Prologue

144 6 0
                                    

Je sais que je ne l'ai pas laissée très loin de la scène, mais ça fait déjà 10 minutes qu'elle reste introuvable. Me faufiler entre ces corps dégoulinant de sueur commençais à me donner la nausée. La foule était tellement dense que je ne voyais même plus mes propres pieds. Alors que j'essayais d'éviter de percuter la jeune femme à côté de moi, je fus projetée violemment en arrière. Un homme m'aida à me relever, s'assura que j'allais bien et rejoignit son groupe d'amis. L'air me manquait considérablement à présent, je continuai tant bien que mal ma quête. Après tout, je m'étais absentée juste le temps de passer aux toilettes, de me repasser un coup de crayon sous les yeux et bien sûr de me faire bousculer. Je décidai d'aller voir mon père, qui avait absolument tenu à m'accompagner pour mon premier concert, histoire qu'il n'y ait pas de « dérapages », comme il dit. Il se tenait un peu en retrait, je pense qu'il n'était pas vraiment dans son élément, lui qui est d'ordinaire si sérieux. C'est en dépassant la dernière rangée d'hystériques, que j'aperçu Eva en grande conversation avec ce dernier. Enfin! Je commençais à croire qu'elle était retournée au buffet, garni de pâtisseries de toutes sortes, elle est toujours en manque de sucre.

-Mais où étais-tu passée ? mécriai-je, Tu m'avais dit que tu restais près de la scène, à côté des basses...

-Tien tien, qui voilà ? annonça mon père

-Excuse-moi, mais c'est toi qui as disparu pendant un quart dheure ! répliqua Eva, de sa voix rendue aigüe par l'inquiétude. Ils étaient en train de chanter notre chanson préférée quand je me suis retournée pour voir ce que tu faisais. Et là, plus personne ! Donc TOI où étais-tu? Pas en train de galocher j'espère ? ajouta-t-elle plus bas, une lueur espiègle dans le regard.

-Certainement pas, lui répondis-je en lui rendant son sourire narquois. Je t'ai prévenue que j'allais aux toilettes et je t'ai demandé de rester près de la scène. Et comme tu as hoché la tête je pensais que c'était ok.

-Euh... en fait je t'ai pas entendue. Je hochais la tête au rythme de la musique. Désolée, couina-t-elle en prenant l'air le plus adorable au monde.

-Bon, ce n'est pas la peine de dramatiser vous vous êtes retrouvées c'est l'essentiel, déclara mon père. Vous n'y retournez pas ?

-J'aimerais bien aller faire un tour dehors, je commence à avoir mal au crâne. Ne t'inquiète pas on reste juste devant la salle, ajoutai-je en haussant le ton à l'attention de celui-ci.

-D'accord mais ne restez pas dehors trop longtemps les filles, sinon je viens vous chercher ! ordonna-t-il de sa voix de chef de famille, alors que nous nous dirigions vers la sortie.

Nous passâmes les portes, et je retrouvais enfin l'air frais qui régénéra mes poumons. Si jétais restée une seconde de plus à l'intérieur je serais tombée dans les pommes. Mon malaise se dissipait déjà. Je me retournai vers ma meilleure amie et éclatai de rire instantanément. Elle avait des restes de gâteau au chocolat tout autour de la bouche et même sur le nez. Je ne m'en étais pas aperçue dans la salle, nous étions plongées dans le noir.

-Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda-t-elle sur le point de se tordre de rire à l'annonce d'une quelconque blague de mauvais goût dont j'avais le secret.

Ne pouvant pas lui répondre tellement le spectacle qu'elle m'offrait était hilarant, je la pris en photo et lui montra. Son innocence s'évapora et laissa place à une euphorie dévastatrice qui la fit se tordre de rire autant que moi. Elle se redressa après coup :

-Moi qui pensais avoir réussi à ne pas m'en foutre partout ! avoua-t-elle. Je vais me nettoyer tout ça avant que quelqu'un ne me voit. Tu m'accompagnes jusqu'aux toilettes ?

-En fait, je pense que je vais rester là encore un peu, j'ai besoin de respirer. On se rejoint là où est mon père. Tu crois que tu vas y arriver toute seule ?

-Oui ! Quand même, tu me prends pour qui ? Ce n'est pas moi qui me perdais dans le lycée en début dannée. S'exclama-t-elle avec son inexorable lueur de malice dans les yeux.

Elle rentra dans la salle me laissant seule sur le trottoir. Mon souffle formait un nuage de buée autour de moi. C'était un mois de novembre particulièrement froid, la route était éclairée par la lumière blafarde des réverbères. Sur le trottoir d'en face se trouvait une petite place où l'herbe gelée se confondait avec le gris cimenté. Quatre grands chênes, centenaires, me faisaient face. Leurs feuilles garnissaient le sol. C'était une explosion d'ocres et de nuances cendrées, que j'admirais. Je sortis mon téléphone et pris une photo. En observant l'image je me rendis compte que la lumière d'un des réverbères faisait contre-jour. Je pris une autre photo mais en me décalant d'une dizaine de mètres sur ma droite, cette fois. Cette capture était bien plus satisfaisante que la dernière. En prenant la direction de l'entrée de la salle, je vis plusieurs masses noires s'y engouffrer sans bruits. J'hésitais à entrer, après tout, peut-être que ce n'était que des fans arrivés en retard et qui ne voulaient pas se faire remarquer. Alors que je m'apprêtais à entrer j'entendis une détonation plus forte que la musique, c'est à ce moment-là que je sus que mon hypothèse était terriblement fausse. Un coup de feu venait d'être tiré, ce n'était que le premier d'une série interminable. La foule poussait des cris à fendre le coeur, je sentais que la panique montait crescendo dans la salle. Une voix surplomba toutes les autres, celle de mon père :

-Mel ?! MELODY OU ES-TU ? MELO...

Un coup de feu retentit alors qu'il prononçait mon prénom. L'angoisse suintait à chaque mot qu'il avait prononcé. Mon coeur battait tellement fort, il serait sorti de mon corps si je ne faisais pas tout ce qui était en mon pouvoir pour reprendre ma respiration, qui avait momentanément été suspendue. L'adrénaline me fit pousser les portes d'entrée, je le vis gisant sur deux autres personnes. Le ventre ensanglanté, ses mains essayant d'arrêter l'hémorragie, ses yeux se posant instantanément sur moi.

-SORS D'ICI ! s'égosilla-t-il.

Son cri me transperça de la tête aux pieds. Je ne savais plus ce qu'il se passait autour de moi. Je ne prenais plus de temps de penser. La mitraillade n'avait pas cessé. Une dizaines de personnes étaient tombées depuis que j'étais entrée. Sans aucune volonté de ma part mes jambes m'avaient fait reculer. Je pense que c'est ce qu'on appelle l'instinct de survie, et il prenait les commandes. J'étais ressortie de l'immense pièce. Les yeux exorbités j'avais fixé la porte quelques secondes durant. Soudain, la masse noire dont j'avais douté de l'identité, me fonça droit dessus. Le choc fut tellement brutal que je n'eus pas le temps d'amortir ma chute de mes mains. Ma tête heurta violemment le sol. Je ne pouvais plus bouger, je ne savais plus où se trouvaient ni mes jambes ni mes mains. J'entendis une portière se refermer et une accélération résonna dans toute la rue. J'entrepris de me relever mais mon corps ne m'écoutait plus. Je restais sur le trottoir, tantôt pétrifiée, tantôt secouée de spasmes. Quelques habitants passaient déjà leur tête par la fenêtre pour connaitre l'origine de tout ce vacarme. Je sentis alors le sol trembler, ce qui n'arrangea pas mon état. Je sentis un liquide chaud se répandre le long de ma nuque, mon sang! Ma tête tournait, ce qui me désorienta complètement. Le sifflement qui suivit finit de m'achever. Au même moment, mon corps fut projeté par l'explosion. La dernière chose que je ressentis fut l'impact avec le bitume.

C'était un attentatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant