie. J'avais presque honte.
- J'ai besoin de savoir de quoi vous vous rappelez le plus.
Une sorte de flash m'est apparu subitement et j'ai vu un tas de cheveux bouclés, des yeux verts et des fossettes. Sa voix a résonnée dans mon esprit, et un début de migraine m'est apparu. Une étrange fatigue m'est tombé dessus.
- Je suis fatigué, j'ai simplement dis.
- J'ai besoin d'une réponse, Louis. C'est ma dernière question.
Mes yeux se ferment déjà. Mais j'ai réussi à le dire avant de tomber dans un léger sommeil.
- Harry.