Le club des rêveurs

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Est ce qu'on va partir d'ici, nous, les adolescents ? C'est vrai que c'est une question qu'on peut se poser, non ? Pourquoi personne n'en parle à haute voix alors ?

De la petite ville d'où je viens, tout le monde se connait, se critique, se juge et se maltraite. Les amitiés ne sont que superficielles et les libertés limitées. Il y'a les cafés dans lesquels tout le monde va, les librairies que chacun côtoie et le boulanger apprécié de tous. Il y a même un tabac autour duquel les « populaires » se retrouvent et jugent, critiquent, maltraitent et moquent ensemble.

Moi et mes amis, on aime se laisser border par l'espoir qu'un jour, on partira. C'est un peu à cause de la télé et des livres tout ça, mais on se sent tous intimement persuadé qu'on devinera millionaire et qu'on voyagera partout, qu'on aura des supers beaux appartements et de très respectables enfants, car comment pourrait-il en être autrement ?

Il y a celle qui veut devenir dentiste, celui qui veut devenir avocat. Les courageux qui vont tenter médecines et les indécis qui rient quand on leur demande ce qu'ils souhaitent faire. Ca a toujours été ainsi, pour nos parents aussi. Pourquoi habitent-ils encore ici ? Ne voulaient-ils pas partir, eux, et s'envoler vers de nouveaux horizons comme nous le voulons ici ?

Y a t'il un moment dans la vie où on cesse de rêver et où on revient à nos racines, pour devenir un pilier des lieux qu'on a pourtant affirmé détester ? Qu'est ce qui peut motiver à ça ? C'est tellement bizarre.

Mes rêves ne sont que des illusions pas encore réalisées et c'est un peu bizarre de le comprendre car ce sont eux qui m'aident à supporter la dureté de la réalité. Je me cache derrière des écrans, derrière des idées de vie futures, d'ambitions, car comment pourrait-il en être autrement ?

Je souhaite de tout mon coeur à mon amie de devenir dentiste et à mon camarade de devenir avocat, mais combien vont réaliser ce qui les fait aujourd'hui vibrer ? Notre famille et entourage ne seraient-ils pas ailleurs s'ils avaient vraiment suivi leurs ambitions adolescentes ? Je me le demande.

Je fait partie de ce club des rêveurs qui espère, espère très fort que tout ce qui aujourd'hui me répugne sera remplacé par des opportunités et des moments de bonheurs. Je cache à travers mes lignes ces quelques tourments et regarde les autres se diriger vers une voie toute tracée, « celle qui est faite pour eux ».

Y'a t'il seulement une voie faite pour moi ? J'utilise les mots pour apporter de la richesse à mes espoirs et n'y pense pas, même dans le noir.

Morceaux d'adolescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant