C'était officiel, j'allais étriper Alice !
Dès que je la croiserai, je l'étranglerai.
Lentement.
Et j'y prendrai beaucoup de plaisir.
Mes parents me renieraient sûrement pour avoir tuer leur benjamine mais... elle ne m'avait pas laissé le choix.
Non contente de m'avoir piégée afin que je l'accompagne à une fête qu'elle organisait pour le compte de l'entreprise dans laquelle elle travaillait. Elle m'avait également imposé un costume pour cette soirée d'Halloween.
Et pour s'assurer d'aucune triche de ma part, elle avait vidé ma penderie !
Dieu seul savait quand et comment elle avait réussi à tout embarquer sans que je ne m'en rende compte, mais elle avait tout pris. Il ne me restait pas même un peignoir ou un manteau lorsque j'étais rentrée me changer pour cette maudite soirée.
Elle était même venue chez moi pendant que je me douchais pour me subtiliser mon sac, mon téléphone et les clés de mon appartement. Ne me laissant que la clé de ma voiture posée sur le carton d'invitation avec une petite note précisant que si je voulais récupérer mes affaires, je devrais la rejoindre.
Donc, à moins d'arriver à sa petite fête enroulée dans un drap à fleurs, j'avais été obligée d'enfiler la tenue qu'elle avait suspendue à la porte de ma salle de bains. Et c'était pour cette raison que je me retrouvai à Venice, un 31 octobre à plus de 22 heures, accoudée à ma voiture vêtue du plus minuscule costume de Blanche-Neige qui n'ait jamais été créé, à fixer le lugubre cimetière de l'autre côté de la rue.
Même si je savais qu'il était faux, avec ses remparts vermoulus de plus de trois mètres de haut qui s'étendaient sur des centaines de mètres, son portillon délabré, ses videursgladiateurs, ce cimetière avait tout pour me foutre la trouille.
J'inspirai profondément et tirai machinalement sur le bas de ma robe. Comme si par simple magie, j'allais réussir à transformer quinze centimètres de jupette en vingt-cinq, histoire de la rendre un minimum décente.
Peine perdue, j'allais devoir passer ma soirée à prier pour qu'aucun courant d'air ne vienne jouer les trouble-fête.
C'est ainsi que livrée à mon triste sort, je traversai la rue pour me présenter à l'entrée de la soirée.
Après avoir passé le premier barrage des zombies et montré mon invitation à un centurion deux fois plus grand que moi, je me retrouvai catapultée dans un autre monde. Si de l'extérieur, ce faux cimetière était effrayant, de l'intérieur, c'était bien pire.
La plage de Venice avait été privatisée. Des dizaines et des dizaines de tombes étaient sorties tout droit du sable. De faux arbres morts se retrouvaient plantés çà et là entre les stèles. Des toiles d'araignées suspendues entre les branches. La nuit étant sans lune, les seules lumières qui éclairaient la scène venaient de citrouilles de diverses tailles placées un peu partout pour rendre l'ambiance encore plus effrayante.
Je finis par trouver un seul point positif à ce cauchemar : je n'étais pas la seule affublée d'un costume de princesse revisité.
La plupart des femmes étaient vêtues d'une tenue encore plus indécente que la mienne. En plus des versions sexy des personnages Disney, il y avait des policières, des super-héroïnes, des playmates... Les hommes n'étaient pas en reste, Tarzans, gladiateurs, pompiers... ils étaient tous là, à exhiber leurs corps musclés et bronzés par le soleil de Californie.
J'allais pouvoir passer inaperçue.
Figée à côté de l'entrée, je tentai de retrouver ma sœur parmi la foule. Mission impossible. Même avec sa longue chevelure blonde si reconnaissable, trop de corps dansaient les uns contre les autres entre les pierres tombales, sans compter ceux qui se pressaient devant ce qui devait être le bar, pour que je puisse reconnaître qui que ce soit.
Je ne connaissais pas grand monde de toute façon, mais Alice m'avait tout de même présentée quelques-unes de ses collègues. Peut-être que si j'arrivais à en reconnaître une, elle pourrait m'indiquer où trouver ma sœur.
Délaissant la piste de danse, je me dirigeai vers l'un des stands sur le côté. Avant que je ne puisse atteindre mon but, un tourbillon de satin bleu clair et de dentelle blanche me fonça dessus.
— Lana ! Te voila enfin ! s'écria ma sœur en me serrant dans ses bras.
— Tu ne m'as pas laissé le choix, grognai-je.
Elle me relâcha et se recula d'un pas pour observer ma tenue. Enfin l'inspecter aurait été plus exact.
— Tu aurais pu faire un effort sur le maquillage ! râla-t-elle en replaçant le serre-tête rouge que j'avais glissé dans mes longs cheveux noirs pour parfaire l'ensemble.
— Et tu aurais pu me laisser des vêtements ! Ou au moins ne pas me transformer en Blanche-Neige porno !
Fidèle à elle-même, Alice leva les yeux au ciel.
— Sexy, me corrigea-t-elle. Une Blanche-Neige sexy, pas porno ! Crois-moi, y a beaucoup trop de tissu sur ta robe pour être « porno ».
Elle mima les guillemets sur le dernier mot. Je n'osai même pas imaginer le genre de tenue qu'elle avait en tête. Parce qu'avec ma micro robe en satin bleu et jaune au décolleté plongeant, mes bas en soie blanche ornés de petits nœuds rouges et mes talons de douze centimètres, je me sentais bien assez porno comme ça.
— Tu es folle, marmonnai-je entre mes dents.
— Et toi, tu es trop coincée. Sérieux, on dirait que tu as 45 ans... pas 29. C'est quand la dernière fois que tu es sortie ?
— Je suis allée prendre un verre, vendredi dernier, me défendis-je.
— Avec des collègues de travail, soupira-t-elle. Dans ton cas, ça compte pas.
— Et pourquoi ?
— Parce que tu bosses entourée de vieux. D'ailleurs ta sortie, c'était pas un pot de départ en retraite ?
Je retiens difficilement une grimace. Nous étions effectivement sortis fêter le départ de ma collègue, et mentor, Dolorès. Qui, après 45 ans de bons et loyaux services au sein des archives du Musée d'histoire naturelle de Los-Angeles, avait décidé qu'il était temps pour elle d'aller s'installer à Boston, afin de se rapprocher de sa famille et voir grandir ses petits-enfants.
— C'est quand la dernière fois que tu es sortie juste pour t'amuser ? Je suis sûre que ta dernière folie, c'est l'achat de ta voiture... il y a trois ans. C'est quand la dernière fois que tu t'es envoyée en l'air ?
— Alice ! m'écriai-je en regardant partout autour de nous pour vérifier si quelqu'un nous avait entendues.
Ma sœur, et la centaine d'inconnus qui nous entourait, n'avaient pas besoin de savoir que je n'étais sortie avec personne depuis Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, avec qui j'avais rompu presque un an plus tôt. Elle voudrait absolument savoir pourquoi, or ça ne la regardait pas et je ne voulais pas en parler.
— Relax ma vieille, même si on nous avait entendues... tu as oublié qui organise la soirée ?
Je soupirai. Ma sœur avait obtenu un poste d'assistante dans la branche événementielle de L'Ange. Une boutique pour... adulte, très sélecte et réputée à Los-Angeles. Lingeries et accessoires en tout genre étaient en quelque sorte ses outils de travail. Bien loin de mes archives de Musée.
— J'ai quelque chose pour toi.
— Quoi ? demandai-je, suspicieuse.
Comme elle avait les mains vides, je me demandais dans quel traquenard elle essayait encore de m'attirer.
— Viens. (Elle me prit par le bras et m'entraîna en direction du bar) Comme, jusqu'à maintenant, tu t'es montrée assez coopérative, je vais te rendre certains trucs. Attends-moi là. (Elle me lâcha pour contourner le comptoir et plonger dans l'obscurité. Elle en ressortit moins d'une minute plus tard, un lapin en peluche et une pomme dans les mains) Et voilà !
Je pris la pomme rouge qu'Alice me tendait et constatai avec surprise qu'il s'agissait en réalité d'un sac à main. Enfin une pochette de soirée.
— Sympa.
— Je trouvais aussi. Et que serait Blanche-Neige sans sa pomme ?
— Une femme qui ne se retrouve pas dépendante du bon vouloir du prince charmant ? proposai-je ironiquement.
— Quelle rabat-joie ! Vraiment Lana, fais un effort. Tu es là pour t'amuser. Dans ton sac, tu as ton téléphone, ta carte d'identité, ta carte de crédit et tout ce qu'il te faut pour passer une bonne soirée.
— Et le reste ? demandai-je, en pensant aux vêtements qu'elle avait kidnappés ou plus simplement aux clés de mon appartement pour que je puisse rentrer chez moi sans faire appel à un serrurier.
— Je le garde en otage, répondit-elle simplement en haussant les épaules.
— Alice !
— Tu es là pour t'amuser, alors je te rendrai tes affaires à condition tu te lâches un minimum. Pour ça il faut que tu boives au moins cinq cocktails et que tu danses avec trois mecs différents.
— Alice ! Répétai-je.
— Tu ne me laisses pas le choix Lana. Ton sexe va finir par se momifier si tu ne t'en sers pas plus souvent.
— Tu as dit danser ! Je vais pas m'envoyer en l'air avec un inconnu entre deux pierres tombales pour te faire plaisir !
— Pourquoi pas ? C'est bien ce que je compte faire moi. (Elle prit un verre sur le comptoir derrière elle et me le tendit) Tu peux considérer ce bloody mary comme le premier des cinq cocktails que tu dois boire.
— Trop aimable de ta part, sifflai-je exaspérée par le comportement de ma sœur.
— Ne fais pas ta mauvaise tête, sinon j'inverse les quantités, cinq mecs avec trois verres.
Je soupirai discrètement. Ma sœur pouvait être une vraie garce manipulatrice. Et tant qu'elle retenait mes affaires en otages, je n'avais pas le choix, je devais obéir. Je regardai autour de moi, une centaine de personnes faisaient la fête.
Trois danses avec trois hommes différents... ça ne devait pas être si compliqué, non ?
— Très bien... mais tu me le payeras !
— Comme si tu avais assez d'imagination pour ça.
Sans me laisser le temps de répondre, Alice disparut dans la foule. Je me retrouvai donc seule avec mon bloody mary et ma fausse pomme au milieu d'inconnus. Après avoir passé la minuscule anse du fruit autour de mon poignet, je portai le verre que m'avait remis ma sœur à mes lèvres. J'en aspirai une petite gorgée à travers la paille et failli recracher le tout aussitôt. Où diable était passé le jus de tomate ?
Je réussis tant bien que mal à ne pas m'étouffer en avalant ma vodka quasi pure. Et dire qu'Alice voulait que je boive au moins cinq de ces cocktails. J'allais finir complètement ivre avant minuit.
Ça t'aiderait sûrement à te lâcher, me souffla une petite voix dans ma tête.
Me tournant vers la piste de danse, je continuai à siroter mon verre en cherchant dans la foule un homme susceptible de me plaire. Pas facile de faire une sélection étant donné que tout le monde était déguisé.
Je posai ma coupe vide sur le comptoir et fis signe au barman, (un mec vêtu en tout et pour tout d'un pagne en cuir et de spartiates lacées jusqu'aux genoux) de m'en servir un autre. Il acquiesça et posa presque aussitôt devant moi un verre identique à celui que je venais de lui rendre.
Je le remerciai d'un sourire et, ma boisson à la main, je m'approchai de la piste de danse. Alice n'allait pas me lâcher, alors autant remplir les conditions aussi vite que possible.
Je posai mon verre sur une table et plongeai discrètement la main dans mon corsage pour récupérer la clé de ma voiture. Clé que, vu le manque de poche à ma tenue, j'avais été obligée de planquer là et qui maintenant essayait de me transpercer un sein.
Le précieux sésame en main, j'ouvris ma... pomme pour la mettre à l'abri et trouvai aussitôt une nouvelle raison de maudire Alice sur cinq générations.
Enfin pour être exacte, j'avais là cinq raisons supplémentaires de détester ma sœur. Cinq. Comme le nombre de préservatifs qu'elle avait réussi à caler entre ma carte d'identité et mon portable.
J'allais vraiment la tuer et avec un peu de chance, ces cinq préservatifs seraient autant de circonstances atténuantes à mon procès.
Je me dépêchai de ranger la clé de ma décapotable pour refermer la pomme avant que quelqu'un ne puisse voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Je récupérai mon verre et le vidai d'un trait pour essayer d'effacer la trouvaille de ma mémoire.
C'était donc ainsi qu'Alice envisageait de me faire passer une bonne soirée. Pensait-elle réellement que j'allais coucher avec le premier venu ? Juste pour m'amuser ?
Refusant de théoriser sur les machinations de ma sœur, je décidai de profiter du vide créé par les deux bloody mary que je venais de boire pour commencer à remplir la seconde partie de son odieux chantage.
Prudemment, je quittai la terrasse en teck de l'espace bar pour rejoindre celui où on se lâche. Je priai pour ne pas me tordre la cheville dans le sable. Quelle idée de mettre la piste de danse sur la plage. Heureusement pour ma dignité, j'avais l'habitude de marcher avec des talons hauts. M'étaler de tout mon long dans une robe aussi courte n'était pas une option envisageable.
Fendant la foule, je regardai autour de moi à la recherche d'un partenaire de danse. Pour ne pas avoir l'air trop ridicule, je me trémoussai en rythme avec la musique, un remix électo-pop du dernier tube à la mode. Je me laissai rapidement prendre au jeu et oubliai mon objectif pour me concentrer sur mes gestes.
Je fermai les yeux et me laissai porter par les vibrations. Un ou deux titres plus tard (difficile de différencier les morceaux vu qu'ils étaient tous remixés à la même sauce électro) je sentis deux mains venir se plaquer sur mes hanches pour m'attirer contre un torse dur.
Je me raidis instinctivement et, tout en luttant pour ne pas laisser les automatismes de mes cours de self-défense prendre le dessus, je me tournai pour voir qui s'était montré aussi familier.
Je me retrouvai face à un sosie de tarzan. Je l'étudiai rapidement, grand et musclé, sa peau était plutôt bronzée, même pour un californien, et luisait comme si elle était enduite d'huile. Un visage carré, un peu brut, mais ses yeux verts et son sourire adoucissaient son allure. Pas forcément le genre d'homme sur lequel j'aurais flashé en temps normal, mais il était assez mignon.
C'est pourquoi, j'acceptai lorsque d'une pression de la main, il m'invita à danser.
Il m'attira à lui et, ne sachant pas trop où poser mes mains sur cet amas de muscles nus, je levai les bras pour les nouer autour de son cou. Sans rien dire, nous nous mîmes à bouger en rythme avec la musique.
Les danses s'enchaînèrent et Tarzan me serra de plus en plus fermement. Ses mains descendirent si bas dans mon dos qu'elles frôlèrent l'indécence à chacun de leurs passages. L'homme de la jungle se faisant toujours plus pressant, je décidai qu'il était temps pour moi de boire un nouveau cocktail et de changer de partenaire.
Je lâchai Tarzan et fis un pas en arrière. D'un geste de la main, je lui montrai le bar. Il dut prendre mon sourire d'excuse pour une invitation parce qu'il m'emboîta le pas lorsque je quittai la piste. Je ne lui prêtai aucune attention dans l'espoir de lui faire comprendre qu'il ne m'intéressait plus et qu'il était temps pour lui de passer à autre chose.
Malheureusement, il semblait avoir un peu de mal à saisir l'évidence puisqu'il s'accouda au comptoir à côté de moi. Il était tellement près que son torse nu frôla mon bras à chacune de ses respirations.
Cette fois ce fut une plantureuse rousse toute en courbe qui vient me servir. Comme son homologue masculin, elle était vêtue à la mode spartiate avec sa petite jupette à lanière et son corsage en cuir qui faisait ressortir sa poitrine. Je devais reconnaître qu'elle était vraiment sexy.
Tarzan devait être de mon avis puisqu'il la reluqua sans aucune réserve. Son regard remontant lentement de ses talons-aiguilles lacés aux genoux pour arriver à son décolleté deux bonnes minutes plus tard.
Et dire qu'il essayait de me draguer.
— Qu'est-ce que je vous sers ? demanda la rouquine, totalement indifférente à l'examen que lui faisait subir le roi de la jungle. Elle débita mécaniquement la liste des cocktails et des bières qu'elle avait à disposition.
Ne voulant pas faire de mélange, je préférai rester à la vodka et commandai un nouveau bloody mary tandis que mon partenaire de danse demanda une Corona.
— Au fait, moi c'est Peter... Et toi ? cria-t-il par-dessus la musique.
— Moi ? C'est Blanche-Neige. Ça se voit pas ? minaudai-je en montrant ma tenue.
Je n'avais aucune envie que Tarzan puisse me retrouver après cette soirée. Il était beaucoup trop lourd pour moi.
Sans plus de préoccupation pour Peter, j'attrapai mon verre et me tournai vers la piste de danse. Aussi lourd soit-il, Tarzan m'avait quand même permis d'avancer dans ma quête. Je devais encore danser avec deux hommes différents et je pourrais enfin récupérer mes clés et rentrer chez moi.
Je terminai rapidement mon cocktail et retournai sur la piste à la recherche de ma prochaine proie. Comme plus tôt, je commençai à danser seule en faisant abstraction de Peter qui se tenait derrière moi et essayait de m'attirer dans ses bras.
— Blanche-Neige se fait désirer on dirait, grogna-t-il lorsque je tapai sur ses mains pour qu'il me lâche.
Je fis comme si je n'avais rien entendu et fermai les yeux pour me concentrer sur la musique. Laissant une nouvelle fois les pulsations vibrer en moi et guider mes gestes, alcool aidant, je m'abandonnai aux rythmes électro. Trouvant un certain plaisir dans la danse, je me lâchai comme je ne l'avais jamais fait.
J'ignorai depuis combien de temps je me dandinais sans réfléchir lorsque j'eus l'impression d'être observée avec insistance. J'ouvris les yeux et regardai autour de moi. Rien qui ne sorte de l'ordinaire. Des dizaines de couples hétéroclites dansaient plus ou moins collé- serré. Des pharaons côtoyaient des pompiers et autres cow-boys, des princesses Disney revisitées (parmi lesquelles il fallait me compter) se trémoussaient aux côtés des traditionnelles infirmières, policières et jeunes écolières. Le tout dans des versions très sexy bien évidement.
Comme me l'avait rappelé ma sœur, c'était un peu le thème de la soirée.
Après avoir fait un tour complet sur moi-même, je finis par le voir.
À la limite de la piste, il surplombait la foule d'une bonne tête et demie. Un peu comme s'il était installé sur un piédestal pour surveiller les danseurs. À moins que ce ne fut qu'une impression due à son déguisement. Faut dire que les immenses ailes noires qui s'ouvraient dans son dos ne passaient pas vraiment inaperçues. Mais ce n'était pas ce qui avait attiré mon attention.
Ce fut son regard qui me fascina. Même si à cette distance il m'était impossible de distinguer ses yeux avec précision, j'aurais bien été incapable de dire s'ils étaient bleu, vert ou même noir, sa façon de m'observer me troubla.
Il me fixait comme s'il ne voyait que moi dans la foule. Comme si j'étais seule au milieu de cette plage transformée en cimetière pour Halloween.
Son regard remua en moi des émotions que je préférai ne pas analyser.
Lentement, l'ange blond quitta son piédestal et marcha droit vers moi. Comme par magie, la foule semblait s'ouvrir devant lui. La minuscule partie de mon cerveau encore en état de fonctionner me souffla que si les gens s'écartaient sur son passage, c'était surtout pour éviter de se prendre un coup d'aile.
Le voir évoluer était impressionnant. Par je ne sais quel ingénieux mécanisme, son plumage paraissait se mouvoir au rythme de ses pas. C'était tellement réaliste. Je n'aurais pas été plus surprise que ça, s'il s'était soudainement envolé.
Arrivé à mi-chemin, l'ange s'arrêta et, le bras tendu, me fit signe de m'approcher.
Hypnotisée par son charisme et son aisance, mon souffle se coupa, il me fallut une bonne demi-minute pour me souvenir de comment fonctionnaient mes pieds.
Un pas après l'autre, j'avançai au milieu des danseurs. Plus aisément que je ne l'aurais imaginer. Plus je m'approchai de lui, plus la silhouette de l'ange se précisa.
Il était grand. Bien plus que mon petit mètre soixante, même rehaussé par douze centimètres de talons. Sa fine musculature était mise en valeur par un débardeur blanc près du corps et un jean noir élimé. Ses pieds nus s'enfonçaient dans le sable. Ses cheveux blond lui tombaient sur les tempes et devant les yeux, lui donnant un petit air négligé. Effet accentué par les divers colliers et bracelets en cuir qu'il portait en plus de l'imposant tatouage qui ornait son bras.
Un ange triste. Voilà ce qu'il était.
Sexy. Attirant. Magnétique... Irrésistible.
Arrivée à moins d'un mètre de lui, je fus obligée de lever la tête pour continuer à le regarder dans les yeux. D'ici, je pouvais voir qu'ils étaient bleu, mais la lumière était trop faible pour que je puisse en distinguer la nuance exacte.
— Est-ce que Blanche-Neige accepterait de m'accorder cette danse ?
Sa voix était douce et chaude avec des petites pointes rocailleuses sur certaines syllabes. Accent typique des fumeurs. Et tout comme son regard, elle éveilla en moi des choses que je n'étais pas en mesure d'analyser.
Plutôt que de répondre avec des mots, je fis un pas de plus et me collai contre son corps.
Un sourire prit place sur ses lèvres tandis qu'il glissait un bras dans mon dos. Je m'agrippai à son débardeur et le laissai mener notre danse. Nos corps frottaient l'un contre l'autre.
Plus les titres passaient et plus l'espace entre nous se réduisait. L'ange avait niché son visage dans mon cou, ses cheveux chatouillaient ma peau hyper sensible alors que ses lèvres frôlèrent mon épaule sans jamais l'embrasser réellement.
Pour ma part, je me frottai sans aucune retenue contre son corps musclé, pressant ma poitrine contre son torse en oubliant tout de ma pudeur habituelle. Je m'agrippai comme je le pus à ses bras, ses épaules, ses cheveux, en poussant des soupirs lascifs à son oreille.
C'était plus que de la danse. C'était sensuel, charnel, indécent. Presque un appel à la luxure. Des préliminaires pour quelque chose de plus.
Je ne me rappelai pas avoir déjà dansé de cette façon aussi... provocante avec quelqu'un. Surtout un parfait inconnu. J'avais chaud, j'avais soif, j'étais en sueur, mon cœur était sur le point d'exploser pourtant je n'aurais changé de place pour rien au monde.
Finalement après ce qui me sembla être des heures, l'ange m'attira en direction du bar et je le suivis sans hésiter ou même réfléchir à ce que je faisais. Il passa rapidement commande auprès d'une copie conforme de Xéna (le style gladiateur devait être l'uniforme des employés de la soirée) sans prêter attention à ses œillades appuyées, puis il se tourna vers moi.
Presque aussitôt, un bloody mary et ce qui semblait être un verre d'eau furent posés devant nous. L'ange poussa le cocktail dans ma direction et prit le verre d'eau qu'il bu d'un seul trait. Assoiffée je l'imitai, faisant fi de la brûlure provoquer par l'alcool presque pur.
Je fis signe à Xena de nous resservir et fis subir le même sort à mon nouveau verre. L'alcool me montait à la tête et m'aidait à me libérer.
— Eh ben, jolie descente, commenta-t-il. On dirait que Blanche-Neige avait soif.
— Danser donne soif, confirmai-je en battant des cils d'une manière que j'espérai sexy, ou au moins pas trop ridicule.
— Vous avez raison.
Il inspecta la foule pendant une minute avant de se tourner vers moi.
— Je m'appelle Nathan...
Plus vivement que je m'en serais crue capable, je posai ma main sur ses lèvres pour l'empêcher de continuer.
— Pas de nom.
— Vraiment ? demanda l'ange contre mes doigts.
— Oui. Les noms sont surfaits. Je suis ici pour m'amuser.
Ma sœur avait raison, je ne me lâchais pas assez souvent. Je décidai alors de laisser l'alcool qui coulait dans mes veines prendre le contrôle. Même dans mon état, j'étais suffisamment lucide pour ne pas faire de grosses bêtises du genre : commettre un crime ou rentrer chez moi en voiture. Je redeviendrai demain l'archiviste de musée, sérieuse et un peu coincée que 8 j'étais. Ce soir j'étais Blanche-Neige. Une princesse sexy, sûre d'elle, insouciante et un peu ivre.
J'allais profiter de ma soirée.
— Très bien, Princess. Tu veux retourner danser ou...
Le mouvement de ses lèvres sur mes doigts était hypnotique, et envoyait des frissons dans les coins les plus reculés de mon corps. — Ou ? demandai-je à bout de souffle.
— On pourrait... s'écarter. Des cryptes ont été installées plus loin. Un feu d'artifice va être tiré. On pourrait se trouver un coin tranquille pour l'observer.
Pour être honnête, à cette heure et dans mon état d'ébriété, j'aurais pu le suivre n'importe où. Je me sentais tellement bien en sa compagnie que je ne voulais pas le voir s'éloigner.
— On pourrait, répondis-je en laissant mes doigts descendre lentement de sa bouche à son torse.
L'ange posa sa main sur la mienne et la porta à nouveau à ses lèvres. Il en embrassa lentement le dos avant de la reposer sur sa poitrine.
— Dis-moi Princess, les noms sont-ils les seuls à être surfaits ?
— Peut-être... je ne sais pas... on verra. En fonction des questions.
— Alors Princess, tu passes une bonne soirée ?
— Je n'ai plus à me plaindre. La compagnie est très... agréable.
— Je te retourne le compliment. Agréable et très... sexy, reprit-il en utilisant le même ton subjectif que moi.
Je rougis sous le compliment et tentai désespérément de trouver quoi dire avant d'avoir l'air ridicule de le regarder comme je le faisais en souriant comme une bécasse.
— Et que fait ma Princess lorsqu'elle n'enflamme pas les pistes de danse ?
— Elle croule sous de vieux papiers, mais pour l'instant, c'est pas intéressant. (Je haussai les épaules pour clore le sujet.) Et vous ? À part sauver des demoiselles en détresse, que fait un aussi bel ange dans la vie ?
— Je n'ai vu aucune demoiselle en détresse, juste une Princess sexy qui faisait la fête.
— Et pourtant je l'étais. Enfin presque. Un Tarzan un peu lourd commençait à se montrer un peu trop entreprenant.
— Même s'il faut savoir reconnaître quand on n'est pas à la hauteur, je ne peux pas lui reprocher d'avoir voulu insister. (Il tendit le bras et dégagea une mèche de cheveux de mon visage.) On ne laisse pas passer une Princess aussi sexy sans tenter sa chance.
— Peut-être... Mais tu cherches à noyer le poisson. Tu n'as pas répondu à ma question.
Il haussa les épaules, faisant de nouveau bouger ses grandes ailes, et regarda de nouveau la foule autour de nous avant de répondre.
— Les affaires. Je touche un peu à tout.
Il était on ne peut plus vague, mais je ne pouvais pas le lui reprocher, je l'avais également été. Garder l'anonymat, ça ajoutait encore un peu de mystère à cette rencontre. Et le mystère, c'était excitant.
Machinalement, je laissai ma main jouer sur son avant-bras. Suivant les contours de son tatouage du bout des doigts.
— C'est un vrai ? m'étonnai-je.
De loin, j'avais cru que c'était une sorte de décalcomanie, un accessoire hyper réaliste à son déguisement. Pour rendre son côté bad-boy plus authentique. Mais non, sa peau lisse était bel et bien recouverte d'encre noir. Marquée de façon indélébile.
Quelque part, cette idée m'émoustilla un peu plus.
Je m'intéressai d'un peu plus près au dessin. Partant de son poignet pour s'étendre jusqu'à son coude, de grandes flammes venaient artistiquement entourer la locution latine Carpe Diem au milieu de son avant-bras. C'était sobre et élégant, tout en lui donnant un petit côté voyou et anticonformiste.
Cette nouvelle pensée m'excita encore plus.
Je me demandai si d'autres tatouages étaient cachés sous ses vêtements. Et si oui, quoi et surtout où ?
— Oui. C'est une sorte de pense bête.
— Pour ne pas oublier de cueillir le jour présent sans te soucier du lendemain ?
— Quelque chose comme ça, répondit-il énigmatique. Et toi ? Ma Princess a-t-elle des secrets cachés quelque part sous cette petite robe ?
— Nope.
Mes secrets n'étaient pas écrits sur ma peau. Ils étaient enfouis au plus profond de ma mémoire. Et je ne voulais surtout pas y penser ce soir. Cette nuit, j'étais Blanche-Neige, et Blanche-Neige n'avait pas de secrets à cacher.
— C'est pas obligatoire. (Il me prit la main, et noua nos doigts ensemble.) On se trouve un coin plus tranquille ?
J'acquiesçai et le suivis une nouvelle fois. Nous longeâmes la plage en silence, laissant les danseurs s'épuiser au rythme de la musique.
Plus nous nous éloignions du centre, plus la foule se fit rare. Le décor en redevenait effrayant. Pour éviter de trop m'attarder sur les fausses tombes, je tournai la tête et observai les divers stands de part et d'autre du bar central. M'y intéresser ne faisant pas partie du chantage de ma très chère petite sœur, je les avais donc ignorés jusque-là.
Je fus à peine surprise d'y découvrir des ensembles de lingerie, nuisettes et autres accessoires beaucoup plus coquins. Comme me l'avait rappelé Alice, L'Ange était l'organisateur de cette soirée. C'était en quelque sorte normal qu'ils y vendent leurs produits.
J'étais plus surprise par le nombre de personnes, hommes et femmes confondus, qui faisaient ouvertement leurs emplettes, comparant les différents produits proposés par le stand avec leur voisin comme s'ils étaient en train de comparer des variétés de pommes devant un étal de marché aux légumes.
J'avais besoin d'un minimum d'intimité pour faire ce genre d'achat.
Enfin bon. Comme disait ma sœur, j'étais une vieille fille coincée.
Sortant de mes considérations, je m'intéressai de nouveau à notre destination lorsque mon ange enroula son bras autour de ma taille pour m'aider à descendre la marche qui menait à la plage, beaucoup plus haute de ce côté.
— Merci. Tu es véritablement un ange.
— Je ne suis pas un ange.
Surprise par la hargne qu'il avait mise dans son ton, je m'arrêtai net, le forçant ainsi à en faire autant. Il avait l'air plus tendu que tout à l'heure et je compris que j'avais touché une corde sensible. Je levai la main et caressai son visage, suivant des doigts le contour de ses lèvres.
— Pour moi tu es un ange, minaudai-je pour alléger l'atmosphère.
— Un ange déchu alors. Il prit ma main et l'écarta de son visage, comme s'il cherchait à me repousser.
Je fis la moue, il semblait avoir une si mauvaise image de lui.
— J'aurais dit un ange un peu triste. Mais si tu préfères déchu, ça me va. (Je m'avançai entre ses bras et levai de nouveau la main pour repousser les cheveux qui lui tombaient devant les yeux.) Un ange déchu et Blanche-Neige...
— Sexy, murmura-t-il avant de m'embrasser sur le bout du nez.
J'étais hypnotisée par ses yeux bleu, j'aurais pu passer des heures à les regarder.
Des gloussements à proximité nous sortirent de notre trans. Je clignai des yeux pour reprendre pieds dans la réalité. Pour échapper à son regard envoûtant, je tournai la tête en direction des gloussements. Je fronçai les sourcils en voyant une Alice, qui ressemblait beaucoup à mon Alice, les mains menottées dans le dos, poursuivie par un faux flic bodybuildé.
Brrrr... je secouai la tête en reportant mon attention sur l'ange qui se tenait devant moi. Il y avait des choses dans la vie qu'une sœur n'avait pas besoin de savoir.
— Ça va ?
— Oui, c'est juste que je viens de voir... Non. Rien. C'est pas important.
J'enroulai son débardeur autour de ma main et l'entraînai un peu plus loin sur la plage. Je ne savais pas exactement ce qu'Alice avait prévu de faire avec ce flic, par contre, j'étais certaine de ne pas vouloir être à portée d'oreille pour le découvrir.
Sans protester, l'ange me suivit en ricanant. Ses mains glissant sur ma taille, il me força à me tourner et colla son torse contre mon dos.
— Sur la plage, on danse. C'est la règle, susurra-t-il à mon oreille.
Il se remit à avancer en ondulant des hanches. Je suivis le même rythme en frottant mes fesses contre son entrejambe. Je grognai en sentant une bosse suspecte appuyée sur mon postérieur.
Je n'étais donc pas la seule que cette rencontre excitait.
Nous continuâmes à progresser sur le sable en dansant. Les pierres tombales se faisaient de plus en plus imposantes, je commençai même à voir quelques-unes des cryptes dont Nathan m'avait parlées un peu plus tôt. Plus nous nous éloignions du centre de la fête, plus la lumière se fit rare, accentuant davantage l'aspect lugubre du décor. Je frissonnai d'appréhension et l'ange resserra ses bras autour de moi.
— Où veux-tu aller ? murmura-t-il contre mon cou.
— Là-bas, ça me semble bien, répondis-je en désignant une sorte de mausolée ouvert qui me semblait vide un peu plus loin.
Nous croisâmes plusieurs couples qui semblaient pour le moins occupés et qui ne firent absolument pas attention à nous.
— Et maintenant ? Tu veux encore danser ? me demanda mon ange lorsque nous fûmes devant l'immense crypte ouverte.
Je me retournai pour lui faire face.
— Danser ? On n'entend presque plus la musique.
En effet, presque arrivés à la limite de la plage privée, je pouvais voir les remparts en faux bois vermoulu qui délimitaient la zone de la fête. Le bruit des vagues couvrait presque entièrement les morceaux remixés par le DJ.
— Qui a dit qu'on avait besoin de musique pour danser ?
Comme pour me prouver sa théorie, mon ange m'attira de nouveau dans ses bras et commença à bouger. Je gloussai une seconde mais finalement, je me laissai guider et finis par accompagner chacun de ses gestes. Rapidement, nous adoptâmes le même rythme et encore une fois notre danse s'apparentait plus à des préliminaires qu'à autre chose.
Je caressai sa peau partout où je pouvais l'atteindre. J'aimais sentir ses muscles rouler sous mes doigts. Il était grand, fort et bizarrement, je me sentais en sécurité entre ses bras.
— Ton costume est fantastique, chuchotai-je sans m'en rendre compte.
— Quoi ?
— On ne sent même pas l'ossature de tes ailes. Leur façon de bouger en même temps que toi, on dirait presque des vraies.
— Peut-être le sont-elles...
— Alors emmène-moi au paradis, mon bel ange déchu, murmurai-je en nouant mes bras autour de son cou.
— J'ai bien peur, Princess, qu'un ange déchu n'ait plus ses entrées au paradis.
— Que me proposes-tu à la place ?
— Malheureusement, je n'ai que ce cimetière à te proposer.
— Je saurai m'en contenter. Princesse Blanche Neige n'est pas exigeante.
Resserrant la prise de mes bras autour de son cou je l'attirai à moi. Il se remit à danser.
Rien n'avait importance, juste son corps contre le mien.
Rapidement ses mains se posèrent sur mes fesses, ses lèvres frôlèrent ma peau à chacune de ses respirations. Je perdais à nouveau la tête, envahie par les émotions qu'il me faisait ressentir.
Malgré notre proximité, j'avais la désagréable sensation de ne pas être assez proche de lui.
Je glissai mes doigts dans ses longs cheveux blond et, d'une pression ferme, attirai son visage vers le mien. Avant de réfléchir à ce que j'étais en train de faire, je me hissai sur la pointe des pieds et vins poser ma bouche sur ses lèvres. Passer une petite seconde de surprise, il répondit à mon baiser. Je sentis presque aussitôt sa langue venir caresser mes lèvres, m'incitant à m'ouvrir à lui.
Je poussai un léger gémissement avant d'accéder à sa demande silencieuse.
Rapidement notre baiser dégénéra et je me retrouvai plaquée contre le grand mausolée. Son corps puissant emprisonnant le mien alors qu'il cherchait à me dévorer la bouche.
Plus que tout l'alcool que j'avais bu dans la soirée, son étreinte m'enivra. Je n'étais plus maître de mon corps, je n'étais qu'une poupée de chiffons entre ses mains. Des mains qui se firent plus audacieuses. Passant sous le satin et la dentelle de ma mini-robe de princesse, elles jouèrent un instant avec le haut de mes bas avant de suivre les jarretelles pour venir serrer mes fesses à pleines paumes.
D'une légère pression, il me souleva et j'enroulai instinctivement mes jambes autour de ses hanches. Je poussai un nouveau grognement en sentant son sexe durci venir appuyer contre le mien. Seigneur ! C'était si bon. Encore plus lorsqu'il commença à bouger. Lentement. Tout à l'inverse de ses lèvres contre les miennes.
— Encore, murmurai-je à bout de souffle lorsqu'il finit par se reculer de quelques centimètres.
— Tu es sûre Princesse ? Si tu dis « oui », je vais devenir une vraie bête. Je ne pourrai plus me contrôler.
— Oui, gémis-je en resserrant l'emprise de mes jambes sur ses hanches pour lui faire comprendre ce que je voulais.
Sans ménagement, il raffermit son emprise sur ma croupe et plongea tête la première dans mon décolleté. Il lécha ma peau en suivant la couture de ma robe. Je me cognai l'arrière du crâne contre la fausse pierre tombale en rejetant la tête en arrière pour m'offrir à ses caresses presque brusques. Sa main droite quitta ma fesse pour venir caresser ma poitrine. À travers le tissu, ses doigts malmenèrent mes tétons durcis alors que ses dents laissaient des petites marques sur ma peau.
La sensation était si intense que je dus m'accrocher à ses cheveux pour ne pas m'effondrer.
— Plus...
La main qui était toujours sur ma fesse remonta doucement sur ma hanche pour se plaquer contre le satin de ma lingerie.
— Putain Princess ! Tu es trempée.
Pour toute réponse, je m'arquai de façon à approfondir la pression de sa paume sur mon clitoris. Il me caressa doucement, cherchant plus à attiser mon désir qu'à le soulager. Je tirai sur ses cheveux, j'étais si proche mais j'avais besoin de plus, de tellement plus.
Je sentis son sourire contre ma peau, il savait dans quel état j'étais, et ça l'amusait. Il mordit l'arrondi de mon sein droit une dernière fois avant de relever la tête pour me regarder dans les yeux. Malgré la faible luminosité, je vis un désir semblable au mien embraser ses iris et cela augmenta mon propre désir.
Un écho derrière moi se fit entendre et je poussai un cri de surprise et de frayeur mêlées en tournant la tête pour voir d'où pouvait venir le bruit.
— Tu es nerveuse... trop nerveuse. Je vais t'aider à te détendre Princess. Personne ne peut nous voir. Oublie où on est. Ressens.
Il avait sûrement raison. Nous étions vraiment loin de la foule, la nuit était aussi noire que de l'encre, seuls, trois citrouilles éclairaient un cercle de dix mètres autour de nous et surtout, les grandes ailes déployées dans son dos nous cachaient des regards indiscrets.
De toute façon, sa voix était tellement envoûtante que, telle une marionnette, mon corps lui obéit aussitôt et je me détendis, me concentrant uniquement sur la pression de ses doigts sur ma petite culotte.
Je glissai mes mains dans ses cheveux pour l'attirer à moi, mais il m'en empêcha. Me forçant à relâcher mon étreinte, il attrapa mes cuisses et me souleva jusqu'à ce que je me retrouve assise sur une espèce de petit rebord sur la stèle. Ma nouvelle position était étrange et relativement inconfortable. Des éléments du décor me rentraient dans le dos et j'avais l'impression de me retrouver sur un toboggan. Tout au bord du toboggan, mes jambes pendant autour de ses hanches, seule la pression des mains de mon ange sur mon bassin m'empêchèrent de tomber.
Tant bien que mal, j'essayai de m'accrocher à la pierre tombale alors qu'il inclinait la tête pour poser ses lèvres sur le haut de ma poitrine. Ses cheveux blond chatouillaient mon menton tandis qu'il posait une multitude de baisers sur la bande de peau laissée nue par le haut de ma robe.
La sensation, bien qu'absolument exquise, était insuffisante. J'avais besoin de plus de contact.
J'aurais voulu faire disparaître nos vêtements, sentir son corps nu contre le mien. Je perdais la raison et le contrôle. Et j'étais bien. J'étais libre.
J'essayai d'enrouler à nouveau mes jambes autour de ses hanches pour augmenter la pression entre nos corps mais ses mains agrippèrent plus fermement mes cuisses pour m'en empêcher.
Il releva la tête et, un sourire coquin sur les lèvres, murmura contre mes lèvres :
— Impatiente Princess ?
— Très, répondis-je d'un souffle rauque.
Il embrassa rapidement mes lèvres avant de glisser lentement le long de mon corps, semant çà et là des baisers brûlants. Lorsqu'il s'attarda quelques instants au niveau de mon ventre, je rêvai encore une fois de faire disparaître ma robe pour sentir ses lèvres sur ma peau, sentir sa langue redessiner le contour de mon nombril avant de descendre encore plus bas. J'en frissonnai d'avance.
Ce fut lorsqu'il reprit une direction plein sud que je sortis de ma rêverie sensuelle, mais la réalité était encore meilleure.
D'une simple pression, il m'incita à m'ouvrir d'avantage avant de plaquer sa bouche sur le haut de ma cuisse droite. Je gémis en me tortillant pour l'emmener exactement là où je brûlais 13 de le sentir. Il y était presque, seulement trois ou quatre centimètres plus à gauche et il trouverai mon centre nerveux encore recouvert de satin et de dentelle.
Malheureusement pour moi, mon bel ange semblait décidé à me torturer – ou à me rendre folle – parce qu'il se contenta de faire courir sa langue le long de la dentelle de ma petite culotte avant de relever la tête pour recommencer son petit manège sur l'autre jambe.
Son souffle sur ma peau, ses doigts qui me caressaient sans réellement me toucher, la position particulière dans laquelle je me trouvais, la possibilité que quelqu'un puisse nous voir... tout ça combiné allait finir par me rendre complètement dingue. Mon cœur battait à tout allure et mon intimité palpitait littéralement d'impatience.
J'étais vraiment à un pas du gouffre, s'il continuait comme ça, j'allais exploser avant même qu'il ne m'apporte toute son attention.
— Nate... suppliai-je en redressant la tête pour essayer de distinguer la masse de cheveux blond qui disparaissait entre mes cuisses.
— Là... Voilà... Juste là, me cajola-t-il avant de plaquer sa bouche contre mon clitoris.
Je bondis en sentant sa chaleur à travers le tissu humide et arquai le dos pour approfondir le contact alors que ses dents se refermaient autour de moi pour aspirer et mordiller mon point sensible. Ses mains me maintenaient en place pendant que sa bouche faisait des merveilles sur moi à travers ma lingerie. Je laissai une nouvelle fois ma tête repartir en arrière en essayant désespérément de m'accrocher à quelque chose, mais mes doigts ne rencontrèrent que de la pierre lisse et froide.
Putain !
C'était si bon. Et j'étais si proche.
Pour m'empêcher de crier, je me mordis violemment la lèvre inférieure lorsque le plaisir éclata en moi.
Mon cœur battait à tout allure et j'avais du mal à garder mon étrange position. J'étais toute molle. Lentement, mon ange se redressa entre mes cuisses, caressant mon corps du sien. Ravivant ainsi les étincelles du plaisir qu'il venait tout juste d'apaiser.
Plaquant ses mains sur mes hanches, il me regardait avec un arrogant sourire aux lèvres. Il savait parfaitement dans quel état il m'avait mise.
Le salaud !
Voulant effacer cet air suffisant de son visage, je glissai mes mains dans ses cheveux et l'attirai à moi pour retrouver ses lèvres. C'était diffus, vague, mais je pouvais presque me sentir sur sa langue. Je grognai de plaisir en me laissant glisser de mon perchoir. Lâchant ses mèches blondes, mes mains vinrent s'accrocher à ses épaules. Je griffai sa peau autant que je pus en pesant de tout mon poids contre son corps.
— Et si on passait aux choses sérieuses, bel ange ?
Je n'attendis pas de réponse et posai mes mains sur la boucle de sa ceinture. Mes doigts tremblèrent à peine lorsque je la détachai, tandis que Nate poussait ses hanches dans ma direction. Je me dépêchai d'ouvrir son jeans et plongeai aussitôt la main dans son boxer.
Je sentis son grognement remonter dans sa poitrine lorsque mes doigts s'enroulèrent autour de son membre. Je le caressai lentement, serrant fermement son gland dans ma paume avant de faire preuve de plus de délicatesse à l'approche de ses testicules. Comme lui, son sexe était long et ferme. J'avais hâte de le sentir en moi. Mon intimité se contractait rien qu'à cette idée.
Mais avant ça...
Ma main quitta son boxer et ignorant le grognement de frustration de mon bel ange, je la posai sur son torse pour le repousser légèrement.
Je me saisis de mon petit sac toujours accroché à mon poignet.
— C'est une bien jolie pomme que tu as là Princess. Je peux la croquer ?
— Essaie... si tu l'oses. Mais je pensais plutôt me servir de ça, répondis-je en ouvrant la pochette pour en sortir un préservatif.
Finalement, ma sœur se vit offrir un petit sursis. Sans sa vision particulière et loufoque de l'amusement, j'aurais pu finir ma soirée vraiment très frustrée.
Je levai les yeux pour observer Nathan. Son regard noirci par le désir s'enflamma en me voyant agiter le petit sachet entre nous. En moins d'une seconde, il récupéra le paquet argenté et en coinça le bord entre ses dents pour le déchirer d'un geste sûr sans me quitter des yeux.
Putain, qu'il était sexy.
Prise d'une audace folle, je récupérai la protection en latex et la posai sur mes lèvres avant de me laisser tomber à genoux devant lui.
J'agrippai son jeans ainsi que son boxer et tirai dessus pour les faire descendre sur ses cuisses en priant pour réussir mon petit projet sans me ridiculiser ou m'étouffer avec le préservatif.
J'avais vu ça dans un film et j'avais toujours eu envie d'essayer sans oser franchir le pas. La vodka qui courait dans mes veines m'en donnait enfin le courage.
Regardant Nathan dans les yeux, je me saisis de son membre dressé et le caressai lentement avant de me pencher pour venir poser ma bouche sur le bout de son sexe.
— Putain... Princess !
Tant bien que mal, je réussis à dérouler le préservatif sur son gland avec mes dents, mais je dus me servir de ma main pour le faire glisser sur l'ensemble de son érection.
Délicatement pour ne pas percer la fine couche de latex qui le recouvrait, je mordillai la chair sensible de son membre. Il était si imposant, si dur que je mouillai davantage à la simple idée de l'avoir bientôt en moi.
Rapidement, Nathan me saisit sous les bras et me força à me relever pour me plaquer une nouvelle fois contre le mausolée. Ses mains tirèrent sur le haut de ma robe pour en faire sortir ma poitrine. Je frissonnai lorsque l'air frais vient caresser mes tétons dressés. Aussi surprenante soit-elle, la différence de température de la légère brise qui balayait la plage et ma peau surchauffée par le désir était agréable.
Je n'eus pas le temps de m'attarder davantage sur la sensation, je sentis presque aussitôt la bouche de mon bel ange noir se refermer sur la pointe sensible. Aussitôt, je fus incapable de me concentrer sur autre chose que ses lèvres qui cherchaient à toujours plus m'exciter et sa main qui descendait rapidement sur ma cuisse pour finalement s'enrouler autour de mon genou pour m'inciter à la relever sur sa hanche.
— Tes seins sont magnifiques Princess, j'ai vraiment envie de les baiser, grogna-t-il en passant d'un téton à l'autre. Mais là, toute de suite, j'ai trop envie de te baiser tout court pour ça.
Délaissant mon sein, sa seconde main se faufila sous ma mini-robe. Je gémis en sentant ses longs doigts s'enrouler sur la fine dentelle de mon sous-vêtement. Nathan joua un instant avec le tissu, le pressant contre mon sexe surchauffé avant de tirer fermement dessus pour en déchirer l'étoffe. Ses grognements de plaisir résonnaient à mes oreilles.
Seigneur.
C'était bestial.
De loin l'étreinte la plus torride et érotique de ma vie. Et dire qu'on n'avait même pas réellement commencé.
— Nathan... gémis-je en laissant ma tête rouler sur le coté.
Il glissa sa main sur le bas de mon dos et, d'une simple pression, inclina mon bassin dans l'angle qui lui convenait. Mon unique talon haut planté aussi fermement que possible dans le sable, je m'agrippai à ses bras pour garder l'équilibre.
— S'il te plaît... bel ange...
— J'arrive Princess. Anticipe. Sens comment ça va être bon.
Sa bouche vint embrasser la mienne, doucement, comme s'il cherchait à étouffer le brasier qui brûlait entre nous depuis le premier regard. Il ne pouvait pas s'arrêter maintenant. J'en voulais plus.
Non. J'en avais besoin.
Je plantai fermement mes ongles dans sa peau et attrapai sa lèvre inférieure entre mes dents. Je mordis le petit bout de chair, aussi fortement que je pus, jusqu'à sentir une minuscule goutte de sang s'échapper de la petite coupure. Je l'attrapai du bout de la langue.
— Mmmm...
Je sentis Nathan grogner alors que sa main s'enroulait autour de son membre pour le guider vers mon entrée. Du bout des doigts, il vérifia que j'étais suffisamment humide avant de plonger en moi d'un seul coup de rein.
— Putain !
Voilà qui résumait parfaitement la situation.
Putain que c'était bon. Jamais je ne m'étais sentis aussi remplie.
Me laissant à peine le temps de m'habituer à son intrusion, qu'il commença à bouger. Vite et fort. Mon souffle se bloquait à chaque fois qu'il venait taper ce point si sensible au plus profond de mon être.
— Oui...
— Encore Princess, je veux t'entendre. Je veux que tout le monde puisse t'entendre prendre ton pied.
Glissant de nouveau mes doigts dans ses longues mèches blondes, je cessai de lutter et gémissais de plus en plus fort.
Le plaisir intense que je sentais monter en moi, transformait mes muscles en gelée. Je n'allais pas tarder à m'écrouler. Maladroitement, je calai mon pied sur la pierre tombale pour rester debout à chacune de ses poussées toujours plus vigoureuses.
Je tendis le cou pour poser mes lèvres sur sa bouche. J'en voulais plus. Je voulais le sentir partout.
Sa main glissa sur ma hanche pour venir caresser les quelques poils qui se dressaient sur mon pubis avant qu'il n'appuie son pouce sur la petite boule de bonheur cachée là.
— Jouis ! m'ordonna-t-il.
Et comme la poupée de chiffons obéissante que j'étais devenue dans ses bras, j'éclatai en un million de petits morceaux. J'eus l'impression que mon corps entier se dispersait aux quatre coins de l'univers. Je n'avais plus conscience de rien. Seulement de mon ange qui continuait à bouger contre moi. En moi. Qui cherchait sa propre satisfaction.
Au prix d'un effort incroyable, je réussis à rouvrir les yeux. Je ne vis que lui. Le bleu de ses iris obscurci par le plaisir. Ses grandes ailes déployées derrière lui battaient la mesure en cadence avec ses coups de reins.
C'était fascinant. Hypnotique. Irréel.
Plaquant ma bouche contre son cou, je lapai la sueur qui perlait là. Il avait un goût de sel, de sable chaud et de soleil. Comme s'il passait ses journées à la plage. C'était divin.
Je remontai lentement le long de sa mâchoire, lorsque je me mis à mordiller le lobe de son oreille, je sentis son corps se tendre brusquement pendant que son sexe pulsait en moi.
— Princess !
Nathan s'affaissa brusquement entre mes bras, son poids me cloua contre la pierre dur et froide. Reprenant lentement mon souffle, je caressai machinalement les petits cheveux de sa nuque. J'étais bien. Ce calme après toute cette intensité c'était... apaisant.
Contre ma poitrine, je sentis le cœur mon bel ange inconnu reprendre un rythme normal.
— Waouh ! Voilà qui était... inattendu.
Il releva la tête et vint caresser mon nez avec le sien avant de m'embrasser.
Je nouai mes bras autour de son cou en répondant à son baiser. Instinctivement, j'arquai le dos pour me presser contre son corps.
J'étais si bien. Lentement, je passai mes mains sous son débardeur et commençai à caresser le haut de son dos. Sa peau était si douce. Je suivis la fine plaque de métal de l'ossature de ses ailes. Elle partait de ses épaules pour rejoindre le milieu de son dos, où son ramage transperçait son débardeur pour s'épanouir derrière lui.
Ce fut juste à côté de la base que je la sentis, une cicatrice qui descendait en zigzaguant. J'en suivis les contours du bout des doigts. Elle était épaisse et rugueuse. Elle ne devait pas être jolie à voir. Enfin, pour autant qu'une cicatrice puisse être considérée comme jolie. Elle était trop longue pour que je puisse la suivre jusqu'au bout.
D'autant plus que l'ange se figea entre mes bras avant de se reculer brusquement.
— Ça suffit !
Je le regardai sans comprendre.
— Qu'est-ce...
— Ne recommence pas. Jamais.
Son humeur avait brusquement changé. De l'amant passionné il était devenu... quoi exactement ? Un être froid et distant. Pire encore. Il semblait en colère. Dangereux.
Il recula d'un pas puis se débarrassa du préservatif avant de remonter ses vêtements.
Choquée, je m'agrippai comme je pus à la pierre tombale pour ne pas m'écrouler à ses pieds. Le cœur battant à tout rompre, je continuai de l'observer tandis que mon cerveau tentait d'analyser ce qu'il venait de se passer.
Tout allait bien jusqu'à ce que je caresse sa cicatrice. Ça avait visiblement déclenché en lui cette réaction extrême. Plus extrême encore que lorsque je l'avais « traité » d'ange.
— On devrait retourner à la fête.
Je le fixai, bouche bée. Son ton n'invitait pas à la discussion. Je restai figée sur place.
— Tu devrais peut-être...
D'un vague geste de la main, il désigna ma poitrine. Je haussai les sourcils sans comprendre avant de baisser les yeux vers ce qu'il me montrait. Choquée par son brusque changement de comportement, j'avais complètement oublié que, pendant notre étreinte, Nathan avait rabattu l'avant de ma robe. Mes seins étaient toujours exposés à la vue du premier passant.
Rapidement, je rangeai ma poitrine dans ma mini-robe Blanche-Neige puis récupérai les vestiges de ma culotte que je réussis, par je ne sais quel miracle, à caser dans ma petite pomme.
— Allons-y !
Nathan m'agrippa par le bras et m'entraîna vers le centre de la plage. Il était nettement plus distant qu'à l'aller et je ne savais pas du tout quoi dire ou faire pour arranger la situation.
Bien que pas coutumière du fait, je ne m'attendais pas à ce que notre tête à tête se transforme comme par magie en demande en mariage, mais là... j'avais un peu l'impression de me faire virer comme une malpropre.
Cette brusque volte-face avait au moins eut le mérite de me désaouler. Cela ne m'empêcha pas de trébucher sur le sable. Avant de finir étalée de tout mon long, le bras de Nathan s'enroula autour de ma taille et m'attira contre lui pour me stabiliser.
— Ça va ?
— Oui... je... j'ai du sable dans les chaussures.
— À la plage, ça arrive Princess, ricana-t-il.
Nouveau changement d'humeur.
S'il ne semblait pas aussi détendu qu'au moment de notre rencontre, il était clairement moins en colère que cinq minutes plus tôt.
— Tu me reparles ? lançai-je avant d'avoir eu le temps d'activer mon filtre cerveau/bouche.
— Bien sûr Princess.
Visiblement, il ne comprenait pas ce que je lui reprochais.
— On n'aurait pas dit.
— Excuse-moi... c'est juste...
— C'est par rapport à ta cicatrice ? demandai-je lorsqu'il s'arrêta de parler.
Il stoppa et me força à en faire autant.
— Écoute Princess, on a baisé ensemble. C'était vraiment bon. Mais ne crois pas que ça te donne le droit à plus. C'est pas ce que je cherche.
— Ok... je ne te demande pas en mariage ! m'exclamai-je en levant les mains en l'air. Je cherchais juste à comprendre.
— Tu n'as pas besoin de comprendre.
— C'est bon. J'ai saisi.
Je lui tournai le dos et repartis en direction du bar. Nathan me rattrapa en moins d'une seconde et glissa son bras autour du mien.
— Princess, ne le prends pas comme ça...
— Je t'ai dit que j'avais compris. Tu veux pas en parler ? Très bien. Je vais pas te forcer.
Nous avançâmes en silence, regagnant rapidement la sécurité relative de la terrasse en teck. Un peu avant le premier stand de lingerie, je m'arrêtai devant un panneau.
— Tu permets ? demandai-je en montrant la porte un peu plus loin.
— Évidement.
Sans le moindre signe avant coureur, Nathan saisit mon visage à pleine main et m'embrassa. Sa langue força l'entrée de ma bouche et aussitôt je me laissai aller entre ses bras en répondant à son baiser.
Aussi brusquement qu'il avait commencé, notre échange prit fin.
Nathan me libéra lentement. J'étais haletante et ébahie par ce nouveau retournement de situation.
Les jambes tremblantes, je titubai jusqu'aux toilettes pour dames. Après avoir attendu une éternité qu'une cabine ne se libère, je me retrouvai devant un grand miroir qui surplombait une rangée de lavabos.
Je m'aspergeai le visage pour me rafraîchir, puis tentai de me recoiffer avec mes doigts. Je m'assurai que ma robe couvrait correctement tout ce qui devait être couvert. Ce n'était pas parfait mais vu l'heure tardive ça passerait.
Je me redressai, puis après un dernier coup d'œil au miroir, je quittai les toilettes pour aller rejoindre mon bel ange, déchu et lunatique.
Je me demandai de quel humeur il allait être.
Tentant de calmer les battements de mon cœur, je remontai le couloir qui reliait les toilettes à la plage. Mon regard se dirigea automatiquement en direction de l'endroit où j'avais laissé Nathan. Il n'y était pas.
Je fis un rapide tour sur moi-même, cherchant ses grandes ailes noires dans la foule. En vain. Je devais me rendre à l'évidence, mon bel ange noir n'était plus là.
Son absence m'attrista plus que je ne l'aurais pensé.
Je n'attendais rien de particulier de cette rencontre, mais je pensais au moins mériter un « au revoir » digne de ce nom.
Dépitée, je croisai les bras sur ma poitrine et pris la direction du bar dans l'espoir d'y retrouver ma sœur. Je voulais rentrer chez moi.
De l'autre côté du long comptoir, j'aperçus la mini-robe bleu ciel d'une Alice aux pays des Merveilles. Je m'y dirigeai aussitôt en priant pour qu'il s'agisse bien de mon Alice. Je n'avais pas envie de passer des heures à la rechercher dans la foule.
— Hey ! Te voilà. Ça fait plus d'une heure que je te cherche.
Génial. Dieu semblait être de mon côté.
Alice se planta devant moi, son sourire ultra large et ses yeux brillants m'indiquaient très clairement son degré d'alcoolisation. Ma sœur devait avoir largement dépassé les cinq cocktails qu'elle m'avait imposés pour la soirée.
— J'étais là, répondis-je en désignant vaguement la piste de danse. Je te rappelle que tu retiens toujours les clés de chez moi en otage. (Je regardai machinalement autour de moi) D'ailleurs, tu peux me les rendre ?
— Tu as rempli les conditions ? Toutes les conditions ? demanda-t-elle d'un air sévère.
Merde.
J'avais espéré qu'elle oublierait ses conditions. Je n'avais pas vraiment envie de parler de ça avec ma petite sœur.
— Oui. (Elle m'observa de façon suspicieuse) Écoute Alice. J'ai bu. Sûrement plus que j'aurais dû. J'ai dansé. Je me suis même... amusée. Maintenant j'aimerais bien rentrer chez moi. Pour me doucher (le sable, cette saloperie vicieuse qui se glisse partout) et me coucher.
J'étais épuisée. J'avais juste envie de dormir pour oublier. Je réfléchirai aux conséquences de mes actes demain. Ou plus tard.
— À une condition.
— Encore ! Soupirai-je.
— Juste une. J'ai envie de boire un verre avec ma sœur. Je t'ai pas vue de la soirée.
Je levai les yeux au ciel. C'était elle qui m'avait abandonnée un bloody mary à la main des heures plus tôt et maintenant, elle osait se plaindre de ne pas m'avoir vue de la soirée.
Je soupirai longuement, résignée. Elle ne lâcherait pas l'affaire avant d'avoir obtenu ce qu'elle voulait. Et si j'insistais trop pour partir immédiatement, son flair infaillible se mettrait à la titiller et j'aurais alors droit à un interrogatoire digne de l'inquisition espagnole.
— Très bien. Mais juste un.
Elle gloussa et se mit à sautiller sur ses talons haut en tapant des mains un instant avant qu'elle ne se mette à tituber en direction du bar. Redoutant une chute, je la suivis, prête à la rattraper au moindre signe de faiblesse.
— Dis mon chou. On va aller s'installer là-bas. (Elle désigna une table vide un peu plus loin) Tu pourrais nous apporter deux bloody mary ?
Ne laissant aucune chance à Spartacus de lui rappeler que le service se faisait uniquement au comptoir, Alice se retourna vers moi et m'entraîna en direction de ladite table.
Je fis très attention à ce que ma robe ne remonte pas en m'installant sur l'un des deux tabourets (j'avais suffisamment désaoulé pour me rappeler que j'avais toujours les fesses à l'air) alors que ma sœur elle, escalada le sien comme l'on grimpe sur le dos d'un cheval. En rigolant. Je m'attendais presque à l'entendre s'écrier « hue dada » en tapant sur la table.
Presque aussitôt, Spartacus déposa nos consommations devant nous.
— Merci mon chou ! T'es un véritable amour, le remercia ma sœur en lui donnant une tape sur les fesses.
Elle était tellement familière et décontractée avec le serveur que je me demandais si ce n'était pas l'un de ses nombreux amis.
— Tu le connais ?
— Non. Pourquoi ? Tu veux que je te le présente ?
— Merci, ça ira ! répondis-je vivement avant qu'elle n'ait le temps de rappeler Spartacus. Je suis assez grande pour rencontrer des gens toute seule.
— Ah bon ?
Elle semblait réellement surprise. Et une partie de moi se sentit quelque peu vexée qu'elle puisse ainsi douter de mes capacités à faire de nouvelles rencontres.
— Oui. Contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas une idiote.
— Alors pourquoi es-tu seule depuis que...
— Alice, l'interrompis-je vivement ne voulant pas entendre parler de lui ce soir, ni un autre jour pour être honnête. Être seule, et avoir envie de l'être, ne veut pas dire être asociale.
Elle me regarda comme si une deuxième tête venait de me pousser à côté de la première.
— Mais ça fait bientôt un an que...
— Je sais parfaitement combien de temps ça fait Alice ! la coupai-je une nouvelle fois. Crois-moi, je sais.
La date était gravée au fer rouge dans ma mémoire. Je n'étais pas prête de l'oublier, quand même j'en eusse eu envie. Cela ne voulait pas pour autant dire que je voulais qu'on me la rappelle à tout bout de champ.
Plus pour me donner une contenance qu'autre chose, j'attrapai mon verre et vidai presque la moitié du contenu d'une seule gorgée.
— Je me demandai... Tu te mêles aussi de la vie privée d'Amélia et d'Addison ou alors j'ai droit un traitement de faveur ?
Sa moue contrite suffit à me répondre. Je secouai la tête en lui lançant un regard noir.
— Nope, confirma-t-elle tout de même.
Elle haussa les épaules. Pour s'excuser de son ingérence ou parce qu'elle ne voyait pas le problème, je n'aurais su le dire.
— Et je peux savoir pourquoi ?
— Parce qu'elles n'ont pas besoin d'aide pour s'amuser.
— Alors que moi oui ? demandai-je en relevant les sourcils.
— Franchement ? Oui. Tu as vu tout ce que j'ai dû faire pour que tu acceptes de venir ? Tu crois que ça a été simple à organiser ?
— Tu ne m'as pas laissé le choix ! sifflai-je plus méchamment que je ne l'aurais voulu.
— C'est bien ce que je te dis ! s'exclama-t-elle en tapant sur la table.
J'avais l'impression de parler à un mur. Déjà qu'en temps normal Alice était du genre têtue, alors ivre...
— Ce que je veux dire Alice, soupirai-je, c'est que tu ne m'as même pas demandé de venir. Tu m'as directement piégée.
— Parce que tu serais venue ?
Je me figeai instantanément. Parce que non, je n'aurais très certainement pas accepté l'invitation. Une fête d'Halloween costumée en version... adulte, ce n'était pas mon genre.
Alice avait raison sur ce point.
J'avais toujours été trop coincée pour ça.
Mais le lui dire n'était pas une option envisageable. Elle serait alors persuadée d'avoir eu raison et serait bien capable de recommencer son stratagème diabolique pour m'entraîner à toutes les fêtes qu'elle voudrait. Encore et encore.
— Ça, on ne le saura jamais, biaisai-je en secouant la tête. Mais je sais pas. Peut-être.
— Mais tu t'es amusée ? demanda-t-elle prudemment.
L'image de mon bel ange noir me plaquant toujours plus vivement contre le mausolée s'imprima derrière mes paupières. Pour m'amuser, on peut dire que je m'étais amusée.
— Oui... répondis-je en détournant les yeux. Mais ce n'est pas la question. Je n'ai pas besoin que tu t'immisces comme ça dans ma vie. Je vais bien.
— C'est vrai ?
— Oui, affirmai-je. Je ne comprends pas ton obsession pour ma vie sociale.
— Ben tu es seule...
Elle haussa les épaules comme si c'était une raison suffisante pour justifier ses plans les plus machiavéliques.
— Addison et Amélia aussi, contrai-je sèchement. Pourtant, je suis la seule à être ici.
C'est vrai, nous étions quatre sœurs. J'étais peut-être la plus âgée mais je n'étais pas la seule célibataire de la famille. Nous l'étions toutes les quatre. Même si pour Alice ce célibat se révélait être un véritable choix. Le choix de privilégier les aventures d'un soir. Elle se disait beaucoup trop jeune pour ne serait-ce qu'envisager de s'engager.
— Oui mais non. Si tu sortais plus souvent le nez de tes archives pleines de poussière, tu saurais que Millie à rencontrer quelqu'un. (Elle me regarda en fronçant le nez.) Pis toi, tu vas avoir 30 ans !
— Parce qu'une loi Céleste a décrété qu'une femme avait loupé sa vie si elle était pas mariée et mère de famille le jour de son 30e anniversaire ?!
— Qu'est-ce que tu es susceptible ! Tu devrais vraiment t'envoyer en l'air ! Ça te ferait du bien.
À cette seconde précise, il se passa deux choses.
Premièrement, je recrachai la fin de mon bloody mary sur la table en m'étouffant à moitié.
Deuxièmement, je sentis un corps venir se placer juste à côté de moi à peine une micro seconde avant qu'une voix ne murmure un mot à mon oreille. Un simple et unique mot. Mais pas n'importe lequel. Et surtout pas prononcé par n'importe quelle voix.
Avec le recul, je me demandai qui, de ma sœur ou de la voix, avait failli provoquer ma mort par suffocation.
— Princess.
Malgré la quinte de toux qui me secouait, je n'eus aucun mal à reconnaître sa voix.
Je tressaillis lorsque sa main se posa sur le bas de mon dos, je me redressai vivement et tentai de concentrer toute mon attention sur ma sœur, assise en face de moi.
Elle s'était figée et regardait l'ange déchu d'une drôle de façon. Si je ne la connaissais pas aussi bien, de la voir ainsi passer la main dans ses cheveux pour se recoiffer ou encore à essayer de lisser le devant de sa robe, j'aurais pu croire qu'elle était nerveuse.
— Monsieur Spencer... Je... Je ne savais pas que vous deviez venir... bafouilla-t-elle d'une petite voix suraiguë. Monsieur Spencer ?
— Mademoiselle Foster, répondit mon ange d'un ton surpris, comme s'il remarquait seulement maintenant la présence de ma sœur à la table. Où pourrais-je être sinon ici ? Après tout, je suis L'Ange. (Il détailla Alice avec attention avant de reprendre.) Chouette déguisement. Peut-être un peu facile, non ?
Je ne compris pas grand chose à ce qu'il se passait depuis quelques minutes mais je supposais qu'il se moquait de l'originalité du costume de ma sœur.
— Je ne me voyais pas me déguiser autrement. Alice au pays des merveilles, c'est... tout moi. J'adore.
Aussi loin que je me souvienne, ma sœur avait toujours été fascinée par le personnage d'Alice au pays des merveilles. Elle avait même tanné nos parents pour avoir un lapin (blanc bien évidemment) pour son septième anniversaire. Je la revoyais encore organiser des thés de non-anniversaire avec ses nounours, (tous des personnages du dessin animé), son lapin et mon chat qu'elle rebaptisait Dina pour l'occasion, dans son déguisement d'Alice. Déguisement beaucoup plus sage que celui qu'elle portait ce soir.
Aujourd'hui encore, j'ignorais si elle était fascinée par le personnage à cause de son prénom et de leur ressemblance physique ou s'il s'agissait d'un simple hasard.
La voix de ma sœur me sortit de mes souvenirs.
— Vous me reprochez mon déguisement ? Vous ? (De l'index, elle pointa ses grandes ailes noires.) Ce n'est pas un peu ironique de votre part Monsieur L'Ange ?
— Comme je l'ai dit, c'est moi L'Ange... s'esclaffa mon bel inconnu.
J' étais de plus en plus perdue.
— Hum... Excusez-moi...
— Oh désolée, s'excusa Alice. Monsieur Spencer, permettez-moi de vous présenter ma grande sœur, Lana Foster. Lana, voici l'homme grâce auquel je ne pointe pas au chômage, Nathan Spencer. L'homme derrière L'Ange. Mon big big boss.
L'homme derrière L'Ange ?
Son boss ? Son big big boss ?
J'avais couché avec son big big boss ?! Un mec que je ne connaissais ni d'Ève ni d'Adam. En pleine fête d'Halloween organisée par sa boutique de lingerie fine.
J'étais dans la big big merde !
— Euh... Enchantée... Monsieur Spencer... finis-je par balbutier en me tournant vers l'ange noir qui se tenait toujours à mes côtés.
Je lui tendis la main pour le saluer. Il la regarda un instant, le sourire coquin qui m'avait fait chavirer plus tôt sur les lèvres, avant de s'en saisir et, au lieu que de la serrer, il la porta à ses lèvres.
— Ravi de vous rencontrer Lana... Je vous en prie, appelez-moi Nate...
Sa voix avait d'abord caressé mon prénom d'une façon tellement indécente, qu'il avait fait frémir chaque fibre de mon être avant d'appuyer sur le diminutif de son prénom. Celui que j'avais murmuré en jouissant entre ses bras un peu plus tôt dans la soirée.
Seigneur !
— Blanche-Neige s'appelle donc Lana... vous permettez que je vous appelle Lana ? demanda-t-il avant de se pencher légèrement et d'ajouter à mon oreille : même si pour moi Blanche-Neige restera à jamais Princess... ma sexy Princess gémissante. (Il se redressa comme si de rien n'était alors que je n'étais plus qu'un tas de guimauve dégoulinante.) Alors Lana, vous passez une bonne soirée ?
Je déglutis difficilement. À quel jeu jouait-il ? Il me laissait en plan devant les toilettes après m'avoir baisée dans un coin de sa petite fête et maintenant il jouait le joli cœur devant ma sœur qui se trouvait également, être l'une de ses employés.
— Euh... Oui... J'ai pas à me plaindre.
— Vous m'en voyez ravi Lana... Après tout, c'est le but de cette soirée de lancement. Que nos plus fidèles clientes et clients - car oui, la lingerie est aussi une affaire d'hommes – s'amusent.
— De lancement ?
— Oui, la nouvelle collection de déguisements sexy. (D'un geste ample de la main, il engloba toute la foule) Tous les déguisements portés ce soir sont des tenues signées L'Ange. Votre sœur ne vous l'a pas dit ? demanda-t-il surpris.
— En fait, non !
Je me tournai vers Alice pour lui jeter un regard noir. Elle aurait pu me prévenir !
— Si tu étais moins coincée, je n'aurais pas eu besoin de te cacher certains détails.
— Je ne suis pas coincée ! sifflai-je en tentant d'étrangler ma sœur par la pensée.
Alice leva les yeux au ciel et j'entendis son patron ricaner à côté de moi. Je ne voulais pas vraiment savoir ce qui faisait rire mon amant d'un soir. J'avais bien trop honte du comportement de ma sœur et du mien pour ça.
— Tu parles ! Tu vas finir plus desséchée que les momies que tu baby-sittes.
Posant les deux coudes sur la table, je plongeai la tête dans mes mains.
Pitié seigneur ! Faites que la terre m'engloutisse. Après tout, nous étions en Californie, une petite secousse sismique, c'était pas trop demandé non ?
Évidemment, le seigneur semblait toujours occupé lorsque j'avais besoin d'un petit coup de main. Je me contentai de faire comme si le monde extérieur n'existait pas. Puéril certes, mais contrairement à ma sœur, je n'avais plus assez d'alcool dans le sang pour faire face à l'humiliation qu'elle allait me faire subir devant son patron.
Entre mes doigts, je fixai mon verre vide en m'interrogeant. Est-ce que, dans un pur style MacGyver, je pourrais tuer Alice avec une simple paille ?
— J'ignore de quelles momies vous parlez, mais certains disent que je juge plutôt bien les gens et je suis sûr que vous vous trompez sur votre sœur. Et qu'elle n'est pas aussi coincée que vous le pensez.
Surprise par cette défense... inattendue, je relevai vivement la tête. Alice semblait aussi étonnée que moi. Elle fixa son patron d'un air ahuri.
Je me tournai vers l'ange, il avait cessé de nous regarder. Son attention était retenue par quelque chose loin derrière ma sœur. Il parut énervé. Son visage était plus dur, plus fermé. Cette nouvelle expression lui donnait un air sévère. Dangereux.
Je devais reconnaître que, lorsque je n'en étais pas responsable, cette simple idée m'excita à nouveau. Et j'eus beaucoup de mal à retenir un gémissement. Je croisai les jambes pour tenter de maîtriser ce feu qui renaissait en moi.
— Excusez-moi mesdemoiselles, il semblerait que je sois appelé ailleurs.
Sa main glissa sur mon dos, lentement, provoquant de délicieux frissons le long de ma colonne vertébrale. Je dus me mordre l'intérieur des joues pour ne pas gémir devant ma sœur. Puis il s'en alla aussi rapidement qu'il était arrivé.
Machinalement, je le suivis des yeux.
Ses ailes renvoyaient cette apparence illusoire de sortir directement de son débardeur, c'était réellement impressionnant. Je laissai mon regard glisser sur sa silhouette pour admirer son fessier parfaitement moulé dans son jeans noir.
— Oublie !
Je sursautai et me tournai vivement vers ma sœur.
— Quoi ?
— Je sais pas exactement ce que tu as en tête mais, Tu. Ou-blies ! répéta-t-elle en insistant sur chaque mot. Nathan Spencer n'est pas un homme pour toi.
— De quoi tu parles ?
— De ton regard. Je suis peut-être bourrée. Sûrement même. Mais je ne suis pas aveugle. J'ai vu comment tu le dévorais des yeux. C'est limite si tu le suivais pas en bavant quand il est parti.
Merde. Je pensais avoir réussi à être un minimum discrète.
— Je vois pas de quoi tu parles.
— Fais l'innocente autant que tu veux. Je sais qu'il est super sexy... mais tu l'oublies. Premièrement c'est mon patron. Et deuxièmement, comme je te l'ai dit, c'est pas un homme pour toi. C'est même pas un homme pour moi !
Je la regardai sans comprendre.
Il n'y a pas vingt minutes, elle se lamentait sur le vide sidéral de ma vie sentimentale – pour ne pas dire sexuelle – et mon incapacité à faire des rencontres ou plus simplement à m'amuser. Et maintenant, elle me reprochait de baver sur un homme ?
— Pourquoi ça ?
— Ce mec est un coureur. Pire que ça. Je suis dans la boîte depuis six mois et je l'ai déjà vu avec plus de femmes à son bras que je n'ai de doigts pour les compter. Il paraît même qu'il lui arrive souvent de repartir de soirée avec une femme différente de celle qui l'accompagnait en arrivant. Crois-moi Lana, il n'est pas l'homme qu'il te faut.
J'étais choquée. Vraiment. Bien sûr, vu notre rencontre, je ne m'attendais pas à ce que mon bel ange inconnu soit candidat au poste de « gendre idéal » mais... changer de partenaire en cours de soirée ?
C'était... Quel genre d'homme faisait ça ?
Une idée relativement déplaisante me traversa l'esprit. Si ça se trouve, il était arrivé avec une belle blonde à son bras et avait saisi au vol la distraction que je lui avais offerte avant de repartir avec une autre femme pour finir la nuit. Pourquoi pas une rousse.
— En plus, il a ce côté sombre, poursuivit Alice comme si de rien n'était. On ne sait rien de lui. Il a fondé L'Ange il y a environ cinq ans mais avant on ne sait pas. C'est comme s'il était né en même temps que la boîte. Si ça se trouve, il a assassiné toute sa famille avant d'arriver à Los Angeles.
J'étais totalement perdue, ma sœur disait n'importe quoi. Elle avait toujours eu une imagination débordante.
— Alice... je ne m'intéresse pas à ton patron. Je reconnais qu'il est sexy mais il n'y a rien de plus, mentis-je en la regardant dans les yeux pour tenter de paraître plus convaincante.
— Mouais... répondit-elle, sceptique.
— Promis, assurai-je en levant les mains en signe d'innocence. D'ailleurs, si tu me rends les clés de chez moi, je pourrais enfin partir d'ici... Je ne le reverrai jamais. Donc c'est pas la peine de faire tout un plat parce que pendant une seconde j'ai maté ton patron. Tu as reconnu toi-même qu'il était sexy.
Alice soupira mais posa tout de même son sac devant elle. Elle ouvrit le dos du lapin, et en sortit mon trousseau de clés. Je m'en saisis rapidement avant qu'elle ne change d'avis. Je les rangeai aussitôt en sécurité dans mon décolleté, bien que je me doutais que ça n'empêcherait pas ma sœur d'aller les récupérer si elle le décidait.
Une fois fait, je tendis à nouveau la main dans sa direction.
— Quoi ? demanda-t-elle en fixant ma main sans comprendre. Tu as tes clés.
— Et maintenant, je veux les tiennes.
— Pourquoi ?
— Même si j'ai désaoulé et je ne suis toujours pas en état de conduire. Tu ne l'es pas non plus. Je tiens juste à m'assurer que ma petite sœur ne se prenne pas pour une immortelle en essayant de rentrer chez elle en voiture.
— Je suis pas débile.
— Je sais que tu l'as déjà fait, tu as même fini à l'hôpital après qu'un mur ait « traversé la rue sans prévenir ». Donc, soit tu me donnes tes clés, soit tu rentres avec moi. Tu as vu, je te laisse le choix, moi.
— Ok... râla-t-elle en me tendant tout de même son trousseau de clés. Et après tu oses me dire que tu n'es pas une rabat-joie coincée !
— Traite-moi de rabat-joie coincée autant que tu veux, ça veut dire que tu es encore vivante. Tu les récupéreras demain, quand tu viendras me rendre mes vêtements. Parce qu'aussi belle que soit cette robe, je ne me vois pas aller au Musée ainsi lundi matin.
— Bien... je serai chez toi à 10h. Mais tu m'aideras à récupérer ma voiture.
Je hochai la tête en descendant prudemment de mon perchoir. J'allais aussi devoir revenir pour récupérer ma propre voiture, je pouvais très bien partager un taxi avec elle. J'embrassai ma sœur sur la joue puis partis rapidement avant qu'elle ne trouve un nouveau moyen de me retenir.
Je remontai la terrasse et quittai la plage privée en saluant les deux centurions qui montaient toujours la garde devant le faux cimetière. J'avançai sur le trottoir à la recherche d'un taxi, peine perdue, il devait être deux ou trois heures du matin, les rues étaient désertes. Je sortis mon téléphone et grognai en constatant que si ma sœur avait kidnappé mon smartphone, elle avait visiblement oublié de le nourrir, la batterie devait être à plat depuis des heures.
Je soupirai et commençai à remonter Ocean Front Walk en direction du nord tout en pestant contre ma sœur. Je savais qu'il y avait une station un peu plus haut, au niveau du théâtre de l'horreur.
Dieu merci, plusieurs taxis attendaient les fêtards qui allaient commencer à sortir. Je grimpai dans le premier de la file en soupirant de soulagement, dans trente minutes je serai à la maison et dans moins d'une heure, je serai dans mon lit.
Je m'installai confortablement sur la banquette arrière avant de donner mon adresse au chauffeur. La voiture démarra et je laissai mon regard se perdre par la fenêtre alors que nous longions le faux cimetière dans l'autre sens.
J'essayai de ne pas trop analyser la soirée. Elle avait été riche en émotions et je ne savais pas trop ce que je devais penser de mon aventure avec un bel inconnu (qui comble de l'ironie se trouvait être le patron de ma sœur) ou des révélations qu'Alice m'avait faites à son sujet.
Malgré le tableau vraiment peu flatteur qu'elle m'avait dressé, je n'arrivai pas à regretter mon moment de folie.
Je me redressai brusquement sur mon siège lorsque, passant devant l'entrée, je vis L'Ange noir Nathan Spencer debout entre les deux centurions. Ainsi entouré, il était encore plus impressionnant. Malgré la distance et la pénombre de la rue, j'étais persuadée qu'il m'avait vue. Il semblait suivre le taxi des yeux et je crus distinguer un sourire sur ses lèvres quand le véhicule passa à quelques mètres de lui. Comme si, en plus de m'avoir reconnue, il savait que je pensais à lui.
Me dévissant la tête sur la banquette arrière, je gardai le contact visuel aussi longtemps que je pus. Mais le taxi finit par prendre une rue parallèle.
Et il disparut dans la nuit.FIN
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Irrésistible Attraction
RomanceAlors qu'elle est victime d'un chantage des plus surprenants, Lana se retrouve obligée de participer à une soirée déguisée le soir d'Halloween. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la jeune femme décide de profiter de sa soirée. Lorsqu'un Ang...