Chapitre 40 : Rune

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Je me trouve quelque part entre une lumière éclatante et une obscurité sans nom. Naviguant dans des eaux sombres vers une lueur que je discerne à peine, chaque membre de mon corps refuse de m'obéir. Je n'ai aucun contrôle, aucune visibilité.

Mais je sais quelque chose : Max ne me contrôle plus.

Après des mois passés à rester tapie dans le recoin le plus reculé de mon propre être, je sens enfin la pression qui me poussait à m'effacer s'envoler. Si je le voulais, si je me concentrais suffisamment, je réussirais sûrement à refaire surface. A reprendre le contrôle de mon corps et de mon esprit.

Pourtant, je continue de me laisser porter par le courant, laissant la clarté prendre de l'ampleur dans mon champ visuel. Tout est tellement calme ici, tellement paisible. Je pourrais rester comme ça et ne plus jamais bouger.

Bientôt, des échos me parviennent par vague et troublent ma tranquillité d'esprit. Presque ennuyée qu'on me dérange, je ferme les yeux et tente de m'isoler. Alors les sons étranges redoublent d'intensité. Parce qu'une partie de moi, une autre partie enfouie moins profondément, exige que je sorte de ma transe.

C'est la partie qui a lutté contre le pouvoir de Max. C'est la partie qui ne laisse pas tomber. Qui refuse que quelqu'un d'autre puisse diriger son être. Que quelqu'un d'autre prenne des décisions à sa place sans qu'elle ait son mot à dire.

C'est la partie qui n'abandonne pas ses amis. Sa meilleure amie.

-Faustine ! je sursaute en me reconnectant avec le monde réel dans une telle violence, que j'ai l'impression d'avoir fait une chute d'une falaise et de percuter un mur d'eau.

Ma voix est complètement éraillée et mon cœur bat si fort contre ma cage thoracique que ç'en est douloureux. Extrêmement douloureux. Mais ce n'est rien comparé à mes muscles meurtris, si courbaturé que je peux à peine bouger.

La lumière est trop vive pour mes yeux, comme si je me réveillais d'un très long sommeil. Ce qui est un peu le cas. Les sons aussi me paraissent trop amplifiés. C'est pourtant mon esprit qui me pose le plus de soucis.

Je pose mes mains sur mes tempes pour empêcher ma tête d'exploser. C'est sûrement ce qu'il va se passer tant la douleur redouble d'intensité.

Je hurle. Je crois que je hurle. Mais je n'entends aucun son provenant de ma gorge. Je suis devenue folle. Ou je suis retombée sous le joug d'une influence extérieur. Je ne sais pas, et j'enrage de ne pas savoir. De ne pas contrôler.

Une boule de colère grandit en moi. Elle dévore mes entrailles et prend de l'ampleur au fur et à mesure que mes souvenirs reviennent, que les évènements défilent devant mes yeux. Je me sens coupable et innocente en même temps. Victime et bourreau. Puissante et impuissante. La boule se gorge de la rancœur, de la haine et de la frustration que j'ai accumulé, tapie dans le recoin de mon esprit. Toujours présente, toujours spectatrice, sans jamais pouvoir intervenir.

Bientôt, mon corps tout entier vibre de cette hostilité et la souffrance dans mon crâne de cesse d'augmenter. C'est trop. Je ne peux pas supporter ça.

Dans mon esprit, je me revois poignarder Faustine. L'image précise de la lame s'enfonçant dans son estomac repasse en boucle, encore et encore, sans jamais s'arrêter, sans jamais changer de point de vue. J'hurle de plus belle mais rien n'arrête ce spectacle horrifique. La surprise sur le visage de Faustine quand elle découvre ce que je lui ai fait.

Mais je n'ai rien fait. C'est Max qui me contrôlait. Et j'ai essayé de retenir le coup. J'étais là, je luttais pour lui interdire de s'en prendre à elle.

- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant