13 mai 1874
Aujourd'hui, j'ai 21 ans. Le jour tant attendu. Celui où je peux enfin quitter l'orphelinat pour construire ma propre vie. Un mélange d'excitation et de nervosité bouillonne en moi alors que je rassemble mes maigres affaires dans un baluchon élimé.
Je descends les escaliers grinçants, le cœur battant, prête à franchir les grandes portes en bois de cette vieille bâtisse pour ne plus jamais y revenir. Mais alors que je m'approche de la sortie, des pas précipités résonnent derrière moi. Une main attrape mon bras.
– Alice ! souffle Camille, essoufflée. Ses yeux, grands et pleins d'une inquiétude inhabituelle, me fixent. – La directrice veut te voir. Tout de suite.
Je reste immobile, frappée par ses mots. Pourquoi maintenant ? Pourquoi moi ?
Une vague d'angoisse me submerge. Et si elle avait changé d'avis ? Peut-être allait-elle me dire que je n'étais pas prête, que je devais rester encore un peu dans cet endroit étouffant. Le nœud dans ma gorge devient douloureux alors que je fais demi-tour, le baluchon serré contre ma poitrine.
Chaque pas dans les couloirs sombres semble plus lourd que le précédent. Les murs, que j'avais appris à ignorer depuis des années, paraissent aujourd'hui murmurer des secrets oubliés. La lumière tamisée du jour peine à percer les vitraux poussiéreux, rendant l'atmosphère presque oppressante.
Devant la porte massive du bureau de la directrice, mon courage vacille. Je prends une grande inspiration et frappe doucement.
– Entrez, Alice, répond une voix sèche de l'autre côté, avant même que mes doigts ne quittent le bois.
Je pousse la porte. Le bureau est exactement comme dans mes souvenirs : imposant, encombré de paperasse et d'objets qui semblent tous raconter une histoire. La directrice, droite comme un piquet derrière son bureau, me désigne une chaise d'un geste rapide et autoritaire.
– Asseyez-vous.
Je m'exécute, le dos raide, les mains crispées sur mes genoux. Ses yeux perçants, durs et froids, paraissent lire en moi. Puis, contre toute attente, son ton change, devenant quasiment... neutre.
– Alice, avant votre départ, il y a quelque chose que je dois vous remettre.
Elle ouvre un tiroir et en sort un petit coffret en bois sombre, décoré d'ornements dorés patinés par le temps. Le bois lisse, les détails délicats... il paraît précieux, chargé d'une signification que je ne comprends pas encore.
– Ce coffret, m'explique-t-elle, m'a été confié par votre père peu après... l'incendie. Elle marque une pause, m'observant, cherchant une réaction. – Il a laissé des instructions très claires : je devais vous le remettre à vos 18 ans. Mais... Elle hésite, pour la première fois. – Avec le temps, j'ai jugé que ce moment viendrait plus tard. Aujourd'hui, il est grand temps que vous le receviez.
Elle fait glisser le coffret vers moi. Pendant un instant, mes mains restent figées.
– Votre père a dit que vous seule seriez capable de l'ouvrir.
Je tends enfin les doigts, frôlant la surface du bois avant de le saisir. Le coffret est léger, mais il semble porter le poids de toute une vie. Je descends mon regard vers la serrure. Petite. Fine. Et pourtant... familière.
C'est alors que je comprends.
Ma clé. Celle que je porte autour du cou depuis aussi loin que remontent mes souvenirs, suspendue à une fine chaîne en or. Je ne l'ai jamais quittée, sans savoir pourquoi. D'un geste presque mécanique, je saisis la clé et l'insère dans la serrure. Elle glisse parfaitement. Un déclic résonne dans le silence du bureau.
J'ouvre le coffret. À l'intérieur, niché dans un écrin de velours fatigué, se trouve un pendentif. Une clé, mais pas une clé ordinaire. Elle est gravée de motifs complexes, quasiment hypnotiques, que je ne parviens pas à comprendre.
Sous le pendentif, une enveloppe repose. Mon prénom y est inscrit d'une écriture tremblante, mais indéniablement familière. Un cachet de cire rouge scelle le tout. Un loup et une rose entrelacés : le sceau de ma famille.
Mes mains tremblent alors que je brise le sceau et déplie la lettre. Les mots écrits sur le papier jauni par le temps frappent mon cœur comme un coup de tonnerre.
Ma chère Alice,
Toute ton enfance, nous t'avons caché un secret. Ce n'était pas par manque d'amour, mais parce que la vérité te mettait en danger.
À ta naissance, tu n'étais pas seule. Tu avais une sœur jumelle, Grace. Les médecins nous ont dit qu'elle était morte peu après sa naissance. Mais je n'ai jamais cru à cette version.
Dans mon bureau, à la maison, derrière la bibliothèque de livres fantastiques, se trouve un coffre. Il contient des preuves de son existence : son acte de naissance, une photo, et d'autres souvenirs. Si tu choisis de chercher des réponses, c'est là que tout commence.
Je t'aime, ma petite Alice. Joyeux anniversaire.
Papa.
Les mots dansent devant mes yeux, irréels. Une sœur ? Grace ? Une jumelle que je n'ai jamais connue ? Mon esprit vacille, envahi par un flot de questions, sans réponse.
Le coffret dans mes mains semble brûler, lourd d'un passé que je ne savais pas porter. Je lève les yeux vers la directrice. Elle m'observe, impassible, mais dans son regard, je devine une lueur de tristesse. Ou peut-être de soulagement.
Je me lève, sans un mot, serrant le coffret contre moi comme un trésor fragile. À l'extérieur, le soleil inonde la cour, mais il me semble distant. Rien n'a d'importance désormais.
Je murmure, à peine audible, pour moi-même :
– Grace... je te trouverai.
Et c'est ainsi que tout a commencé.
VOUS LISEZ
Alice et le Pays des Mensonges.
FantasyInspiré du jeu vidéo " Alice Retour au Pays de la Folie" À 21 ans, Alice Liddell reçoit un cadeau inattendu : un vieux coffret scellé, datant de son enfance. Ce coffret appartenait à son père, et il devait lui être remis à sa majorité, mais un drame...