• Chapitre 6 •

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''La vie n'est-elle qu'une illusion ? Pourquoi tant de souffrance, tant de désespoir si tout finalement se réduit au néant ?''

Christiane Villon


J'ai beau rouvrir le livre, rien n'a changé depuis des mois. Nous sommes début janvier maintenant. Les fêtes de Noël et du nouvel an sont terminés. Je suis retournée au collège le jour suivant cette découverte et il m'a semblé que le temps reprenait son cours normal, comme si ce livre l'avait arrêté le temps de quelques heures. Les heures, les cours et les jours défilent comme si une parenthèse s'était refermée. Au début, après la lecture de cet étrange texte, j'étais plus ou moins toujours sur mon petit nuage. J'étais un peu brumeuse aussi, comme lorsqu'on sort d'une salle de cinéma après avoir regardé un film particulièrement prenant et qu'on est encore un peu dans l'histoire.

Mais c'est redevenu comme avant. Ils n'ont pas arrêté de s'en prendre à moi. La dure réalité de ma vie a repris le dessus. Le soleil chauffe par intermittence, mais il fait encore froid. Aujourd'hui, après avoir éclaté une énième fois en sanglots, je rouvre le livre, dirigée par une intuition étrange. Je n'arrive pas à m'arrêter de pleurer. J'en ai marre de toujours souffrir. Une de mes larmes tombe sur le livre. J'observe la page plus attentivement. Trois petits points, un peu comme des points de suspension, sont apparus dessus. Je ne sais pas depuis combien de temps ils sont là. Ça fait longtemps que je n'aie pas rouvert le livre. Ça fait un peu comme si ce roman attendait quelque chose, un événement spécial, pour me révéler un autre de ses secrets.

Étonnamment, je m'aperçois que j'ai placé de l'espoir dans ce bouquin. Je ne sais pas vraiment si c'est sensé, mais j'ai l'impression qu'il est mon dernier espoir. J'ai l'impression que c'est en quelque sorte mon guide. Que c'est le livre qui contient mon destin, là, entre les pages, entre les lignes. Mes larmes s'assèchent peu à peu. Je suis assise en tailleur sur mon lit. Je ferme les yeux. J'imagine ce que serait ma vie idéale. Juste être tranquille. Seulement ne pas avoir à lutter contre les mots chaque jour.

Plus je pense à mon avenir, plus je me dis qu'il n'y a aucune chance pour que demain soit différent d'aujourd'hui. Aucune porte de sortie ne se dessine à l'horizon. Les jours se suivent et se ressemblent. Je ne peux rien y faire. Parfois j'aimerais me réveiller en sursaut dans mon lit, et m'apercevoir que tout ça n'est qu'un cauchemar. J'aimerais me rendormir sereinement en me disant que la vie est belle, que la vérité est tout autre. Mais cela m'est impossible. Tout simplement parce que ce cauchemar, c'est ma vie réelle.

J'observe les cadres accrochés aux murs de ma chambre. Ils ne représentent qu'une infime partie de ma vie. Un photo de classe où tous les élèves, ou presque, sourient. Une photo de moi petite, dans les bras de ma mère. Une autre où le soleil se couche derrière des champs de blé. Une autre encore où je suis prise en photo dans une piscine, en compagnie de Jess. Ces moments immortalisés sont les rares qui me font sourire.

J'ouvre le tiroir de ma table de nuit et prend le couteau suisse. J'ai envie de recommencer, pour voir si le refaire me procurerait à nouveau ce sentiment de liberté. J'ai l'impression de n'avoir jamais été libre. J'approche à nouveau la lame de ma peau, comme je l'ai tant fait ce jour-là. Il me semble à la fois lointain et très proche, comme si le temps entre les deux variait selon mon état d'esprit. J'appuie le couteau sur ma peau, exactement au même endroit que la fois d'avant. Les marques sur ma peau ont presque disparu, mais je sais encore où elles étaient. J'accentue encore la pression sur la lame, sans pour autant la mettre en mouvements.

Mais, je ne sais pas pourquoi, au lieu de commencer à faire des allés et retours avec le couteau jusqu'à ce que mon sang noie la lame, je récupère mon smartphone et compose le seul numéro que je connaisse par cœur. A l'autre bout, le téléphone doit sonner. Malheureusement, après quelques sonneries, le répondeur s'enclenche automatiquement : ''Bonjour, tu es bien sur le répondeur de Jess Bon's, laisse un message et je te rappellerai plus tard'' Biiiiiip.

Un destin entre deux pagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant