Chapitre 7

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Lundi 12 février – Noé


J'avais invité, la veille, Nute Nothingost chez moi pour signer le reste des papiers, avant qu'on puisse aller aux studios. Et comme il était censé venir vers onze heures, j'avais prévu un repas pour six. Six parce que Miles avait pris sa journée, parce que j'avais Nash, et que Nute avait ces deux enfants. Neveux et nièces, si j'avais bien compris. Je me hâtai alors dans la cuisine, à tourner cette cuillère en plastique dans la salade bien trop compacte à mon goût. Elle me semblait plus lourde qu'habituellement... Ou peut-être étais-je juste une catastrophe en cuisine, ce qu'on ne m'avait encore jamais reproché jusque-là. Bon, à vrai dire, rares étaient les fois où je composais un repas complet et copieux. En hiver, comme il n'y avait que Miles et moi, je me contentai de viande saignante ou de boites de conserves, puisque mon travail me prenait beaucoup de temps, et Miles ne savait pas faire un plat sans mettre le feu à la cuisine –approuvé par Claire Brewswell : il avait déjà envoyé un four en fumée, juste en oubliant une fourchette dans sa casserole... Déjà, pourquoi mettre une casserole dans un four, telle était la question-.

Maintenant, je priais pour que mon invitation soit honorée. Mon frère aîné profitait de son fils dans la chambre de ce dernier, avec cette panoplie de soldats, et moi, je m'occupais des tâches dites « ingrates ». C'était vraiment ainsi que Miles qualifiait la cuisine et le ménage. Et le pire était qu'il ne faisait rien, étant donné que généralement, j'employais une femme de ménage pour nettoyer les locaux –sauf mon bureau, toujours verrouillé à double tour. Lorsque l'interphone retentit dans l'appartement, j'entendis des pas se précipiter vers la porte pour répondre, et je me rendis compte que je n'avais pas prévenu mon frère de la venue de mon invité. Je l'imaginais soudain déjà en train de me faire un sermon...

Mais de toute manière, il vivait chez moi, alors il n'avait rien à dire.

Quelques instants plus tard seulement, des voix enfantines me parvinrent aux oreilles. Une fille, un garçon en voie de mue. Sans le moindre doute, il s'agissait de Nute. Je lui avais fait un rappel, durant la matinée, avec le numéro de téléphone que j'avais déjà pris depuis longtemps, en espérant que ce fut bien son numéro. Un sourire borda mon visage et je me déconcentrai de mon action, au point où j'en renversai soudainement le contenu de mon saladier. Prononçant toute une série de jurons, je cherchais désormais l'essuie-tout. Et à vrai dire, la situation n'aurait pas été plus gênante si j'avais été debout sur la table en train de danser avec un concombre dans la main.

J'étais à quatre pattes par terre, le nez dans le placard, les fesses tendues en arrière et vers le haut, le dos arqué. J'étais tout simplement dans une situation assez délicate, et complètement coincé. Car j'avais, bien évidemment, des tendances à me bloquer ce genre de nerf –ou je ne savais pas ce que c'était, malgré les reportages sur la médecine que j'avais fait, je n'avais aucune notion d'anatomie- au milieu des membres qui t'interdisent tout mouvement sans une vague de douleur. Et quand ce n'était pas le pied, c'était le dos ou le cou aussi. Je restai alors là, tendant mon derrière à mon invité, incapable de sortir. J'aurais bien été tenté d'appeler Miles, mais je craignais que si je le faisais, je ne me fisse charrier jusqu'à la fin de la journée.

Je réussis tout de même à sortir après une bonne minute à faire semblant de chercher quelque chose sous mon évier, avec une grimace douloureuse sur le visage. Je m'excusais auprès de Nute, faisant comme si je ne l'avais pas repéré avant, et le saluai comme il se le devait. Il me demanda ce que je cherchai, puis je lui pointais mon plan de travail complètement trempé, avec des feuilles de salade éparpillées absolument partout, jusqu'au sol, où une petite flaque jaune se formait goutte par goutte. Ma maladresse me perdrait, un jour.

Dangereusement Engagés [Boy x Boy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant