Chapitre VI: Le dévastateur dévasté (Partie 3)

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  Contre toute attente, je suis parvenu à m'endormir, et enfin je me réveille. Je sais qu'il n'est pas encore l'heure du réveil, il fait encore nuit, et l'horizon s'éclaire à peine de quelques rayons du soleil levant. Mais j'ai une quête, divine qui plus est. Je ne peux me résoudre à attendre. Je revêts une veste assez chaude, sors de ma tente, et vais, rapidement mais discrètement vers la "demeure" de Roland. Quand j'y parviens enfin, j'entrouvre le rabat, et pénètre à l'intérieur. J'entends ses ronflements, qui me permettent de le situer avec précision dans l'obscurité. Plus je m'approche, plus son odeur corporelle se fait sentir, due probablement à une hygiène plus que douteuse. Me faisant violence, je l'atteins finalement et pose ma main sur sa bouche pour étouffer tout bruit qu'il pourrait produire. Ce geste n'ayant pas suffi pour le réveiller, je le secoue. Il se réveille en sursaut. Ma main est toujours plaquée contre sa bouche et réussit à étouffer tout le bruit qu'il essaie de proférer. Je lui explique alors que j'ai une quête secrète et de la plus haute importance à mener, et que j'ai besoin de son aide. Il semble accepter de m'aider. Je relâche alors mon emprise, et le laisse enfiler des vêtements chauds. Quand il me rejoint dehors, nous nous dirigeons vers la forêt, et nous suivons ce sentier principal qui s'est creusé avec les allers et venues des hommes en quête de discrétion. Je sens la terre humide, presque boueuse, sous mes pieds dans laquelle s'enfoncent mes chaussures à chaque pas. L'air est frais, presque glacial, l'humidité en ajout me fait frissonner. J'aurais dû plus me couvrir. Quand nous sommes à presque cinq cents mètres du campement, je lui dit de s'arrêter, et lui pointe un buisson un peu plus loin. Quand il va enfin voir, je saisis une grosse pierre et la lui abat sur le crâne. Je prends une lanière de cuir que j'avais prévue, et le bâillonne, avant d'attacher son corps à un tronc. Dès qu'il revient à lui, je commence ma besogne. Je tire mon couteau, et commence à couper. Couper ses membres, un à un, comme Elle me l'a montré. Comme Il veut que je le fasse. Je suis un homme de bien, je mérite le pardon, mais il me faut Lui prouver. Je perçois sa douleur à ses larmes, à ses cris étouffés, à ses yeux implorants, à la rougeur de son visage, mais étonnamment, je ne ressens aucune empathie. Ni aucune haine d'ailleurs. Le vide. C'est ainsi que je pourrais décrire mon état. Quelle sensation si étrange! Ce doit être le propre des êtres en mission divine! Aucune satisfaction à exorciser mes regrets, aucune joie à anéantir mes remords, juste ce sentiment d'accomplir un dessein qui me dépasse. Quand j'en ai fini, et que seule la tête est encore attachée au tronc de cet homme que je considérais comme un camarade il y a quelques heures de cela, je fais enfin cette prière que j'ai eu tout le temps de ressasser durant notre venue. Avant d'enfin achever mon rituel.

   C'est au moment où la tête commence à rouler que je me rends compte de ce que j'ai fait, et là, tout mon monde s'effondre de nouveau. Que suis-je devenu ? Un simple monstre, désormais avide de sang ? Non... NON. C'est impossible, je n'ai tiré aucune joie de cet acte. Mais que m'arrive-t-il ? Qui suis-je ? Et je revois alors ce regard, tout juste issu du rêve d'un esprit malade et torturé. Non, cela ne peut être. J'ai une chance de pardon! Oui, c'est cela, il faut que je continue! Ce ne peut-être un hasard! Tout est voulu par Lui! Je ne fais que suivre la voie qu'il a choisi de me faire arpenter... Et puis il est normal qu'une quête aussi bénie soit difficile. Oui, c'est un test, je dois faire le vide, et me faire violence pour achever ma quête, le but qui a été choisi pour être le mien. Sur ces pensées, je commence à dissimuler adroitement les différentes parties du corps, ayant recouvré ma froideur d'il y a quelques instants. Toutefois, sur le chemin du retour, le doute ne cesse de tourbillonner en mes pensées, je ne fais qu'osciller entre peur, peur de moi-même, et fierté, fierté d'être élu pour cette tâche. Je le sais, je suis homme de bien, et c'est pour cela que je fais cela, je dois venger la pauvre femme qu'ils ont agressé! Sans m'en rendre compte, j'avance, inexorablement, encore et toujours, et j'arrive finalement à proximité du camp, non sans remarquer un éclat sur mon passage. Je la vois alors, la sentinelle. Mais quel idiot, nous ne sommes passés la première fois que par miracle. Toujours tapi dans l'ombre, je continue de progresser, inexorablement, encore et toujours. Quand j'atteins finalement le camp, je ne peux réprimer un soupir de soulagement, et me fait discret pour rentrer à ma tente.

Bataille [Version "mobile"]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant