Chapitre 38 : Miles

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J'ai droit au réveil le plus difficile de toute ma chienne de vie.

D'abord, la douleur. Je n'ai jamais eu aussi mal, à autant d'endroits en même temps. C'est comme si mon corps avait été broyé minutieusement, puis remis en place. Ma tête menace d'exploser à chaque respiration que je prends.

Mais surtout, le noir. J'ai beau ouvrir grands les yeux, je ne discerne absolument rien de la pièce où je me trouve. Je pourrais être devenu aveugle sans le savoir.

Je suis allongé, le torse légèrement relevé, dans ce qui pourrait être un siège. Mes mains et mes pieds semblent prisonniers de sangles ; je suis complètement immobilisé.

Doucement, les souvenirs remontent à la surface. Et une douleur plus profonde encore s'insinue jusque dans mon estomac.

Si j'ai l'habitude que les choses tournent mal, je suis tout de même rarement pris au piège. Max a toutes les raisons de me haïr et de se venger. Je ne peux pas lui expliquer ce qu'il s'est réellement passé et ça ne changerait rien. Car il a raison sur un point : j'ai choisi d'exécuter ma mission, alors qu'il me suppliait de ne pas le faire, faisant passer mon travail avant notre amitié.

Max Drop était ce qui se rapprochait le plus d'un meilleur ami pour moi. Nous avions partagé le même dortoir, suivi le même entrainement, et nous nous soutenions l'un l'autre. Mais nous n'avons jamais discuté de nos vies. Il n'a jamais rien su pour moi, et je ne pensais pas non plus qu'il cachait quelque chose.

Je mérite ce qui m'arrive. Mais pas Faustine. Je ne supporte pas l'idée qu'il puisse lui faire du mal. L'idée de la perdre à jamais alors que je viens tout juste de la retrouver. Alors qu'elle sait enfin qui je suis.

J'enrage intérieurement, puis je grogne, hurle, me débat en utilisant toutes les forces qu'il me reste, ignorant la douleur.

C'est à ce moment qu'une lumière éclatante envahit mon champ de vision et m'aveugle quelques instants. Je plisse les yeux, essayant de les ouvrir peu à peu.

Je découvre alors une rangée de cinq petits écrans, émettant des images en noir et blanc. La qualité est mauvaise mais on discerne clairement ce qu'il s'y passe. Sur deux des écrans, il n'y a rien qui bouge. On peut seulement voir un bout de grillage et des arbres au fond. Sur celui d'après, je regarde l'intérieur d'un camp où des centaines de gens se pressent contre les grilles, repoussés par des soldats. Quelque chose vient de se produire qui a mis tout le monde en ébullition. L'écran suivant montre ce qui semble être l'entrée du camp. Une voiture blindée patiente devant le grillage alors que le conducteur discute avec un jeune soldat. Enfin, le dernier montre une longue route déserte.

Je m'intéresse donc à la caméra trois et remarque la panique sur les visages de plusieurs personnes. Les soldats, eux, ont l'air dépassé. Je me demande ce qu'il vient de se passer pour mettre tout le monde dans un tel état. Les prisonniers sont à peine contenus par les soldats qui tentent, tant bien que mal, d'établir une position. Je scrute les visages à la recherche de Faustine ou Peeter, mais je ne les vois pas.

Sur la caméra quatre, le conducteur tend des feuilles au soldat qui hésite longuement. Une seconde plus tard, il a saisi le dossier et ouvre rapidement les grilles avant de cacher le dossier sous son uniforme et de se précipiter hors caméra. La voiture disparaît à son tour et je retourne vers la caméra trois pour essayer de trouver le jeune soldat. Mais il y a trop de monde et tout est trop confus pour que j'en tire quoique ce soit.

C'est enfin, sur la cinquième et dernière caméra, que je retrouve la voiture au loin, qui avance dans ma direction. Elle se rapproche rapidement, mais, alors que quelqu'un apparaît soudainement à la caméra, la voiture s'arrête. Je n'ai pas encore compris ce que je vois à l'écran que déjà, j'ai un mauvais pressentiment.

- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant