Catabase

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La façade à la peinture écaillée de l'immeuble semblait venir d'un autre temps, elle était d'un marron sale. Le jeune homme posté devant regardait d'un œil inquiet le bâtiment, il baissa les yeux en direction de la petite carte blanche qu'il tenait d'une main tremblante. Sept rue des enfers, c'était bien le numéro de l'immeuble. Il inspira profondément, et se mit à tousser, la gorge irritée par une légère odeur de soufre. Cette rue sombre et déserte ne lui inspirait rien de bon. Il regarda fixement l'entrée de la petite bâtisse, une porte vitrée, teintée de noir ou alors juste encrassée.

Il avait attendu cet instant depuis si longtemps, il allait enfin retrouver sa mère. Il ne l'avait jamais connue, son père n'en avait jamais parlé, elle s'était volatilisée un jour, comme ça. Jamais le jeune homme n'avait pensé à la rechercher, mais la mort prématurée de son père, emporté par un cancer foudroyant avait déclenché un ardent désir de connaitre sa mère. Il avait donc contacté un détective privé, Jack Lemort, dont le nom l'avait d'ailleurs laissé perplexe. Sa mère travaillait depuis des années dans une petite société de courtage, sept rue des Enfers.

S'armant de tout son courage et de toute sa détermination, il poussa la porte de l'édifice qui s'ouvrit dans un long grincement arthritique, accompagné du son rouillé d'une clochette. Si la façade de l'immeuble présageait une bâtisse âgée, l'intérieur le confirmait.

Les murs décrépis semblaient pleurer leur laide peinture disparue, la moquette du sol semblait bouillonner d'une vie propre, tentant de s'échapper par tous les moyens possibles. Le jeune homme s'inquiéta, ses vaccins étaient-ils tous à jour ?

Au fond de la triste salle, un long comptoir qui devait avoir connu des jours meilleurs. Il était surplombé d'un solide lustre ne diffusant qu'une faible lueur, cela n'aurait pas étonné le jeune homme si ce lustre associé à ce comptoir avait compté son lot de pendus. Et comme pour couronner l'atmosphère lugubre et glauque de l'accueil, sur le mur du fond, trônant, comme emplie d'une morgue royale, une pendule dont les aiguilles acérées étaient arrêtées sur le douze. Midi ou minuit ? Cela ne l'aurait pas étonné s'il s'agissait de minuit. Il ferma les yeux un instant, bientôt...

Son sang se glaça dans ses veines. Près de lui, presque silencieux, le bruit d'une respiration, douce, lente, calme. Juste un murmure dans le silence. Un long frisson lui parcourut le dos. Il entrouvrit légèrement les paupières, derrière le comptoir une vielle femme. Il soupira de soulagement. Il ouvrit les yeux complètement et s'avança d'un pas assuré. La très vieille dame, car au premier abord il était clair que l'âge de la retraite était largement dépassé, arborait un sourire chaleureux et un regard malicieux. Le jeune homme s'accouda au comptoir.

« Je peux vous aider, jeune homme ? demanda la dame d'une voix chevrotante, elle semblait aussi âgée que la bâtisse.

— Je suis ici pour rencontrer une personne qui travaille dans cet endroit.»

En un instant, la vieille femme changea soudainement, de son air de gentille grand-mère qui distribue des gâteaux dans la rue elle passa à celui de la vieille qui empoisonne le chat du voisin pour sauver son canari. Son regard s'était allumé d'une flamme mauvaise, et son sourire était désormais carnassier, elle semblait prête à le dévorer. Elle avait un petit air d'Anthony Hopkins dans le film Le Silence des Agneaux.

Le jeune homme déglutit et articula tant bien que mal :

« Un détective vous a contacté, Jack Lemort, il m'a informé que ma mère travaillait ici, c'est lui qui m'envoie. »

La vieille femme se radoucit, reprenant son air de gentille grand-mère, mais sa voix était celle d'un serpent, froide et glaciale. Elle lui répondit :

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